Belgique : prolonger Tihange 1 est nécessaire (mais compliqué !) - Sfen

Belgique : prolonger Tihange 1 est nécessaire (mais compliqué !)

Publié le 27 février 2025 - Mis à jour le 28 février 2025

[Mis à jour le 28 février] Suite à la réorientation de la politique énergétique en Belgique, l’avenir de Tihange 1, modernisé en 2015 pour environ 600 millions d’euros, n’a pas encore fait l’objet d’une décision officielle. Les enjeux liés à la sécurité d’approvisionnement et aux défis techniques et financiers de la prolongation de vie des réacteurs posent la question de sa possible prolongation.

Le 1er février, le nouveau gouvernement belge a annoncé ce qui a été qualifié d’« accord historique » en faveur d’une prolongation du secteur nucléaire en Belgique. Cette décision inclut notamment l’abrogation de la loi de sortie de 2003 et ouvre la voie à la prolongation des unités existantes ainsi qu’à la construction de nouvelles capacités. Dans ce contexte, il est légitime de se demander si Tihange 1, modernisé en 2015 grâce à un investissement d’environ 600 millions d’euros, pourrait s’inscrire dans ce plan.

Pour l’instant, aucune décision définitive n’a été actée et la question de sa prolongation reste une hypothèse alimentant la réflexion, sans qu’elle ait été officiellement posée par le gouvernement. La question est d ‘autant plus importante que le vendredi 14 février 2025, le réacteur nucléaire Doel 1 en Belgique a été définitivement arrêté après 50 ans de production d’électricité, conformément à la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive du nucléaire. Cette fermeture marque la troisième mise hors service d’un réacteur nucléaire belge, après Doel 3 en 2022 et Tihange 2 en 2023.

Tihange 1, un atout pour l’approvisionnement énergétique en Belgique ?

La trajectoire envisagée de sortie du nucléaire aurait pu contraindre la Belgique à combler un déficit pouvant atteindre 38 TWh d’importations annuelles d’électricité d’ici 2034, selon le rapport Adequacy & Flexibility Study for Belgium d’Elia. Ce scénario met en lumière les risques pour la sécurité énergétique nationale.

Source : Elia « Adequacy & flexibility study for Belgium » p.306

À l’heure actuelle, le nucléaire belge représente environ 42,2 % de la production électrique du pays (chiffres rapportés pour 2024) et, pour le prolongement de vie (LTO) du parc nucléaire, un coût de production estimé à 60 €/MWh est évoqué. Tihange 1, avec un taux de disponibilité de 85,4 %, contribue ainsi de manière compétitive à l’approvisionnement en électricité, même si certains freins pourraient compliquer sa prolongation – notamment les exigences de sûreté, les investissements supplémentaires à engager et la réticence potentielle d’acteurs clés tels qu’Engie.

Vers une prolongation sous un nouveau cadre politique

Face à une demande électrique en forte croissance en Belgique, le gouvernement entend assurer une capacité supplémentaire en s’appuyant sur un bouquet énergétique « neutre en carbone ». À court terme, il s’engage à prolonger les unités existantes – avec une extension de 10 ans pour Doel 4 et d’autres réacteurs, assortie d’un contrôle périodique de sûreté – et a déjà prolongé de 10 ans Doel 4 et Tihange 3, avec la possibilité d’une nouvelle extension.

Pour Tihange 1, dont la fermeture était initialement programmée en 2025, la levée de l’interdiction de construire de nouvelles capacités ainsi que le revirement de la politique nucléaire posent la question de son intégration dans le plan de prolongation. À ce jour, aucune décision définitive n’a été actée, et la prolongation de Tihange 1 demeure une hypothèse alimentant le débat sur la sécurité d’approvisionnement et l’indépendance énergétique en Belgique.

Un modèle de financement inspiré du Mankala ?

Si une prolongation de Tihange 1 devait être décidée, le financement et la gouvernance du projet se poseraient. L’association 100TWh propose de s’inspirer du modèle finlandais « Mankala » – déjà utilisé par Teollisuuden Voima Oyj pour Olkiluoto 3 – afin de partager coûts et bénéfices et d’assurer une production d’électricité stable à prix coûtant. Lors de la conférence « Tihange 1 : l'(im)possible prolongation » organisée par la Fédération Royale des Associations Belges d’Ingénieurs (FABI) le 23 janvier dernier, Henri Mayenne a évoqué un coût de prolongation d’environ 1 milliard d’euros.

Dans ce scénario, EDF Belgium, actionnaire à hauteur de 50 %, pourrait contribuer pour la moitié de cette somme, le reste devant être financé par d’autres industriels et, potentiellement, par des citoyens disposant d’un droit de gouvernance. Toutefois, un regard modéré s’impose : si le modèle Mankala a fait ses preuves en Finlande, son adaptation au contexte belge nécessitera des études approfondies, compte tenu des différences réglementaires et économiques.

Incertitudes

Longtemps considéré comme voué à la fermeture en Belgique, Tihange 1 pourrait voir son destin réécrit dans le cadre d’un virage stratégique vers une électrification massive et une production énergétique stable et respectueuse de l’environnement. La prolongation hypothétique du nucléaire en Belgique, et en particulier la prolongation éventuelle de Tihange 1, ouvre de nouvelles perspectives qui devront être examinées à travers des discussions approfondies entre le gouvernement belge, les industriels (dont Engie et EDF Belgium) et l’ensemble des acteurs concernés afin de garantir leur viabilité économique et technique.

Par Maximilien Struyss

Image : réacteur de Doel 1 en Belgique – @ NICOLAS MAETERLINCKBELGAAFP