100 milliards d’euros sur 15 ans pour moderniser le réseau de transport d’électricité français - Sfen

100 milliards d’euros sur 15 ans pour moderniser le réseau de transport d’électricité français

Publié le 17 février 2025

RTE, le gestionnaire du Réseau de transport d’électricité français, a proposé un plan stratégique d’investissements pour répondre aux enjeux de décarbonation et de réindustrialisation de la France grâce à l’électrification du mix énergétique. D’ici 2040, 100 milliards d’euros seront ainsi investis graduellement pour moderniser et adapter l’ensemble du réseau électrique français.

Le Réseau de transport d’électricité (RTE) doit adapter son infrastructure alors que les objectifs de décarbonation et de réindustrialisation de la France amènent à élever la part de l’électricité à plus de 50% dans le mix énergétique du pays d’ici 2050. C’est pour cette raison que RTE a présenté jeudi 13 février 2025 son plan stratégique d’investissements pour les prochaines années. Il représente un montant de l’ordre de 100 milliards d’euros, étalés sur 15 ans, pour adapter et moderniser le réseau d’électricité français à l’horizon 2040.

Le schéma de développement du réseau

« Ce plan d’investissement est d’abord un véritable plan d’aménagement et d’équipement national qui concerne l’ensemble des régions. Mais c’est aussi un acte industriel et souverain. L’évolution du réseau de transport d’électricité français fait impérativement partie de l’équation d’une France qui se réindustrialise et qui se décarbone en même temps », introduit Xavier Piechaczyk, président du directoire chez RTE. Celui-ci est un document portant le nom de « schéma de développement du réseau » (SDDR). Il a fait l’objet d’une concertation préalable avec les parties prenantes, ainsi qu’une consultation publique en fin d’année 2024 (plus de 300 contributions issues des territoires, des fournisseurs d’équipements et des partenaires étrangers). Par la suite, il sera présenté dans l’année lors d’un débat public et sera également soumis à l’avis du ministre en charge de l’énergie, de l’Autorité environnementale et de la Commission de régulation de l’énergie. À terme, le plan d’investissement sera publié, actant ainsi la stratégie de référence de RTE pour les prochaines décennies.

Après deux années d’études techniques et l’analyse de plusieurs scénarios, trois grands piliers stratégiques ont été définis pour structurer ce plan d’investissement :

  1. Renouveler le réseau en le rendant résilient au changement climatique ;
  2. Raccorder pour satisfaire les besoins en énergie bas-carbone ;
  3. Renforcer les lignes haute et très haute tension du réseau.

Renouvellement du réseau

En raison du contexte climatique et du caractère vieillissant des installations de distribution, le réseau d’électricité, en particulier aérien, doit être renouvelé. Ce sont au total 23 500 km de lignes, 85 000 pylônes, ainsi que le système de télécom et contrôle commande qui seront rénovés pour faire face aux risques climatiques (inondations, vents violents) et à l’élévation des températures (+ 4°C) attendue d’ici 2100. En 2040, 80% des infrastructures existantes atteindront le niveau de résilience attendu, pour parvenir finalement à 100% à l’horizon 2060. Le montant de l’ensemble de ces travaux est estimé à environ 24 milliards d’euros.

Raccordement des consommateurs et des producteurs

Le raccordement des consommateurs et des producteurs est le plus gros chantier à venir pour RTE puisqu’il totalise plus de la moitié des investissements, soit 53 milliards d’euros. « Le raccordement au réseau est la condition pour permettre aux industries d’abandonner l’usage des fossiles en faveur de l’électricité et aux nouvelles usines, data centers et producteurs d’hydrogène de s’implanter en France. » avance Thomas Veyrenc, directeur général en charge de l’économie, de la stratégie et des finances chez RTE. Parmi les consommateurs, RTE a d’ores et déjà accordé des droits d’accès à 140 projets, pour une puissance cumulée de 21 GW, parmi lesquels on retrouve des projets de datacenters, des électrolyseurs à hydrogène et des industries manufacturières. Les grandes zones industrielles portuaires, telles que Dunkerque, Fos-sur-Mer ou Le Havre seront priorisées. Plus tard, des zones mutualisées ont été identifiées où les travaux seront lancés si le niveau d’engagement des industriels est confirmé. C’est un volume sans précédent dans l’histoire de RTE puisqu’il correspond au double de la consommation actuelle des industriels sur le territoire.

Par ailleurs, RTE va aussi engager une modification du droit au raccordement, jusqu’ici sous la forme « du premier arrivé, premier servi ». « Si un grand nombre de projets ne se concrétisent pas, ils vont occuper contractuellement une puissance qui sera inutilisée physiquement. Parfois le premier arrivé ce n’est pas celui qui avance le plus vite dans son projet. » explique en effet Thomas Veyrenc.

Du côté des producteurs d’électricité,  le SDDR inclue le raccordement des six futurs EPR2 à Gravelines, Penly et Bugey. RTE prévoit ici surtout des travaux de redimensionnement des ouvrages de raccordement, l’adaptation des postes et du réseau aux alentours, comme cela a déjà été le cas pour l’EPR de Flamanville. Sont concernés aussi les projets éolien offshore, plus coûteux, car les lignes sont à créer, mais également car ils utiliseront la technologie de courant continu. Enfin, le raccordement des énergies renouvelables terrestres et des batteries est aussi intégré au SDDR.

Renforcement de la colonne vertébrale

Renforcer les lignes à très haute tensions (400 kV) n’avait pas été fait depuis plus de 30 ans. L’objectif est de permettre de faire transiter plus d’électricité tout en optimisant les trajets afin d’échapper au risque de congestion. La stratégie de RTE pour ce pilier est ainsi d’éviter les surcoûts en privilégiant la transformation des infrastructures existantes ou leur doublement.  Dans le cas contraire et pour raccorder aussi les zones dépourvues ou insuffisamment raccordées, de nouvelles lignes seront construites. La ligne très haute tension du Massif Central, construite dans les années 1920, sera la première concernée par ce renforcement.

« Il y a aussi un enjeu de durabilité et de passage à une échelle d’économie circulaire. Cela impliquera notamment, en lien avec nos fournisseurs, l’utilisation de plus de matériaux recyclés dans le réseau. » expose Chloé Latour, directrice stratégie et régulation chez RTE. Le renforcement des lignes haute à très haute tensions est évalué à 16,5 milliards d’euros. ■

Par François Terminet (Sfen)

Image : Siège de RTE, de gauche à droite : Xavier Piechaczyk, Chloé Latour et Thomas Veyrenc