MicroCarb, le satellite qui mesure le CO2 - Sfen

MicroCarb, le satellite qui mesure le CO2

Publié le 19 janvier 2016 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Comment s’assurer que l’engagement de réduction des émissions de CO2 pris par 195 Etats à la COP 21 sera suivi d’effet ? En complément des outils de mesure terrestre classiques, le CNES (Centre national d’études spatiales) et d’autres organismes de recherche, dont le CEA ont développé « MicroCarb », un projet de microsatellite capable de mesurer les émissions de gaz à effet de serre, pays par pays.  

 

Espace et changement climatique : une histoire ancienne

Alors qu’au XVIème siècle Giordano Bruno avait pour projet scientifique de savoir « comment allait le ciel » (in « Sous le voile du Cosmos » de Jacques Arnould, Albin Michel), une partie de la science s’attache aujourd’hui à savoir « comment va la terre ».

L’histoire entre les satellites et la surveillance du climat est ancienne et débute en 1960 avec Tiros 1, le premier satellite météorologique dont les successeurs deviendront les premiers témoins du réchauffement climatique. L’histoire se poursuit avec les satellites d’océanographie et notamment la mission franco-américaine Topex-Poséidon (1992) qui confirmera la hausse du niveau des mers.

Dans les années à venir, de nouvelles pages d’histoire continueront de s’écrire avec l’envoi dans l’espace de satellites capables de mesurer la quantité de gaz à effet de serre piégée dans l’atmosphère. Trois vigies seront bientôt déployées à cette fin : le satellite franco-allemand d’étude du méthane « Merlin », l’altimètre océanographie franco-américain « Jason 3 » et le Toulousain « Microcarb » pour mesurer la quantité de CO2. 

 

MicroCarb « Made in France »

L’idée de MicroCarb émerge au début des années 2000 dans les têtes de deux chercheurs du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE – CEA) : Philippe Ciais et François-Marie Bréon. Le projet est engagé avec la participation du CNES (maître d’œuvre de la composante spatiale) et plusieurs organismes de recherche dépendant du CNRS, du CEA, de Météo France et de laboratoires universitaires.

Après plusieurs années d’études, ces partenaires s’accordent sur un concept de satellite et sur les outils de mesure embarqués. Nous sommes aujourd’hui dans la phase de définition détaillée. L’industriel chargé du développement du satellite sera connu dans les prochaines semaines. Deux entreprises sont en lice : Thalès et Airbus (ex-Astrium).

Trois fois plus léger que son grand frère américain OCO-2 (Orbiting Carbon Observatory), MicroCarb devrait surtout être moins cher pour être industrialisable. La durée d’exploitation d’un satellite n’est que de quelques années (deux ans pour OCO-2).

Le lancement de MicroCarb est prévu pour 2020, année de la COP26. Il partira de la base guyanaise de Kourou. 

 

MicroCarb « is watching you »

MicroCarb volera en orbite basse, au-dessus des pôles, en utilisant la lumière solaire pour s’alimenter en énergie. Balayant toute la surface du globe en deux semaines, il permettra de mieux comprendre les mécanismes d’échange entre sources et puits (atmosphère, océans, végétation, carbone fossile, villes, zones industrielles) et leur capacité d’absorption avec le changement climatique. Son spectromètre à réseau lui permettra de mesurer la teneur en CO2 sur l’ensemble de la colonne atmosphérique avec une grande précision de l’ordre de 1 ppm et sur un pixel de base rectangulaire de 5 km par 6 km.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le monde scientifique ne connaît qu’approximativement les quantités de CO2 absorbées et émises dans certaines régions du globe. Tous les pays ne peuvent (par manque de moyen) ou ne veulent pas (par absence d’ambition politique) faire des analyses et des relevés de mesures. Pour l’heure, tout repose donc sur la volonté plus ou moins forte des Etats, de jouer le jeu de la transparence et de la coopération pour mesurer les émissions.

Une fois en service, MicroCarb transmettra 2 à 3 fois par jour ses données au LSCE pour analyse. Les données récoltées seront ensuite partagées avec l’ensemble de la communauté scientifique, notamment le GIEC. Ces informations sont cruciales pour vérifier que les promesses de réduction des émissions de gaz à effet de serre seront tenues. 

Publié par Isabelle Jouette (SFEN)