Professeur Feuillage : le « Jamy » de Youtube
Écologiste convaincu, Mathieu Duméry défend l’idée que « la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas ». Sa carrière, commencée comme journaliste puis comédien, lui a donné l’occasion de travailler à C’est pas sorcier, l’émission culte de vulgarisation scientifique des années 1990-2000 animée par le duo « Fred et Jamy ». Avec les Chroniques écologiques du Professeur Feuillage, Mathieu et sa compagne Lénie réinventent le genre.
« Je savais faire des vidéos, j’aimais déconner, et mon grand chantier de valeur c’est l’écologie, alors j’ai voulu faire des vidéos qui prônent la sensibilisation à l’écologie », explique Mathieu Duméry pour présenter la genèse du travail qui l’anime aujourd’hui aux côtés de sa compagne, Lénie Cherino. À 35 ans, celui qui incarne le Professeur Feuillage dans sa chaîne YouTube éponyme peut compter sur plus de 60 000 abonnés et de nombreux projets, dont un livre qui paraît à la rentrée sur les sujets de son émission. Les débuts de cette aventure ne furent toutefois pas simples, avec un premier tournage dans un squat parisien. Pourtant, rapidement, la machine se met en marche et Professeur Feuillage est repéré par France Télévision, qui le produit aujourd’hui.
Sa double formation de journaliste et de comédien et sa compétence dans la réalisation de vidéos font des chroniques du Professeur Feuillage une émission visuellement très travaillée (décors, messages), couplée à un humour corrosif. Le tout sur un format d’une dizaine de minutes. « Le choix des sujets n’est pas toujours évident. Certains ont des résonances d’actualité, par exemple la COP21, d’autres sont issus d’articles qui nous font prendre conscience de réalités et nous donnent envie d’explorer le sujet et de l’expliquer ». C’est notamment le cas du thorium, auquel le Professeur Feuillage consacrera une vidéo en octobre. « J’aime bien couper la tête aux idées reçues », s’amuse le comédien. Ce fut notamment le cas avec la vidéo consacrée aux éoliennes. Au départ, Mathieu et Lénie étaient convaincus qu’il fallait « en mettre partout ». Au final, la vidéo sera beaucoup plus nuancée : « au fur et à mesure de nos recherches, nous nous sommes rendus compte que les éoliennes, ce n’est pas si bien ».
Écolo convaincu, Mathieu explique avoir longtemps été antinucléaire, « sans vraiment trop de réflexion, en ayant comme tout le monde cette culture collective de Tchernobyl, de Fukushima, d’Hiroshima ou des essais nucléaires. Après avoir rencontré des experts du milieu, qui n’avaient pas particulièrement intérêt à en faire la promotion, je suis en train de revoir ma copie. Tout n’est pas blanc ou noir. Il n’y a pas le méchant nucléaire d’un côté et les gentilles éoliennes de l’autre », précise-t-il, ajoutant que « si on considère que l’urgence écologique c’est le climat, il n’y a pas de solution aujourd’hui sans le nucléaire. » Mathieu ne veut pas pour autant défendre l’énergie nucléaire. Selon lui, « le choix énergétique va se faire en fonction d’un calcul bilan avantage des risques ». Le sourire au coin, il s’interroge : « est-ce qu’on risque plus de griller sous des rayons ultraviolets ou avec les rayons alpha ou gamma de l’énergie nucléaire ? »
Mathieu regrette les « bêtises » et la « désinformation » sur le nucléaire. « On ne peut pas informer les gens avec des chroniqueurs écolos qui n’ont pas creusé les sujets. » Pour cet ancien journaliste, « quand on est journaliste, il faut accepter que l’on ait pu se tromper. Or, trop de journalistes n’ont pas envie de se tromper sur le nucléaire, d’aller voir plus loin que le petit pourcentage de risque ». Contrairement à une grande partie de la presse écrite, Mathieu « aime à croire que les vidéastes du web peuvent être libres. Ils n’ont pas forcément raison mais ils sont libres ». Une liberté à double tranchant : « la limite de cette vulgarisation est qu’elle s’adresse beaucoup aux jeunes et une grande partie d’entre eux vont prendre comme argent comptant ce qui va leur être proposé, sans le questionner ou le remettre en cause. » Internet a aussi les défauts de ses qualités : « si nos vidéos excèdent 10 minutes, le public va zapper. Pourtant, on ne peut pas tout traiter en 4 minutes ». S’il regrette que le sujet de l’écologie intéresse moins que les « tuto de maquillage », le Professeur Feuillage reste toutefois confiant sur l’intérêt de sa formule : « on sème des graines dans la tête des gens ».