Rhisotope : le nucléaire pour lutter contre le trafic illégal des cornes de rhinocéros
Après plusieurs années de recherche, des scientifiques d’une université d’Afrique du Sud ont lancé le projet « Rhisotope », en collaboration avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’objectif : mettre un terme au trafic illicite de cornes de rhinocéros avec l’aide des techniques de sécurité nucléaire.
Au-delà de l’énergie, le nucléaire intervient dans de très nombreux domaines : conservation du patrimoine, lutte contre les insectes ravageurs ou encore préservation des denrées alimentaires. Nouvel exemple, l’Université du Witwatersrand en Afrique du sud a lancé le projet « Rhisotope », en partenariat avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour contrer le braconnage des rhinocéros. Le projet consiste à injecter des isotopes radioactifs de faible activité dans les cornes de rhinocéros et d’utiliser les infrastructures de sécurité nucléaire disponibles pour enrayer le trafic illégal. La méthode est sans danger pour l’animal.
Injecter pour détecter
Initié en 2021, Rhisotope apporte une nouvelle solution au trafic illégal de cornes de rhinocéros, activité très difficile à contrer. En dix ans, plus d’une dizaine de milliers de rhinocéros ont été victimes de ce commerce criminel de grande ampleur. Par ailleurs, cette espèce est sévèrement menacée, surtout le rhinocéros blanc selon la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).
L’idée du projet est de se servir des portiques, disposés aux frontières, dans les ports et les aéroports du monde entier, qui sont équipés de détecteurs à rayonnements. Servant déjà à lutter contre le trafic illégal de matières nucléaires, ils pourront également être utilisés pour détecter les substances radioactives qui auront été injectées au préalable dans les cornes des rhinocéros. L’objectif est de dévaluer la valeur d’une corne aux yeux du braconnier et de l’utilisateur final en la rendant radioactive : « Personne ne veut d’ une corne radioactive. », déclare James Larkin, directeur de l’unité de radioprotection et de physique de la santé à l’Université du Witwatersrand. De plus, le traceur est impossible à enlever selon les scientifiques.
Concrètement, l’injection correspond au dépôt d’une petite substance radioactive de quelques millimètres au fond d’une incision effectuée au préalable à la perceuse. « Le projet Rhisotope montre que la science nucléaire et l’infrastructure de sécurité nucléaire peuvent être utilisées de manière innovante pour faire face aux problématiques mondiales », explique Rafael Mariano Grossi, directeur général de l’AIEA. « L’AIEA aide les pays à optimiser les avantages du nucléaire. En utilisant de manière inédite l’infrastructure de sécurité nucléaire déjà installée, nous pouvons contribuer à protéger l’une des espèces les plus emblématiques et les plus menacées au monde. »
En toute sûreté pour l’animal
Le projet a suivi une étude rigoureuse pour s’assurer que les marqueurs radioactifs traçables étaient sans danger pour l’animal. Vingt Rhinocéros ont ainsi reçu une injection de radioisotopes à l’orphelinat des rhinocéros situé dans le Bushveld de la province du Limpopo en Afrique du Sud. Plusieurs années après, des scientifiques de l’Université de Gand en Belgique ont effectué des analyses sur ces animaux, sous la forme de tests de sûreté, de modélisations numériques et de simulations de détection, en les comparant à d’autres n’ayant pas été traités. « Les résultats ont démontré qu’il s’agissait d’une méthode non invasive qui ne présentait pas de risque pour la santé des rhinocéros » ont alors conclu les équipes de l’Université du Witwatersrand.
« La méthode pourrait être adaptée afin de protéger d’autres espèces menacées, comme les éléphants ou les pangolins. », indique par ailleurs James Larkin. ■