Objectif Mars : la NASA compte sur le nucléaire

Trois mois après avoir annoncé un partenariat avec la société américaine BWX Technologies pour étudier la conception d’un réacteur à propulsion thermique nucléaire (NPT), la NASA a annoncé mi-novembre qu’elle s’apprêtait à tester un petit réacteur pour alimenter en électricité ses équipages martiens, dans l’espace et sur le sol de la planète rouge.
Kilopower, la techno de l’après solaire
Développé par la NASA depuis 2012, le Kilopower est entré dans une phase de test qui s’achèvera au début de l’année prochaine. Prévu pour produire entre 1 et 10 kilowatt d’électricité, il pourrait fournir de l’électricité pendant plus de dix ans. Le Kilopower utilise de l’uranium 235 dont la chaleur est transférée dans du sodium avant d’être convertie en électricité par des moteurs Stirling. Ce type de moteur utilise la chaleur pour produire de la pression qui actionne un piston, lequel est couplé à un alternateur pour produire de l’électricité.
L’objectif du Kilopower est ambitieux : alimenter en électricité les futurs équipages martiens, dans l’espace et sur la surface, notamment pour faire fonctionner des équipements qui récupéreront de l’eau, de l’oxygène et du carburant directement sur la planète rouge.
L’avantage principal de cette technologie réside dans sa capacité à pouvoir se passer de l’énergie solaire et ainsi à pouvoir évoluer dans des environnements extrêmement contraignants, à l’image de la surface martienne. En effet, l’expérience de la mission Rosetta, dont la sonde Philae s’était posée avec succès sur la comète 67P/Churymoc-Gerasimenko, montre que l’alimentation par l’énergie solaire dépend… de la visibilité du soleil. Or, la sonde s’était posée dans un creux très peu soumis aux rayons du soleil, et n’avait pas pu remplir pleinement son rôle.
« Cette technologie de réacteur nucléaire que nous testons pourrait être utilisée dans de multiples missions de la NASA. Nous espérons qu’au final c’est la première étape pour que les réacteurs à fission créent un nouveau paradigme d’exploration spatiale vraiment ambitieuse et inspirante », explique David Poston, concepteur en chef du réacteur au Los Alamos National Laboratory (LANL).
Comme l’explique Lee Mason, responsable technologique pour l’électricité et le stockage au laboratoire des missions spatiales de la NASA, « La grande différence entre ce que nous avons fait jusqu’à présent sur Mars et ce dont nous avons besoin pour une mission habitée sur la planète rouge, c’est l’électricité. Cette nouvelle technologie pourrait fournir plusieurs kilowatts et pourrait éventuellement évoluer pour fournir plusieurs centaines de kilowatts, voire quelques mégawatts d’électricité. » Habituellement en effet, la NASA recourait à de petits réacteurs (RTG) alimentés par du bioxyde de plutonium 238, dont la simple décroissance radioactive produit de la chaleur convertie en électricité par un thermocouple. Or, non seulement la puissance de cette solution reste modeste : 213 watts, avec une décroissance de 3,5 watts par année, mais surtout les stocks de bioxyde de plutonium 238 sont pratiquement épuisés.
Le nucléaire aussi à l’étude pour la propulsion
L’idée de recourir au nucléaire pour aller dans l’espace n’est pas nouvelle. Les Etats-Unis y travaillaient déjà dans les années 1960. Utiliser des moteurs nucléaires permettrait en particulier de réduire la durée d’un voyage pour Mars. Non seulement cela faciliterait l’acceptabilité de la mission, en ne contraignant pas à un voyage aller de 18 mois, mais réduirait surtout la dose de radiation reçue par les astronautes. Ces derniers, en dehors de la protection du champ magnétique terrestre, sont en effet soumis à des doses élevées de rayons cosmiques. La NASA, soucieuse de la santé de ses astronautes, a un programme clair à ce sujet. Le risque de cancer ne peut pas s’accroître au-delà de 3 %, ce qui correspond selon ses calculs à recevoir au maximum une dose cumulée de 800 à 1200 miliSieverts (mSv). Or, chaque journée dans l’espace pour un voyage vers Mars apporterait une dose de 1,8 mSv, dépassant sur la durée du voyage le seuil de tolérance fixé.
Une des solutions de propulsion nucléaire consisterait à utiliser des roquettes dont la propulsion serait tirée de la combustion de l’hydrogène par un réacteur nucléaire. Pour l’agence spatiale américaine, ces moteurs seraient deux fois plus efficients que les fusées conventionnelles et fournirait plus de poussée.