Une nouvelle “voix” pour le mouvement écologique
Mon nom est Kirsty Gogan et je suis Directeur Exécutif de l’ONG environnementale « pro-nucléaire » : Energy for Humanity.
Energy for Humanity
En 2013, le documentaire Pandora’s Promise a brisé le tabou selon lequel il était interdit de parler du nucléaire comme d’une énergie bonne pour l’environnement. Le film a donné l’occasion aux partisans du nucléaire de s’exprimer et cela a modifié le discours habituel sur l’énergie nucléaire. Le succès de Pandora’s Promise illustre le vide gigantesque qui existe dans l’éducation et la promotion du nucléaire. Et a souligné le besoin d’une « voix » forte et indépendante qui défende la nécessité d’utiliser l’énergie nucléaire.
Alors que l’enthousiasme pour le film était encore manifeste, bien que la campagne de promotion touchât à sa fin, le réalisateur, Robert Stone, Daniel Aegerter et moi-même avons fondé Energy for Humanity pour combler ce vide.
Nos valeurs sont l’universalité, l’optimisme, l’indépendance et un engagement profond pour l’amélioration de la qualité de vie pour tous.
Notre objectif principal : remplacer le charbon
Pour limiter l’augmentation de la température à 2°C d’ici 2050, l’objectif principal est que l’électricité mondiale soit totalement décarbonée d’ici là.
Au XXIème siècle, le premier objectif devrait être de remplacer le charbon. Pourtant, 25 ans après que le monde ait été prévenu qu’il fallait réduire drastiquement les émissions de carbone au risque d’altérer irréversiblement le climat, le charbon reste la principale source d’électricité, et celle dont la production croît le plus vite.
Pourquoi ? Le problème vient du fait que, à la différence des centrales nucléaires qui nécessitent d’importants investissements et peuvent être compliquées à construire pour des raisons politiques, le charbon est abondant. Et les centrales au charbon se construisent plus facilement et plus vite, sans trop de risques pour l’exploitant et les investisseurs.
Le nucléaire est le moyen le plus économique de réduire les émissions de CO2 du secteur électrique
Même s’il est très difficile de prédire les coûts futurs de l’énergie, de nombreuses études montrent que le nucléaire est le moyen le plus économique de réduire les émissions de CO2 issues de la production d’électricité. C’est ce que montre le graphique établi à partir des données du Conseil de la recherche énergétique britannique. Ces chiffres sont corroborés par ceux de l’étude récente publiée par l’Agence Internationale de l’Energie et l’Agence de l’Energie Nucléaire de l’OCDE sur les coûts de l’électricité. Ceci n’inclut pas les coûts du système, liés à la construction de nouvelles connections du réseau électrique pour les renouvelables à faible densité, ou pour les capacités électriques de « back-up » pour pallier l’intermittence des renouvelables. Des recherches montrent que ces coûts liés au système deviennent particulièrement significatifs quand la part des renouvelables dépasse 30 %.
La barre jaune du graphique ci-dessus « The cost of electricity », représente le nucléaire. On peut voir que, même comparé au charbon, le nucléaire reste très bon marché. Mais les coûts de capitaux très élevés et les risques d’ordre politique dûs à la législation ou à la perception du public, peuvent rendre les investissements nucléaires incertains et compliqués.
Le résultat est que, comme le montre ce graphique de Climate Gamble, alors que l’utilisation du pétrole a diminué, la consommation de charbon a augmenté par rapport à 1990. Et ce, malgré toutes les promesses et les négociations qui devaient réduire les émissions de CO2 dues à la combustion de charbon. On peut aussi observer que même si les renouvelables ont progressé, leur part dans le mix énergétique total reste limitée.
Il est tentant de penser que l’on pourrait réduire les émissions de carbone simplement en économisant de l’énergie. Mais ce serait une erreur de surestimer le rôle que les mesures d’efficacité énergétique peuvent jouer pour atteindre les objectifs de réduction du carbone. La consommation d’électricité est prévue pour augmenter, et à Energy for Humanity, on espère que cela va être le cas.
Nous n’avons pas les moyens d’ignorer l’énergie nucléaire
Pour le moment, la majorité des écologistes insiste sur le fait que la décarbonisation pourrait se faire entièrement en accélérant le déploiement des énergies renouvelables (particulièrement éolien et solaire) et en améliorant significativement l’efficacité énergétique. L’énergie nucléaire, disent les écologistes anti-nucléaires, n’est tout simplement pas nécessaire pour combattre efficacement le changement climatique. Mais ils ne réalisent pas l’effort considérable que cela demande, puisque l’éolien ne représente pour l’instant que 2 % de l’électricité mondiale et le solaire un demi pourcent ! Le solaire est probablement la source d’énergie renouvelable qui se développe le plus vite. Mais le charbon reste, et de loin, la source d’énergie dont l’utilisation augmente le plus rapidement.
