Nucléaire : transports sûrs pour matières dangereuses
Voilà plus de cinquante ans que l’on transporte en France des matières radioactives utilisées dans le cadre du programme nucléaire de production d’électricité. Il n’y a jamais eu dans ce type d’activité un seul accident ou incident ayant entraîné un risque de dommage pour l’environnement ou la santé des personnes. Le déraillement le 23 décembre 2013 dans la gare de triage de Drancy d’un wagon transportant des combustibles nucléaires vers l’usine de La Hague, aussi fâcheux soit-il, se situe dans cette continuité : l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) a classé l’incident au niveau « 0 » de l’échelle INES – qui évalue la gravité des événements nucléaires – soulignant qu’en cette circonstance il n’y avait « pas d’enjeu radiologique ». Cela n’a pas empêché les commentaires d’aller bon train, toujours nombreux et souvent excessifs dès lors qu’une activité nucléaire est sous les projecteurs de l’actualité. Concernant cette question des transports, quelques faits méritent d’être rappelés.
Il y a chaque année en France environ 30 millions de transports de matières dangereuses : produits chimiques, gaz sous pression, explosifs, matières infectieuses, carburants, etc. Les transports de matières radioactives ne représentent que 3 % du total et concernent essentiellement des produits à usage médical permettant diagnostic, exploration et thérapie dans le cadre de la médecine nucléaire. Les transports liés à la production d’électricité sont au nombre d’environ 10 000 par an. Ils comprennent les concentrés miniers, les combustibles neufs ou usés et les déchets.
Ces transports de matières radioactives sont très réglementés, tant pour la sûreté (protection de l’homme et de l’environnement) que pour la sécurité (protection contre la malveillance). La réglementation est établie par l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA). La France a transposé ces directives pour application dans le cadre national. Il en résulte une réglementation d’ensemble particulièrement exigeante et strictement appliquée.
La sûreté est assurée d’abord par l’emballage, pour lequel sont définis des tests de résistance (voir la vidéo ci-dessous). Les colis pour matières fortement radioactives doivent résister à des essais réglementaires très sévères : chocs et incendies bien plus violents que ceux pouvant intervenir en situation plausible, et immersion. Des tests « en réel » représentant des accidents extrêmes ont été effectués, des camions et des wagons de transport lancés contre des murs en béton, des trains percutant un emballage, des largages d’emballages par hélicoptère, une explosion de citerne de gaz à côté des emballages, et même des simulations de chute d’avion. Dans tous ces essais, les emballages sont restés parfaitement étanches. On mesure bien que l’incident survenu à Drancy ne pouvait en aucun cas entamer l’étanchéité du confinement et que tout risque de contamination était inexistant. Que le maire de cette commune ait annoncé son intention de porter plainte contre l’Etat pour « mise en danger de la vie d’autrui » laisse pour le moins perplexe. On se demande bien qui en cette circonstance a pu voir sa vie « mise en danger » et comment.
Aucun transport ne quitte le site de départ sans que l’on ait vérifié qu’il respecte les normes de protection contre la radioactivité. Concernant les transports par rail de combustibles usés (comme c’était le cas à Drancy) les emballages, outre les tests de résistance, sont bien entendu calculés (matériau, architecture, épaisseur) en fonction du niveau de radioactivité de ces types de combustibles pour que la protection soit garantie. Et en fait la radioactivité, régulièrement mesurée, de ces emballages est si faible que les cheminots (et a fortiori les voyageurs dans les gares) n’ont aucun besoin de suivi radiologique.
En vigueur depuis des dizaines d’années ce système de transport a fait ses preuves. Il reste que des exercices sont réalisés chaque année entre les Autorités, les services de secours et l’industrie nucléaire pour en tester les dispositifs et leur apporter d’éventuelles améliorations. Au vu de l’expérience on peut estimer en conclusion que dans le domaine nucléaire les matières transportées sont dangereuses mais les transports sont sûrs.