« Nous devons parler de notre façon de parler des déchets » - Sfen

« Nous devons parler de notre façon de parler des déchets »

Publié le 7 avril 2023

Ben Heard, consultant australien spécialiste des politiques énergétiques et climatiques, a publié le 16 mars 2023 sur LinkedIn un article d’opinion au sujet des discussions à bâtons rompus qui ont cours en Australie au sujet de la gestion des déchets produits par les futurs sous-marins nucléaires. L’occasion pour lui de revenir sur le rapport congénital que nos sociétés entretiennent avec les déchets, nucléaires, mais pas seulement.  

Ben Heard, consultant – Traduit par la Sfen, après autorisation de son auteur. 

[…] Lors d’une récente réunion d’un parti politique australien à laquelle j’étais invité, la question de la gestion des déchets nucléaires a été abordée. D’une seule voix, les protagonistes s’accordaient pour dire que le mieux est d’éloigner ces déchets, loin et hors de vue.   

Je ne suis pas d’accord. Les déchets font partie de la vie et de notre société. La gestion et l’élimination des déchets sont des dimensions essentielles d’une vie agréable et de ce que l’on peut considérer au point de vue éthique comme une société responsable. Les métiers en lien avec cette gestion ne sont ni mauvais ni répugnants. Il suffit de passer un peu de temps avec les organisations modernes de gestion des déchets et ceux qui y travaillent pour que cela saute aux yeux. C’est un travail, éthique, qualifié et planifié. Science et ingénierie de pointe y sont omniprésentes. L’activité est régie par de bons principes de hiérarchie en matière de minimisation, de recyclage, de récupération, avant de passer à l’élimination, qui est, encore une fois, planifiée et réglementée. L’ensemble de la chaîne est le théâtre d’une innovation permanente.

Par ailleurs, laisser un héritage bénin de nos actions est une aspiration louable. Qu’il s’agisse de nos eaux usées ou de notre combustible nucléaire usagé. La seule fois où la gestion des déchets devrait être une source de honte, c’est lorsqu’elle est absente. (L’auteur raconte par ailleurs qu’il vivait autrefois dans un quartier proche duquel se trouvait un ancien site industriel désaffecté. Après quelques recherches, il s’est avéré qu’il s’agissait d’une usine de chromage, dont les déchets liquides étaient simplement déversés dans un puits situé sur le site, ndr.)

Plus les formes de déchets sont complexes, plus leur gestion responsable sera exigeante du point de vue technique, ce qui nous amène au combustible nucléaire irradié. Sa gestion et son élimination font partie du cycle du combustible nucléaire, et il s’agit d’un travail hautement qualifié. Il n’y a pas lieu de s’en cacher ni de le considérer comme une tâche ingrate.  

Le combustible nucléaire usagé doit ainsi faire l’objet d’un regard nouveau. Ces matières ont permis de réaliser une quantité remarquable de travaux utiles. Enrichis à 3,5 %, les barres de combustible nucléaire ont une densité énergétique environ 150 000 fois supérieure à celle d’un charbon de bonne qualité, et leurs déchets sont confinés dans une structure robuste. Il me semble étrange de concevoir un combustible aussi remarquable et performant pour ensuite chercher à le cacher et le nier lorsqu’il a accompli avec succès ce pour quoi il a été fabriqué.  

Le processus de gestion des déchets n’a rien d’anormal. Ce qui ne va pas, c’est notre façon de l’encadrer. Ces matières méritent un puissant « thank you, nice job » de la part de la société. Notre prochaine responsabilité est de lui donner un lieu de repos, sûr et responsable. Je ne vois aucune raison de dévaloriser cet aspect en termes de prestige et de désirabilité. La nation doit gérer les déchets – cela fait partie intégrante du développement d’un secteur scientifique et technologique lié au nucléaire.  

Le fait que la gestion des déchets soit considérée comme une sorte d’industrie du péché témoigne à mes yeux d’une relation immature avec les flux de matières dans notre monde. C’est particulièrement vrai dans le cas du combustible nucléaire. Thank you. Nice job.■

Traduit par la rédaction Sfen – Ben Heard, consultant

Crédit photo – ©Paris Ortiz-Wines, Mark Nelson – Entreposage à sec, centrale de Palo Verde, États-Unis.