Si nous prenons au sérieux la lutte contre le changement climatique, alors aucune source d’énergie bas-carbone ne peut être ignorée. Cela signifie que nous devons utiliser tous les moyens disponibles : les renouvelables y compris l’hydroélectricité et les sources variables comme l’éolien et le solaire, mais aussi le nucléaire et la séquestration géologique du dioxyde de carbone. Nous sommes particulièrement intéressés par le nucléaire, car c’est l’une des rares sources disponibles à grande échelle pour réduire le CO2 tout en produisant de l’électricité en base, quelles que soient les conditions climatiques.
L’hebdomadaire britannique The Economist a récemment posé la question suivante : quelles actions politiques ont jusqu’à présent permis de réduire significativement les émissions de carbone ? La réponse est surprenante : le protocole de Montréal est la première action citée, car il a permis de réduire les émissions de plus de 5 milliard de tonnes. L’hydroélectricité et le nucléaire arrivent confortablement en 2ème et 3ème positions. Curieusement, la politique chinoise de l’enfant unique est numéro quatre, car elle a empêché de fait, plus d’un milliard de tonnes d’émissions de CO2.
Donc, le nucléaire apporte bien une contribution importante. C’est déjà une source d’électricité bas-carbone. Depuis 1971, il a évité l’émission de 56Gt de CO2, l’équivalent à presque deux ans d’émissions mondiales.
Pourtant, le public ne sait généralement pas que le nucléaire n’émet pas plus de CO2 que l’éolien ou le solaire.
C’est aussi une source d’énergie extrêmement dense : il suffit de très peu d’espace pour produire de grandes quantités d’électricité. La surface nécessaire pour produire, par exemple, 26TWh d’électricité par an avec du solaire ou de l’éolien demande des dizaines de milliers d’hectares de plus qu’une centrale nucléaire…
Le marché de l’électricité britannique a été réformé pour favoriser les investissements dans les énergies bas-carbone aux coûts de capitaux élevés. Aujourd’hui le Chancelier de l’Echiquier (le ministre des finances du Royaume-Uni) est à Beijing, où il annonce de nouvelles collaborations entre le Royaume-Uni et la Chine pour développer la production d’énergie nucléaire propre.
Cependant, le mantra « Le nucléaire ne peut pas se développer suffisamment vite pour s’attaquer au changement climatique » est très répandu dans le débat actuel et généralement pris pour argent comptant. Même si les statistiques prouvent exactement le contraire.
Seuls 6 pays ont un mix électrique 80 % décarboné comme le préconise le GIEC
Seuls six pays dans le monde ont réussi à éliminer les émissions carbone de leur production électrique. L’Islande a utilisé la géothermie et la Norvège, l’hydroélectricité. Mais quatre autres pays y sont parvenus avec un mix électrique combinant renouvelables et nucléaire : la France, le Brésil, la Suisse et la Suède.
Regardons la Suède de plus près. En à peine 20 ans, le pays est passé de la combustion de pétrole à la fission de l’atome pour produire son électricité.
Les recherches de Barry Brook et Staffan Qvist, publiées en mai dernier sur la base de données de la Banque Mondiale, montrent que la Suède est devenue une puissance électrique bas-carbone par habitant le plus rapidement dans l’histoire de toutes les nations. La France et les Etats-Unis ont installé plus de puissance nucléaire entre les années 1960 et 1980, mais proportionnellement moins par habitant que la Suède.
“Aucune autre source d’électricité bas-carbone n’a été de près ou de loin développée aussi rapidement et dans aucune autre partie du monde que le nucléaire.” Barry Brook et Staffan Qvist
Brook et Qvist concluent que la Suède est un modèle historique et un bon exemple pour juger du potentiel de développement du nucléaire.
Si le monde décidait de suivre l’exemple suédois, en à peine plus de 30 ans, toutes les centrales fonctionnant aujourd’hui avec des énergies fossiles pourraient être remplacées par des centrales nucléaires.
En Suède, les coûts de l’électricité nucléaire ont toujours intégré une surcharge correspondant aux coûts complets estimés, de la recherche à la construction, en passant par l’exploitation et la gestion finale de tous les déchets nucléaires. Au final, les prix de l’électricité (taxes et surcharges inclus) sont parmi les plus bas du monde, et les coûts d’exploitation des centrales nucléaires (par kWh produit) sont inférieurs à ceux de toutes les autres sources, hormis les centrales hydrauliques.
Conclusion
Aucune technologie renouvelable, ni aucune mesure d’efficacité énergétique n’a jamais été développée à une échelle et à un rythme qui permettent de réduire suffisamment les émissions de CO2 pour éviter les conséquences catastrophiques du changement climatique.
Les données montrent qu’il est techniquement et économiquement possible, aujourd’hui, de remplacer l’électricité fossile par du nucléaire, à un rythme qui permette de limiter les effets les plus graves du changement climatique.
Remplacer l’électricité à base de combustibles fossiles par une électricité d’origine nucléaire est possible. Cela a déjà été fait. Ce n’est pas une spéculation sur des développements technologiques et des coûts futurs. Cela dépend essentiellement de la volonté politique, de la stratégie économique et de l’acceptation du public.
C’est pour cela que le nucléaire doit être reconnu comme une stratégie efficace et mesurable pour réduire les émissions de CO2. C’est pour cela que le nucléaire doit être inclus dans les négociations sur le climat à COP21 à Paris.