Le New Jersey s’engage pour le climat

L’Etat du New Jersey, aux Etats-Unis, vient d’attribuer un soutien financier aux exploitants de réacteurs nucléaires dans le cadre de ses programmes de subventions aux énergies propres. Pourtant le paysage énergétique américain reste dominé par les énergies fossiles même si des projets de relance de l’industrie nucléaire se dessinent.
En 2018 après plusieurs mois de négociations et de controverses, le Sénat et l’Assemblée du New Jersey ont voté les textes législatifs nécessaires pour faire de cet Etat le troisième, après ceux de New York et de l’Illinois, à avoir inclus le nucléaire dans ses programmes de subventions aux énergies propres.
Cette volonté politique devient aujourd’hui réalité. Après un examen des demandes, la Commission des entreprises de service public du New Jersey (New Jersey Board of Public Utilities) a annoncé le 18 avril 2019 avoir attribué des certificats d’émission zéro (Zero Emission Certificate – ZEC) aux réacteurs Salem 1 et 2 et celui de Hope Creek. Les trois réacteurs nucléaires du territoire vont recevoir environ 100 millions de dollars par an, chacun, pendant trois ans.
Pour les exploitants PSEG et Exelon, cette décision de l’Autorité américaine marque une importante victoire
En effet, les centrales étaient menacées de fermeture, à l’instar de la centrale de Oyster Creek (Exelon) définitivement mise à l’arrêt en septembre 2018.
Les trois tranches nucléaires, deux de types REP (Salem 1 et 2) et une de type REB (Hope Creek), fournissent 32 % des besoins en électricité de l’Etat de New Jersey. Le secteur du nucléaire civil américain est frappé de plein fouet, depuis plusieurs années, par la montée en puissance du gaz de schiste.
L’attribution de ces ZEC apparait donc comme nécessaire pour continuer à produire une électricité bas carbone et compétitive pour tous les habitants de l’Etat. Les exploitants devront toutefois démontrer tous les trois ans que cette aide est nécessaire pour assurer leurs viabilités financières. Ils leur sont également interdit de solliciter d’autre revenus complémentaires, via par exemple le marché du carbone.
Fortement engagés dans une politique écologique, les législateurs du New Jersey ont aussi validé en 2018 de nouveaux objectifs pour le Renewable Portfolio Standard (RPS), en portant l’objectif de la part d’électricité d’origine renouvelable de 24,5 % en 2020 à 50 % en 2030. A cela, il faut également ajouter de nouvelles exigences en matière d’efficacité énergétique.
Cette politique écologique du New Jersey est notamment profitable pour EDF. Le groupe français a annoncé en décembre 2018 la création d’une co-entreprise avec la firme anglo-néerlandaise Shell afin de développer un parc éolien offshore au large d’Atlantic City.
Aux Etats-Unis, la production d’électricité reste dominée par les énergies fossiles
Donald Trump n’a jamais caché son intérêt pour le secteur des hydrocarbures. La production domestique de gaz de schiste a été fortement en hausse en 2018, due à une ressource abondante dans les sous-sols et à une baisse des coûts d’extraction. A tel point que, le gaz naturel a supplanté depuis 2016 le charbon comme principale source d’énergie dans le mix électrique national.
En 2018, le gaz naturel représente 35,1 % de la production électrique américaine (contre 31,7% en 2017). Néanmoins le charbon n’a pas dit son dernier mot et compte toujours pour 27,4 % de cette production en 2018 malgré la fermeture de nombreuses centrales nucléaires (- 11,2 GW en 2018).
Concrètement cette tendance favorable au gaz naturel se traduit par une substitution des centrales nucléaires par des centrales à gaz. Dans le New Jersey une nouvelle centrale à gaz a été mise en service pour compenser la fermeture de Oyster Creek, et une deuxième démarrera avant la fermeture définitive d’une nouvelle centrale nucléaire, celle de Pilgrim dans le Massachusetts, prévue en juin 2019.
Une étude[1] a montré que l’arrêt fin 2014 de la centrale nucléaire de Vermont Yankee, n’a pas – contrairement à ce qui avait été envisagé – été compensée par une combinaison d’économies d’énergies et d’investissements dans les énergies renouvelables. La consommation d’électricité est finalement restée stable, la consommation de gaz a augmenté de 5 points en Nouvelle Angleterre et les émissions de CO2 ont augmenté de 2 millions de tonnes en 2015, l’année suivant l’arrêt de la centrale.
Vers une relance de l’énergie nucléaire
Le nucléaire a compté pour sa part pour 19,3 % de la production d’électricité américaine en 2018, avec un parc de 98 réacteurs, soit le plus grand parc nucléaire du monde devant celui de la France (58 tranches). Enfin les énergies renouvelables, hydroélectricité, éolien, biomasse, solaire, etc., représentent un peu moins de 10 % des sources de production d’électricité.
Malgré un contexte favorable aux énergies fossiles, l’énergie nucléaire à des atouts à faire valoir. Elle est une énergie bas carbone reconnue indispensable aux côtés des renouvelables pour lutter contre le changement climatique. Le GIEC[2] établit la médiane des émissions du nucléaire au niveau mondial à 12 g/kWh. Depuis 1970, l’atome a permis d’éviter le rejet de plus de 60 Gt de CO2 dans le monde, soit l’équivalent de cinq années d’émission de CO2 du secteur électrique. Ceci en fait la deuxième énergie bas carbone contributrice derrière l’hydroélectricité.
Fort de ce constat, un engouement s’est emparé du tissu entrepreneurial américain. On recense une cinquantaine de start-up[3] dans le domaine nucléaire, lesquelles reçoivent un soutien important de l’administration américaine. Cette dernière voit aujourd’hui dans la recherche nucléaire un enjeu stratégique de souveraineté technologique. Ainsi, Nuscale Power a déjà soumis une demande de certification pour un nouveau réacteur de petite taille (Small Modular Reactor – SMR). Le philanthrope et milliardaire américain Bill Gates, de son côté, a promis au Congrès américain en janvier 2019 d’investir 1 milliard de dollars dans de nouveaux réacteurs nucléaires.
Les efforts du New Jersey pour soutenir toutes les énergies bas carbone ne trouvent malheureusement pas le même écho en Europe. L’Union européenne a ainsi alloué 5,9 milliards d’euros pour la période 2014-2020 dans le cadre de Horizon 2020, à son programme « Secure, Clean and Efficient Energy », qui exclut l’énergie nucléaire.
[1] Institute for Energy Research (2016)
[2] Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
[3] Third Way (2015)