[Le nucléaire en chiffres] 1,2 million d’emplois en 2024 pour l’industrie nucléaire selon l’AIE - Sfen

[Le nucléaire en chiffres] 1,2 million d’emplois en 2024 pour l’industrie nucléaire selon l’AIE

Publié le 17 décembre 2025

Avec sa série « Le nucléaire en chiffres », la Revue Générale Nucléaire décrypte les grandes tendances du secteur à travers les données clés. Focus aujourd’hui sur le rapport World Energy Employment 2025 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), qui propose un suivi et une analyse complets de la main-d’œuvre énergétique mondiale.

Portée par la relance des programmes nucléaires et l’accélération des investissements énergétiques, l’industrie nucléaire mondiale connaît une croissance de l’emploi sans précédent. En 2024, le secteur atteint 1,2 million de travailleurs, soit une hausse de 6 % par rapport à 2023.

Le profil des travailleurs du nucléaire varie fortement selon les régions. Les pays disposant d’une capacité nucléaire importante ne concentrent pas nécessairement la majorité des emplois du secteur. En effet, seuls 30 % des emplois nucléaires sont liés à l’exploitation et à la maintenance des centrales existantes. L’essentiel des effectifs se situe en amont de la chaîne de valeur, notamment dans la fabrication et la construction des installations.

La proportion de femmes occupant des postes de direction de haut niveau a évolué de manière encourageante. Les avancées ont été particulièrement notables dans les secteurs des énergies renouvelables et du nucléaire, tandis que le pétrole et le gaz n’ont enregistré que des progrès limités. Le charbon a même connu un recul. Aujourd’hui, les femmes représentent 18 % des postes de direction dans le secteur de l’énergie, contre 13 % en 2015, un niveau qui demeure toutefois inférieur à la moyenne de l’ensemble de l’économie, établie à 25 %

Contraste entre Orient et Occident

En 2024, la Chine, qui compte 58 réacteurs en exploitation et 28 en construction, regroupe près de 300 000 salariés dans sa filière nucléaire, soit un niveau comparable à celui de l’Europe. Sa spécificité réside dans le poids de la construction, qui mobilise 76 000 travailleurs, en hausse de plus de 20 % en un an. Le pays se distingue également par sa position de fabricant de composants : ce segment représente 50 % de l’emploi nucléaire total, contre 38 % en moyenne à l’échelle mondiale.

En Amérique du Nord et en Europe, les emplois nucléaires restent majoritairement centrés sur l’exploitation et la maintenance des centrales existantes, « ces fonctions représentant plus de 50 % des effectifs », selon l’AIE. En France, la filière nucléaire comptabilisait 247 000 emplois, d’après le rapport Match du Groupement des industriels de la filière nucléaire (Gifen), soit 20,6 % du total mondial. Les besoins de recrutement de la filière française sont estimés à 100 000 équivalents temps plein (ETP) sur les dix prochaines années, afin d’atteindre 300 000 ETP à l’horizon 2035.

L’industrie nucléaire mondiale face à de forts défis en matière d’emploi

Avec 62 nouveaux réacteurs en construction à ce jour et la hausse des investissements, l’emploi dans le nucléaire devrait poursuivre sa croissance. Toutefois, l’AIE alerte sur les tensions croissantes du marché du travail : « Environ 46 % des entreprises nucléaires interrogées ont signalé des difficultés de recrutement, entraînant des goulets d’étranglement opérationnels, des retards de projets, un allongement des délais et un recours accru à la sous-traitance ».

Ces difficultés s’expliquent notamment par une vague de départs à la retraite. « L’indice mondial des talents dans l’énergie estime que 25 % de la main-d’œuvre nucléaire actuelle a plus de 55 ans, contre 20 % dans le secteur du pétrole et du gaz, et seulement 10 % dans celui des énergies renouvelables ». À cela s’ajoute une forte concurrence pour les profils qualifiés.

Formation et intelligence artificielle au cœur des solutions

Face à ces enjeux, la formation des jeunes apparaît comme une priorité stratégique pour la filière. Or, « 60 % des entreprises nucléaires interrogées par l’AIE estimé que la collaboration entre l’industrie et les établissements d’enseignement est insuffisante ». La France, pour faire face à l’enjeu des compétences de la filière a ainsi créé en 2021 l’Université des Métiers du Nucléaire.

L’essor de l’intelligence artificielle est également suivi de près. Au Japon, elle est déjà utilisée pour assister les inspections de sûreté et la maintenance des centrales, dans un contexte de réduction de la main-d’œuvre, souligne l’AIE. Son déploiement à grande échelle devra toutefois répondre aux exigences strictes de sûreté propres à l’industrie nucléaire. ■

Par Floriane Jacq, Sfen