« OGM, nucléaire : il ne faut pas les stigmatiser à priori » - Sfen

« OGM, nucléaire : il ne faut pas les stigmatiser à priori »

Publié le 13 mars 2018 - Mis à jour le 28 septembre 2021
andre-jean_guerin

Ex-directeur de la Fondation Nicolas Hulot, impliqué dans de nombreuses associations environnementales, André-Jean Guérin consacre son quotidien à la préservation de l’environnement et à la lutte contre le changement climatique. De son parcours, il tient une réflexion globale sur la stratégie climatique française et la place du nucléaire.

L’environnement et le développement durable sont le premier fil conducteur du parcours professionnel d’André-Jean Guérin. Après l’École polytechnique (X69), ce natif de Marseille s’oriente vers l’école du génie rural des eaux et forêts puis commence sa carrière au ministère de l’Agriculture. Un tournant s’opère en 1991 lorsque, sur les ondes de France Inter, il entend le soutien de scientifiques de renom, dont Paul-Émile Victor et Théodore Monod, à l’initiative de la création de la Fondation Ushuaïa (devenue Fondation Nicolas Hulot). « Je lui ai envoyé mon CV et il m’a recruté. J’y suis resté neuf ans comme directeur, jusqu’en 1999. » À cette période il participe aussi à la création de l’association de polytechniciens « X-Environnement ». D’abord secrétaire, il en devient président en 1994 jusqu’à son départ de Paris en 2000, année où il retourne dans sa Provence natale pour devenir directeur départemental de l’agriculture et de la forêt du Var.

Avec son expérience du développement durable et sa formation scientifique, André-Jean Guérin a un avis réfléchi sur le nucléaire. Avec les OGM, il explique d’ailleurs que ce sujet est un point de divergence avec le positionnement de la Fondation Nicolas Hulot (devenue Fondation pour la Nature et l’Homme). « On ne doit pas stigmatiser des techniques pour elles-mêmes mais leur emploi au cas par cas. La menace la plus grave qui pèse sur nos sociétés aujourd’hui, surtout au regard de nos capacités à y répondre, c’est le changement climatique. Dès lors, il est inutilement dispendieux de substituer des énergies décarbonées par d’autres énergies décarbonées. Pour des pays de la ceinture équatoriale, qui n’ont pas encore les mêmes exigences que nous, le solaire est une vraie solution. En France, comme en Allemagne, on voit bien que cela ne l’est pas. »

« Il serait vraiment dommage, face à une évolution mondiale qui va inéluctablement conduire à une augmentation du nombre de centrales nucléaires, qu’un des pays qui maîtrise le mieux au monde cette technologie se tire une balle dans le pied en se repliant des marchés et ne contribue pas à mener à bien ces réalisations de la manière la plus sûre possible. Je reste toutefois sensible au problème des déchets, tempère-t-il, et je suis donc favorable au développement des réacteurs de 4e génération qui contribueront à en réduire la quantité et la durée. » C’est avec cette volonté de lutter efficacement contre le changement climatique qu’il accepte de corédiger en 2017, avec Zeynep Kahraman et Jean-Marc Jancovici, le manifeste du Shift Project intitulé « Décarbonons ! ». Cet ancien haut fonctionnaire porte un regard ambivalent sur la loi de transition énergétique. « Elle affiche de nombreuses priorités sans les hiérarchiser. La baisse des émissions de CO2 n’est que l’une d’elles et les dispositions pratiques privilégient la réduction des consommations énergétiques, en témoigne la RT 2012. Avec la RT 2020, ne risque-t-on pas d’ailleurs de consacrer des moyens excédentaires à l’isolation, et donc émettre trop de carbone gris via les matériaux ? Multiplier les pompes à chaleur serait plus efficace. »

Retraité depuis 2013, André-Jean Guérin reste très actif, notamment à travers les nombreuses associations dont il est administrateur ou président. Navigateur contrarié – il regrette ne pas pouvoir y consacrer plus de temps – il tient aussi un blog, « Sentiers.eu/saj », créé pour que sa mère puisse mieux comprendre ce à quoi il se consacre.

 
Bio express
André-Jean Guérin, 69 ans, a longtemps été directeur général de la Fondation Nicolas Hulot. L’association, dont il reste administrateur, le désigne en 2010 au CESE, dont il sera membre jusqu’en 2015. En 2017, cet ancien haut fonctionnaire passionné de voile et de randonnées a co-écrit « Décarbonons ! 9 propositions pour que l’Europe change d’ère ». Impliqué dans de nombreuses associations environnementales, il alimente régulièrement son blog, « Sentiers », de ses réflexions sur le monde et les questions de développement durable.
 


Par Tristan Hurel, SFEN