Quelles leçons tirer des difficultés d’approvisionnement en électricité de la Belgique ?

Jusqu’au 18 novembre, un seul des sept réacteurs nucléaires belges d’Electrabel, filiale d’Engie, produira de l’électricité. Cette situation, unique dans l’histoire du pays, tire son origine de l’arrêt pour maintenance forcée de plusieurs réacteurs en raison d’anomalies dans la structure en béton des installations.
D’ici au redémarrage de trois autres réacteurs en décembre, l’équilibre électrique restera assuré dans le pays si une vague de froid n’est pas rencontrée. Dans le cas contraire, la Belgique pourra bénéficier de la solidarité européenne et s’approvisionner auprès de ses voisins, à commencer par la France. Pour les mois de novembre et de décembre, EDF fera tourner ses réacteurs nucléaires à plein régime et la France devrait assurer une capacité minimale disponible de 1 000 mégawatts à destination de la Belgique.
Les gros consommateurs industriels pourront aussi être amenés à stopper leur consommation d’énergie aux heures de pointe du soir et du matin afin d’alléger la demande.
En cas de froid intense, l’ultime solution, consisterait dans l’activation d’un plan de délestage. Des zones seraient alors volontairement privées de courant, pour éviter tout déséquilibre qui pourrait faire sauter l’ensemble du réseau.
Dans tous les cas, la Belgique fera appel au maximum à ses centrales fossiles pour la production d’électricité. Sans nucléaire, seules des centrales fossiles sont en effet en mesure de prendre le relais.
Un avant-gout de l’arrêt du nucléaire en Belgique en 2025
En 2017, les quatre ministres belges de l’énergie ont défini un « pacte énergétique » pour la Belgique. Il inclut la sortie totale du nucléaire en 2025. Une telle décision équivaut à ce que la Chine sorte totalement du charbon dans 7 ans.
L’impact d’une telle décision sera difficilement gérable au niveau des interconnexions, actuellement de 10 GW. Rappelons qu’un accroissement massif des énergies renouvelables intermittentes est difficilement envisageable dans un pays à la densité démographique parmi les plus élevées d’Europe. La Belgique devra donc développer massivement des centrales à gaz d’ici 2025. Les autorités ont déjà commencé à soutenir financièrement ses centrales fossiles en prévision de la fermeture des centrales nucléaires.
D’après Elia, le gestionnaire du réseau électrique belge, le pays doit trouver 3,6 GW d’ici 2025 pour combler la sortie du nucléaire. Les décideurs semblent toutefois mesurer le problème puisqu’ils n’excluent pas de reporter l’arrêt définitif des réacteurs selon les besoins en approvisionnement électrique à l’horizon 2025. « La Belgique, si elle persiste dans la ligne choisie, risque évidemment de rencontrer de sérieux problèmes de sécurités d’approvisionnement et subsidiairement de créer une tension au niveau de la plaque CWE (Central West Europe) en période hivernale », estimait l’an passé Jean-Jacques Nieuviaert, à l’époque économiste à l’Union Française de l’Électricité.
Quoiqu’il en soit, la Belgique ne pourra pas atteindre ses objectifs climatiques si elle sort du nucléaire en 2025. Selon le cabinet PWC, celle-ci pourrait entrainer une augmentation de 50 % des émissions de CO2 liées à la production d’énergie d’ici 2030.
La sécurité d’approvisionnement, un sujet de plus en plus sensible
Depuis plusieurs années, l’Agence internationale de l’énergie s’inquiète de voir le manque d’investissements dans le renouvellement d’installations pilotables, et redoute des tensions à moyen-long termes sur l’offre d’électricité dans l’Union européenne.
Dix associations européennes des secteurs industriel et énergétique ont lancé la semaine dernière un appel conjoint visant à sécuriser l’approvisionnement en électricité en Europe. Cette déclaration a été lancée dans le cadre d’une conférence organisée par l’association allemande BDEW. « Une attention particulière doit être accordée au développement de capacité flexible ou ‘‘ferme’’ », indique le collectif d’associations. Il existe également des pays (l’Allemagne est en passe d’en faire partie) où la capacité de production sera insuffisante par rapport au besoin, souligne le document. Si rien n’est fait pour contrecarrer la tendance actuelle, la solidarité entre les pays qui, jusqu’à présent, a été une réalité pour surmonter des situations de ruptures ou de tensions, « sera compromise ».