Maroc : quelle place pour l’énergie nucléaire ? - Sfen

Maroc : quelle place pour l’énergie nucléaire ?

Publié le 3 décembre 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021

De l’autre côté de la Méditerranée, le Maroc se prépare à accueillir l’an prochain la COP22. Pays dynamique en plein développement, le Royaume s’engage dans une transition énergétique. A court et moyen terme, le pays investira massivement dans les énergies renouvelables et dans le gaz naturel liquéfie. A horizon 2030, le gouvernement envisage l’énergie nucléaire comme une option. Le pays dispose déjà d’infrastructures de recherche et d’une jeune autorité de sûreté. Décryptage de la situation avec Najib Caoui, président d’AIGAM, l’Association des ingénieurs en génie atomique du Maroc.

Comment est composé le mix électrique du Maroc ?

Najib Caoui – Le Maroc est un pays de 33 millions d’habitants. Les deux tiers vivent dans les zones urbaines et l’autre partie de la population habite dans le monde rural. Le taux d’électrification avoisine les 100 % sur l’ensemble du territoire.

Actuellement, le Maroc dispose d’une puissance installée de 7 800 MWh environ qui pourvoit l’essentiel de nos besoins en électricité. Nous ne disposons pas d’hydrocarbure dans notre sol. Nous importons donc la quasi-totalité de l’énergie que nous consommons : 95 %.

Toute la stratégie du gouvernement pour le futur est de diversifier ce portefeuille énergétique.

Quelles sont les ambitions du pays pour les années à venir ?

NC – Depuis 2008, la stratégie adoptée par le Maroc s’articule autour de trois phases.

La première couvre la période 2015-2020. Sur cette première phase, l’attention est portée sur un programme très ambitieux d’énergies renouvelables qui va presque couvrir 2 000 MWh de solaire et de 2 000 MWh d’éolien.

Une seconde phase, entre 2020 et 2030, mettra l’accent sur le développement du gaz naturel liquéfié. Un vaste programme d’infrastructures et d’utilisation du GNL dans les centrales à cycle combiné est actuellement à l’étude.

Enfin, au-delà de 2030, le Maroc pose la question de l’opportunité de l’option nucléaire. Le démarrage d’un programme nucléaire nécessite une expertise en matière de sûreté mais également des capacités financières importantes.

Depuis quand le Maroc s’intéresse-t-il à l’énergie nucléaire ?

NC – Le Maroc s’intéresse au nucléaire depuis trois décennies. Les premières études de faisabilité ont été menées dans les années 80, juste après le premier choc pétrolier.

Cependant, la situation économique du pays n’a pas permis de prolonger le programme. Le projet a été reporté. Par ailleurs, un programme nucléaire oblige un pays comme le Maroc à disposer d’une infrastructure technologique apte à accompagner le programme sur le long terme…

Le Maroc dispose-t-il déjà des infrastructures nécessaires au développement du nucléaire ?

NC – Le Maroc dispose d’un centre de recherche nucléaire qui constitue actuellement une plate-forme de développement des applications nucléaires et de radioprotection. Le CNESTEN (Centre national de l’énergie, des sciences et des techniques nucléaires) se situe à la Maâmora dans la région de Rabat dans un centre forestier d’une vingtaine d’hectares.

Le centre exploite un réacteur de recherche de 2 MW, crée en 2003 avec l’aide de la France et des Etats-Unis. Une équipe chargée du développement de la médecine nucléaire notamment est sur place.

Par ailleurs, des études de faisabilité technico-économiques avaient été menées il y a une vingtaine d’années pour évaluer l’opportunité de construire trois réacteurs de 1 000 MWe entre Safi et Essaouira, le long de la côte Atlantique. A l’époque, le site avait rempli l’ensemble des critères de sûreté. 

Quelles sont les prochaines étapes ?

NC – L’AIEA, qui travaille sous l’égide de l’ONU, est venue cet automne évaluer les infrastructures nécessaires à la construction d’un programme d’énergie nucléaire. L’Agence a montré que le Maroc dispose de nombreux atouts pour prendre sa décision dans les années à venir afin de réaliser dans de bonnes conditions un programme nucléaire.

Parallèlement, le Maroc prépare les conditions de sûreté technologique pour être apte à prendre la décision en temps voulu. Tout un arsenal juridique et réglementaire se met en place. En septembre, le pays s’est même doté d’une agence de sûreté et de sécurité nucléaire et radiologique !

Pour pouvoir se développer au Maroc, l’énergie nucléaire devra être plus compétitive que le charbon (importé mais peu couteux). A long terme, l’atome apparaît comme une alternative aux hydrocarbures pour la production d’électricité mais également comme un moyen de dessaler l’eau de mer d’un pays en situation de stress hydrique. En effet, en 2040, le Maroc pourrait manquer d’eau…

Publié par Boris Le Ngoc (SFEN)