Pollution française et lignite allemand
La transition énergétique allemande est construite sur la fermeture complète de ses centrales nucléaires pour les remplacer par des sources d’énergies renouvelables d’une part et par du charbon (essentiellement du lignite, le plus sale des charbons) et du gaz d’autre part, ceci pour pallier l’intermittence, imprévisible de surcroit, des premières.
Quand le vent vient de l’Est ou du Nord-Est
Chez nous, plusieurs fois cette année, en particulier en mars, notre pays a connu sur toute la moitié Nord et jusqu’en région parisienne, des pics de pollution importants.
On a voulu nous persuader, sans qu’on sache très bien pourquoi, que cela provenait des moteurs de nos voitures diesel et on a mis en place une circulation alternée qui a exaspéré les Franciliens et a joué des tours à notre économie en la ralentissant. De plus, ceci n’était pas bon pour notre industrie automobile, montrée du doigt alors qu’elle a déjà bien du mal à subsister face aux industries automobiles allemandes.
Or, curieusement, ces pollutions n’interviennent que lorsque le vent vient de l’Est ou du Nord-Est de l’Europe. Pas du tout quand le vent est d’Ouest. Là, au contraire, tout le monde souffle, l’air est redevenu plus pur alors que les mêmes voitures roulent ! Mais alors, nos automobiles et nos camions n’y sont donc pour rien et une fois de plus, on nous a pris pour des imbéciles !
Il faut chercher la raison ailleurs et pour trouver, il suffit de regarder une carte d’Europe de l’Ouest. Et si la pollution venait des rejets des centrales au lignite allemandes, en particulier celles proches de Cologne et de Düsseldorf, pas si éloignées que ça de notre frontière et possédant 60 % des réserves de lignite du pays ?
En effet, d’après le WWF qui recense les trente sites européens les plus émetteurs de CO2, l’Allemagne compte quatre des cinq centrales thermiques à charbon les plus polluantes de l’Union européenne. Si la centrale la plus polluante se trouve en Pologne, à Belchatow, les quatre suivantes sont situées sur le sol allemand : il s’agit des centrales du n°2 allemand de l’énergie RWE de Neurath et de Niederaussem (dans l’Ouest), suivies de celles du Suédois Vattenfall à Jänschwalde et Boxberg (dans l’Est). Et il n’y pas que le CO2 !
L’Allemagne tousse
23 millions de tonnes de charbon extrait par an, 1 000 tonnes de suie rejetées par jour ; voilà des chiffres à considérer, d’autant plus que les centrales de la vallée de la Ruhr ne sont pas en reste : le producteur d’électricité RWE agrandit une gigantesque mine de lignite dans cette région, obligeant les habitants à déménager. Le lignite extrait à Garzweiler alimente directement les centrales de RWE, qui crachent leur fumée blanche en bordure de la mine, la nouvelle mine contiguë à l’ancienne a une surface de 48 kilomètres carrés, autant que la ville de Lyon !
Pour cette seule centrale, 7 600 habitants et tout leur environnement doivent être déplacés. Ainsi, les 900 habitants d’Immerath s’installent à Immerath-Neu (Nouveau Immerath), un village sorti de terre pour l’occasion. Ils y retrouvent leurs morts, l’école et le jardin d’enfants, mais pas l’église, qui a été déconsacrée après un dernier office et rasée comme le reste !
Effet secondaire de la «transition énergétique» allemande, ce charbon polluant représente 40% de la production électrique du pays, contre 25% en moyenne en Europe (il faut bien compenser l’arrêt des centrales nucléaires !). Le permis accordé à RWE prévoit l’extraction de 1,3 milliard de tonnes de lignite d’ici 2045 sur le site soit en moyenne, près de 45 millions de tonnes par an pendant ces 30 ans ! À vos calculettes pour les rejets quotidiens de suie dans l’environnement, par référence aux chiffres indiqués plus haut, ceci pour une seule centrale parmi d’autres.
D’ailleurs, une étude a été commanditée par Greenpeace en avril 2013, sur la pollution des centrales à charbon, reprise par la revue allemande « Der Spiegel ». L’étude se base sur l’activité des 67 plus grosses centrales au charbon d’Allemagne en 2010, soit un an avant que le gouvernement annonce la sortie du nucléaire, en réaction à la catastrophe de Fukushima. Elle estime que cette année-là, 3 100 personnes sont décédées de façon prématurée à cause des émissions de CO2 et de la fine poussière de métaux empoisonnés générées par les centrales au charbon, qui provoquent maladies respiratoires, cancers du poumon et infarctus du myocarde.
Pour remplacer les huit réacteurs nucléaires sur dix-sept fermés en 2011, les 140 centrales au charbon que compte l’Allemagne tournent à plein régime. Les chercheurs estiment donc qu’il faut désormais ajouter « 2 155 décès prématurés par an » en tenant compte de cette évolution. Rien que dans la région de Berlin-Brandenbourg, chaque année, selon l’étude de Greenpeace, ces émissions seraient responsables de 640 décès prématurés.
Et là aussi, le nuage ne s’arrête pas à la frontière : les conséquences sanitaires sont lourdes à l’échelle de l’Europe : d’après une autre étude citée par la même revue « Der Spiegel », la pollution liée à la combustion du charbon (lignite, houille) coûterait chaque année 43 milliards d’euros de dépenses de santé à l’Union européenne.
Une pollution qui s’exporte vers la France
Ainsi, à l’occasion d’un seul pic de pollution dans la région parisienne, on nous a dit que cette pollution atmosphérique conduisait à une perte d’espérance de vie de 6 mois (situation revécue depuis, plusieurs fois, en mars 2015). On n’a pas évacué la population francilienne pour autant et la Presse ne s’en est pas émue outre-mesure ; on en d’ailleurs plus parlé lors des autres pics de pollution !
À l’autre bout de la Planète, le gouvernement japonais, obéissant aux normes érigées par la CIPR (Commission Internationale de Protection contre les Radiations) a évacué 110 000 personnes autour de Fukushima dans des zones caractérisées par une radioactivité de l’ordre de 20 mSv/an, à la suite de la catastrophe, ceci relayé par les médias du monde entier, sujet encore d’actualité 4 ans après !
Or, pour atteindre la même perte d’espérance de vie acceptée par les Parisiens, il faudrait qu’une population fût soumise pendant 1 an à une dose d’irradiation 18 fois plus élevée que la limite de 20 mSv/an, référence des autorités japonaises. On mesure ainsi la différence de traitement de l’information par les medias entre la pollution radioactive au Japon et celle de l’air dans une bonne partie de notre pays (et en Belgique, touchée elle aussi).
Ainsi, il faut s’attendre, à chaque situation anticyclonique avec du vent de Nord-Est, à des pics de pollution au moins identiques à ceux que l’on connait depuis 2 ans. On pourra arrêter complètement la circulation automobile sur toute la moitié Nord de la France, ça ne changera pas grand chose.
Curieusement, on n’a pas l’impression que les écologistes allemands, voire européens, se soient beaucoup émus de ces désastres environnementaux qui s’étendent sur des centaines de km2 avec des rejets considérables. À Sivens, un groupuscule, venu lui aussi de toute l’Europe, s’est montré beaucoup plus virulent pour protester en France contre une simple retenue d’eau, pourtant vitale pour la population locale, retenue qui ne s’étend que sur 0,5 km2 sans rejet intempestif !
Warum ? Pourquoi ?
On dit souvent dans notre pays qu’on a des leçons à apprendre de nos voisins allemands. Sur ce plan-là au moins, c’est vrai !