Gestion des déchets nucléaires, un bon exemple ?
En 2014, le poids des déchets électriques et électroniques – les « e-dechets » – a atteint un sommet avec 41,8 millions de tonnes dans le monde, contre 39,8 millions de tonnes en 2013. Moins d’un sixième de ces déchets a été correctement recyclé. Chaque année, la France produit environ 2 kg de déchets radioactifs par habitant et recycle une grande partie de ses combustibles usés. Ne serait-ce pas un exemple à suivre ?
50 millions de tonnes d’e-déchets en 2018
L’Université des Nations Unies (UNU) a établi dans un rapport publié le 19 avril 2015 que 41,8 millions de tonnes de déchets électriques et électroniques avaient été produites en 2014 dans le monde. D’après l’organisation, plus de 60 % de ces déchets sont des équipements de cuisine, de buanderie ou de salle de bains. 7 % sont des téléphones portables, des ordinateurs portables, des calculatrices et des imprimantes.
Il s’avère que le champion du monde des e-déchets par habitant est la Norvège, avec 28,4 kg. Seconde sur ce triste podium, la Suisse produit 26,3 kg d’e-déchet par habitant, suivie par l’Islande avec 26,1 kg par habitant. En queue de peloton, le continent africain a rejeté environ 1,9 million de tonnes d’e-déchet (1,7kg/habitant). La France occupe la 8ème place avec 22,2kg/habitant.
Ces e-déchets sont précieux car ils contiennent des ressources particulièrement intéressantes, comme le cuivre, l’or ou le fer. Mais ils recèlent aussi des composants dangereux (2,2 millions de tonnes) tels que du mercure, du cadmium ou du chrome…
Pourtant, moins d’un sixième de ces déchets a été recyclé correctement. David Malone, recteur de l’UNU et sous-secrétaire général des Nations-Unies souligne que « au niveau mondial, les e-déchets constituent une précieuse « mine urbaine », un large réservoir potentiel de matériaux recyclables. » Il rappelle aussi qu’il s’agit « d’une mine toxique qui doit être gérée avec une attention extrême. »
L’ONU estime que d’ici 2018, le cap des 50 millions de tonnes devrait être atteint. Dès maintenant, le recyclage effectif et efficace de ces e-déchets ne devrait-il pas suivre l’exemple de la filière nucléaire française ?
Le traitement des déchets radioactifs en France
En France, 62 % des déchets nucléaires proviennent de l’exploitation et du démantèlement des centrales nucléaires. Les 38 % restants sont issus de la recherche, des hôpitaux et de l’industrie militaire. Ainsi, les déchets très faiblement radioactifs représentent moins de 30 % des déchets radioactifs. Leur niveau de radioactivité est très, voire extrêmement faible et leur période radioactive peut être plus ou moins longue. Dans plusieurs pays, comme l’Allemagne par exemple, ces déchets sont jugés conventionnels et peuvent être réutilisés dans d’autres secteurs industriels.
60 % des déchets radioactifs contiennent essentiellement des radionucléides à vie courte (cobalt 60, césium 137…) et leur niveau de radioactivité est relativement faible. Ils sont principalement issus de la maintenance (vêtements, outils, gants, filtres…) et du fonctionnement des installations nucléaires (traitements d’effluents liquides ou gazeux), de laboratoires de recherche, d’hôpitaux ou d’opérations d’assainissement et de démantèlement. D’autres (7 % du total) sont à « moyenne activité à vie longue » : déchets métalliques issus du traitement des combustibles usés, composants ayant séjourné dans les réacteurs nucléaires…
Enfin, les déchets les plus radioactifs représentent 0,2 % du volume total des déchets radioactifs français et concentrent 96 % de la radioactivité.
Mais quelque soient leur niveau de radioactivité et leur durée de vie, 90 % de tous ces déchets ont une solution de stockage définitif.
A chaque type de déchet, sa solution
La gestion des déchets radioactifs est encadrée par la loi de 2006 relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs. C’est l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs) qui a pour mission de trouver, mettre en œuvre et garantir des solutions sûres. Tous les 3 ans, l’agence établit un inventaire complet des déchets radioactifs.
Avant d’être envoyés dans le centre de stockage adapté à leur typologie, les déchets sont d’abord traités et conditionnés par les exploitants qui les ont produits. Les solutions sont diverses et adaptées à chaque type de déchet.
Les 20 000 à 30 000 m3 de déchets très faiblement radioactifs produits chaque année sont stockés dans un centre de l’Andra, conditionnés dans des big-bags ou des casiers métalliques. Certains sont compactés (déchets plastiques et métalliques) ou solidifiés puis stabilisés (boues, eaux polluées…). Les déchets faiblement ou moyennement radioactifs (environ 10 000 m3 par an) sont stockés depuis 1992 dans un autre centre de l’Andra dans l’Aube. Solidifiés ou compactés pour réduire leur volume, ils sont placés dans un conteneur en métal ou en béton puis enrobés avec du béton.
Les déchets faiblement radioactifs mais dont la durée de radioactivité est longue (plus de 30 ans) sont stockés, sur les sites de production ou dans des sites dédiés dans l’attente de solution de stockage pérenne. Enfin, les déchets ultimes les plus radioactifs sont intégrés dans une matrice en verre (400 kg de verre pour 70 kg de déchets) puis coulés dans un colis en inox. Ils sont entreposés à l’usine de retraitement AREVA de La Hague (Manche), dans des installations confinant la radioactivité. A terme, ils rejoindront le centre industriel de stockage géologique Cigéo.
Le cycle fermé pour préserver l’environnement
Dès les années 1980, la France a choisi de pratiquer le traitement/recyclage du combustible nucléaire usé et de développer une technologie de recyclage, créant un « cycle fermé ». En effet, les combustibles usés contiennent environ 96 % de matières fissiles valorisables.
Le retraitement consiste à séparer, dans le combustible usé, les matières énergétiques valorisables (uranium et plutonium) des produits de fission qui ne le sont pas. Après cisaillage, dissolution à l’acide et séparation par solvants, on récupère l’uranium et le plutonium qui seront recyclés, principalement pour entrer dans la fabrication de nouveaux éléments combustibles. L’uranium récupéré peut être à nouveau enrichi pour fabriquer du combustible standard (UOX) et le plutonium peut être utilisé pour fabriquer du combustible MOX (Mélange d’OXydes ou Mixed OXides).
Avec une capacité de 1 600 tonnes par an, l’usine AREVA de La Hague est la plus grande installation de retraitement du monde. EDF et de nombreux électriciens étrangers y font retraiter leurs combustibles usés, récupérant ensuite uranium, plutonium et déchets séparés. Les déchets des pays étrangers sont retournés au pays émetteur.
D’autres pays, comme la Finlande et la Suède, ne retraitent pas leurs combustibles nucléaires usés et les considèrent comme des déchets. Ils les entreposent dans des piscines attenantes aux réacteurs en attendant de définir les modalités d’un stockage définitif.
Au final, les déchets nucléaires « ultimes » représentent 4 % du volume total des déchets radioactifs. Le recyclage permet de retraiter potentiellement 96 % des combustibles nucléaires usés en divisant le volume des déchets par 5 et leur toxicité par 10. Et donc d’économiser les ressources en uranium naturel.
Cet exemple ne devrait-il pas être suivi pour les e-déchets dont la dangerosité ne diminue pas dans la durée ?…
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