Nucléaire : « Performance et sûreté vont de pair »
En 2015, le parc nucléaire a été particulièrement performant et a obtenu d’excellents résultats en matière de sûreté. Pour Elian Bossard, directeur délégué de la production nucléaire d’EDF, afin que cette dynamique s’inscrive dans la durée, les efforts dans la préparation, la logistique et l’implication des partenaires devront se poursuivre en 2016.
Le coefficient de disponibilité est-il encore la bonne métrique pour évaluer la qualité de la production d’électricité ?
Elian Bossard – Depuis 4-5 ans, le coefficient de disponibilité[1] n’est plus le seul indicateur permettant de mesurer la qualité de la production d’électricité. Aujourd’hui, on parle davantage de production globale.
Avec l’arrivée des énergies renouvelables, prioritaires sur le réseau électrique européen, il ne suffit plus de produire de l’électricité, il faut aussi savoir la placer sur le réseau en fonction de l’offre et de la demande.
La production nucléaire 2015 a été « dans le haut de la fourchette ». A quand remonte un si bon résultat ?
EB – Il s’agit d’une des meilleures performances de cette dernière décennie. Mais ce qui est vraiment important pour nous, c’est de continuer à progresser. Nous souhaitons poursuivre sur cette lancée et nous assurer que tous les leviers mis en œuvre aujourd’hui s’inscrivent dans la durée et nous sommes sur la route des 420 Twh.
Comment s’explique cette performance ?
EB – La production d’électricité s’articule autour des cycles de production spécifiques à chaque unité de production nucléaire. Ces cycles peuvent varier entre 12 (cycles court) et 18 mois (cycle long). Ils sont organisés pour garantir une production optimale et rythmés autour des arrêts de tranche. Il y a trois types d’arrêts[2] : les arrêts pour rechargement du combustible nucléaire, les visites partielles avec des opérations de maintenance plus importantes, et les visites décennales pendant lesquelles des opérations de maintenance lourde sont menées. Si les résultats de tous les contrôles effectués pendant ces visites décennales sont positifs, l’Autorité de Sûreté délivre l’autorisation d’exploiter le réacteur dix années supplémentaires.
En 2015, il y a eu 49 arrêts de tranche sur l’ensemble du Parc. Nous avons été particulièrement performants en ce qui concerne les arrêts pour simple rechargement : 14 ont terminé à l’heure et certains même avec de l’avance ! Il s’agit là d’un vrai succès.
Cette année, 50 arrêts de tranche sont prévus, dont 22 arrêts pour simple rechargement, 22 visites partielles et 6 visites décennales.
Cette performance a-t-elle eu une incidence sur la sûreté ?
EB – Ces bonnes performances se traduisent aussi sur le plan de la sûreté : les arrêts de tranche qui se sont déroulés selon le programme et les durées prévus sont aussi ceux qui ont obtenu les meilleurs résultats en matière de sûreté.
Cette disponibilité ne risque-t-elle pas d’être impactée par les travaux du « Grand carénage » ?
EB – Ce sont les objectifs de production d’électricité qui fixent la durée des arrêts de tranche et non l’inverse.
Le Grand carénage est un programme industriel d’envergure. EDF investit dans son outil de production pour rendre possible la prolongation de l’exploitation du parc jusqu’à 50, voire 60 ans.
En 2016, sur les 6 visites décennales, la moitié intégreront les travaux du Grand carénage.
Quels sont vos objectifs pour 2016 ?
EB – Nous nous sommes fixés un objectif de production d’électricité situé dans une fourchette entre 410 et 415 TWh que nous allons décliner tranche par tranche. Forts des bons résultats de l’an dernier, nous souhaitons continuer dans cette dynamique et consolider plusieurs actions.
Nous allons investir davantage dans la préparation. Mieux anticiper, c’est mieux se préparer et c’est réduire les risques d’aléas. Un arrêt de tranche se prépare entre 12 et 8 mois à l’avance. Pour avoir la meilleure préparation possible, il faut que les dossiers soient prêts, que le planning du chantier soit défini, que les équipes soient entraînées et que la logistique soit déployée à l’heure.
Nous allons davantage associer nos partenaires à la préparation des arrêts. L’expérience montre que lorsqu’ils sont impliqués dans la préparation et qu’ils déploient leurs équipes en amont de l’arrêt, nous obtenons de meilleurs résultats. C’est pourquoi nous allons mettre l’accent sur l’entrainement et la formation de toutes les équipes, salariés d’EDF et prestataires. La construction d’espaces chantier-école répond à cette démarche : désormais il est possible de s’entrainer sur tous les matériels sensibles.
Côté logistique de chantier, qui est le nerf de la guerre, depuis 5 ans, nous avons augmenté les investissements. Avant un arrêt de tranche, d’importants moyens logistiques sont mis en œuvre. Par exemple, tous les échafaudages sont installés avant le démarrage du chantier. Autre exemple, les parcours des intervenants sont optimisés pour réduire les déplacements sur le site avec la création d’un guichet unique où le prestataire va trouver les documents (permis de travail) et les outillages nécessaires à son activité. On gagne là un temps précieux.
Les Américains et les Finlandais atteignent des coefficients de disponibilité de l’ordre de 90 %. Est-ce envisageable en France ?
EB – D’abord, il s’agit de pays où la part du nucléaire dans l’électricité est plus faible qu’en France. Les réacteurs fonctionnent en base, il est donc tout à fait normal que leur performance soit de ce niveau. Par ailleurs, la réglementation n’est pas la même dans tous les pays.
EDF continue de s’associer à des exploitants étrangers pour améliorer ses pratiques. Depuis plusieurs années déjà, nous menons des missions, notamment en Chine et aux Etats-Unis.
En Chine, les exploitants investissent énormément sur la formation et l’entrainement des équipes pour, comme ils disent, « bien faire du premier coup ».
Les exploitants américains ont des contrats centrés sur la performance avec le partenaire. Nous regardons comment intéresser nos partenaires à la performance en portant attention au respect de la durée d’intervention en toute sûreté et sécurité.
[1] Le coefficient de disponibilité est le pourcentage de l’énergie maximum pouvant être produite si les capacités installées fonctionnent toute l’année.
[2] Si un réacteur fonctionne en continu, il est nécessaire de l’arrêter tous les 12 ou 18 mois pour en recharger le combustible et réaliser la maintenance des matériels situés dans la partie nucléaire de l’installation.
Crédit photo : EDF