Hinkley Point C : une bonne nouvelle pour le nucléaire
Avec la décision favorable de la Commission européenne, le projet de construction de deux réacteurs nucléaires EPR en Royaume-Uni vient de franchir une étape majeure. Cette décision pourrait conduire d’autres Etats européens à proposer un modèle de financement analogue à celui utilisé au Royaume-Uni. Décryptage.
Un modèle de financement « innovant »
L’aspect le plus emblématique du montage consiste en la mise sur pied de « contrats pour différence » (« CFD » ou « contract for difference », en anglais).Ils doivent permettre d’obtenir un prix fixe et indexé sur l’inflation (par le biais de l’indice des prix à la consommation), quelle que soit l’évolution future des prix de marché de l’électricité. Le projet bénéficiera également d’une protection contre certaines modifications imprévues d’ordre législatif ou réglementaire.
Le prix du mégawattheure a été fixé à 92,50 livres (115 €) – un montant comparable à celui de l’éolien terrestre au Royaume-Uni (coûts de production et coûts systèmes inclus) – pour une durée de 35 ans, sur les 60 ans de la durée d’exploitation prévue pour chaque réacteur.
Par ailleurs, pour aider à atténuer les risques, le gouvernement britannique a accepté de fournir une garantie de prêt pour le projet. La Commission européenne s’était alors interrogée sur la compatibilité de ces mesures avec le droit européen de la concurrence. Bruxelles s’interrogeait notamment sur le risque de surcompensation. EDF Energy avait affiché une rentabilité du projet espérée autour de 10 %, qui est pourtant un montant usuel au regard des projets de ce type, dont les risques financiers restent significatifs (retard de chantier par exemple). La Commission a finalement approuvé ces mesures par sa décision du 8 octobre 2014.
En associant l’ensemble de ces éléments, le département de l’énergie et du climat britannique (DECC) considère le nucléaire comme une des énergies bas carbone parmi les plus compétitives pour les années à venir.
Le « CFD » pour les investisseurs et les consommateurs
Les contrats pour différence, dont le prix fixé est un paramètre, ont vocation à être appliqués à l’ensemble des énergies bas carbone. « Ils doivent, selon Jean-Guy Devezeaux, économiste et Directeur de l’I-tésé, permettre une juste rémunération des investisseurs en limitant leur exposition au risque-prix ».
Soucieux de rendre accessible les prix de l’électricité aux consommateurs, le gouvernement britannique a souhaité mettre en place un partage des bénéfices entre les industriels et les consommateurs. Le contrat pour différence contient une série de mécanismes de « partage des gains » qui permettent aux clients de bénéficier de réductions de prix, si les coûts de construction du projet ou le rendement du projet s’avèrent plus favorables que prévu. Suite à l’examen de la Commission européenne, ces mécanismes de « partage des gains » ont été renforcés.
Un nouvel élan pour le nucléaire en Europe ?
Dans sa décision, la Commission européenne affirme que chaque Etat-membre est souverain pour déterminer son modèle de mix énergétique par rapport à un panel d’énergies : renouvelables, nucléaires ou autre. En permettant au Royaume-Uni de mettre en place le modèle qu’il propose, « cette décision ouvre la porte à des montages semblables ailleurs en Europe » estime le Directeur de l’Itésé. Toutefois, si un autre Etat membre de l’Union européenne souhaitait appliquer le « CFD », une nouvelle enquête et un nouvel accord de la Commission européenne seraient nécessaires.
Au plan européen, plusieurs Etats membres de l’Union européenne ont décidé ou envisagent de construire de nouvelles centrales nucléaires. Il sera important d’examiner avec rigueur les éventuels mécanismes de soutien du point de vue de l’encadrement des aides d’Etat.
« si l’Europe impose des règles trop contraignantes pour l’investissement nucléaire sur son territoire, des fournisseurs de centrales nucléaires non européens, à très forte agressivité commerciale et évoluant dans un système très éloigné des principes de concurrence européenne, disposeront d’un avantage considérable. Ils risqueront alors de prendre indûment des parts de marché à l’international (voire tout le marché) aux industriels européens » prévient Jean-Guy Devezeaux.
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