Maintenance nucléaire : coûts en hausse mais EDF reprend le contrôle, selon la Cour des comptes - Sfen

Maintenance nucléaire : coûts en hausse mais EDF reprend le contrôle, selon la Cour des comptes

Les dépenses liées à la maintenance du parc nucléaire français sont en croissance depuis une décennie, passant de 5 milliards d’euros en 2014 à 6,4 mds€ en 2024. Cette hausse illustre les efforts d’EDF pour prolonger la durée de vie de son parc tout en assurant un haut niveau de performance opérationnelle. 

La maintenance du parc nucléaire français est un enjeu de taille. Entre 2014 et 2024, la disponibilité moyenne des réacteurs français a reculé à 74 %, contre 80 % au cours des dix années précédentes. En parallèle, les dépenses ont grimpé de 28 % pour atteindre 6,4 milliards d’euros, dont 5,1 mds€ dans les investissements à proprement parler. Si ces données ne semblent pas aller dans le bon sens pour EDF, la Cour des comptes estime que l’énergéticien est sur la bonne voie. Notamment grâce à la réussite du programme Start 2025 et de l’avancée des visites décennales.

Publié le lundi 17 novembre, le rapport de la Cour des comptes portant sur la maintenance du parc électronucléaire met en avant une augmentation continue des activités d’EDF dans un contexte mouvant. En effet, les derniers travaux du Palais Cambon sur le sujet remontent à 2014. Depuis, les ambitions françaises concernant l’atome ont bien changé, passant d’un plan de fermeture de réacteurs avec la PPE2, à la relance d’un programme avec jusqu’à 14 unités de grande capacité. Ce revirement embarque aussi EDF dans une logique de prolongation de la durée de vie des réacteurs. Donc une hausse des activités associées.

Crises et défis

La baisse de performance du parc nucléaire est en partie liée à des facteurs exogènes. « Mise en cause de la qualité de certains équipements après la découverte d’excès de concentration en carbone dans certains composants en 2016, survenue de la crise sanitaire du covid-19 en 2020, défaut générique avec la découverte à partir de la fin 2021 d’un phénomène de corrosion sous contrainte (CSC) », sont les trois principales crises auxquelles EDF a dû faire face lors des dix dernières années.

La réaction du groupe « est apparue rétrospectivement, à chaque fois, rapide, adaptée à la situation et proportionnée aux enjeux de sécurité d’approvisionnement et, selon l’ASNR, à ceux relatifs à la sûreté ». Pour autant, ces difficultés ont entraîné des pertes de production. Rien que la CSC a provoqué une perte de production d’environ 90 TWh en 2022, ce qui représente une perte d’exploitation « d’au moins 8 % du chiffre d’affaires total du groupe » entre 2021 et 2024.

En dehors de ces périodes de crises, trois difficultés endogènes sont mises en avant pour expliquer les difficultés d’EDF dans la maintenance de son parc, selon la Cour des comptes. En premier lieu, elle pointe le renforcement des exigences de sûreté, notamment à la suite de l’accident de Fukushima. Cette dynamique a logiquement entrainé un accroissement du volume de travaux. En parallèle, « la perte de compétences techniques des équipes de maintenance et d’exploitation dans un contexte de renouvellement générationnel important » a renforcé les tensions. Finalement, dans la logique de relance de l’atome en France, les travaux pour la prolongation de la durée de vie des centrales existantes se sont répercutés sur la charge de travail du groupe.

Les VD4 sur les rails

L’ensemble de ces facteurs se retrouvent dans les travaux menés pour les quatrièmes visites décennales (VD) des réacteurs français. D’après les données d’EDF, le nombre d’éléments importants pour la protection des intérêts relatifs au risque radiologique (EIPS) est passé de 8 000 pour le 3e réexamen périodique à 17 300 pour la VD4. « Cette accumulation, outre le poids qu’elle fait peser sur la réalisation de la maintenance, peut également et paradoxalement, selon l’Inspection générale de la sûreté nucléaire d’EDF, peser sur la sûreté des installations, parce que leurs responsables peuvent avoir des difficultés à maîtriser l’intrication des règles et, finalement, à réagir aux aléas », souligne la Cour des comptes qui appelle à mener un chantier de simplification des règles générales d’exploitation d’ici 2027.

Ce haut niveau d’exigence opérationnelle est aussi motivé par le fait que « la durée de vie initiale de certains équipements n’était que de 40 ans ». Cette montée en puissance entraîne logiquement une augmentation des coûts associés aux visites décennales. Entre la VD3 et la VD4, le montant nécessaire des réacteurs de 900 MW a été multiplié par 5,34 (pour un total de 8,4 mds€). Cependant, la charge de travail et les coûts liés aux visites décennales devraient se réduire avec le début des VD4 des réacteurs de 1 300 MW dès 2026. En effet, le surcout devrait se limiter à + 60 % par rapport aux VD3, soit un coût total de 5,2 mds€. En parallèle, les VD5 devraient être moins lourdes. « Les efforts demandés à l’exploitant à l’occasion des VD4 périodiques ont en réalité intégré, dans les domaines les plus cruciaux, la perspective d’une prolongation de la durée de vie des réacteurs jusqu’à 60 ans », met en avant la Cour des comptes.

Start 2025 à pérenniser

Autre point positif du rapport de la Cour des comptes : le plan d’amélioration des arrêts Start 2025 lancé en 2019 est une réussite. Jusqu’au lancement de ce programme, la maitrise des arrêts de tranches n’était pas au rendez-vous des objectifs. « De nombreuses contraintes structurelles ralentissent en effet leur bonne exécution, et les multiples plans et actions de remédiation engagés par EDF depuis 2014 n’ont pas permis d’obtenir les résultats escomptés », précise le rapport de la Cour des comptes.

Le programme Start 2025 a permis d’opérer un réel virement stratégique en plaçant la performance opérationnelle du parc au premier plan des objectifs des arrêts de tranche. Après une phase de diagnostic et d’expérimentation, chaque site a établi une feuille de route en 2022. Depuis, « une inflexion positive est observée, ainsi qu’en attestent les évolutions de la production nucléaire, de la durée moyenne des arrêts de tranche et du retard moyen sur les durées prévisionnelles d’arrêt ». Face à ces résultats encourageants, la reconduction du programme souhaitée par la Cour des comptes a été validée par Bernard Fontana, directeur général d’EDF, dans une lettre de réponse au rapport.

Dans ce courrier, le président de l’électricien considère que ce rapport de la Cour « constitue un encouragement à poursuivre nos actions en faveur d’un parc nucléaire à un haut niveau de sûreté et de performance ». Il souligne les réussites du programme Start 2025 et Grand Carénage, ainsi que la capacité de son groupe à « surmonter la crise sanitaire du covid-19 et la corrosion sous contrainte ». À la fin de son courrier, Bernard Fontana interpelle toutefois les sages de la rue Cambon au sujet du recours accru à la modulation : « Cette situation de forte modulation soulève des questions sur le plan technologique, aussi bien en termes d’impact sur le fonctionnement des réacteurs qu’en matière de résilience du système électrique. » Affaire à suivre : EDF devrait publier un rapport sur le sujet prochainement. ■

Par Simon Philippe (Sfen)

Photo : Le Palais Cambon, siège de la Cour des comptes. ©Cour des comptes