Fermer une centrale nucléaire augmente les émissions de CO2
Le gouvernement vient de rendre public le volet « électricité » de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) qui prévoit la réduction de 10 à 65 TWh de la production nucléaire à horizon 2023 et la fermeture de deux réacteurs nucléaires.
Aux Etats-Unis, en Allemagne et au Japon, les exemples montrent qu’en dépit d’une volonté politique forte et d’importants moyens techniques et financiers engagés pour développer l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables, la fermeture de centrales nucléaires entraîne une augmentation du recours aux énergies fossiles et in fine une hausse des émissions de CO2.
Aux Etats-Unis, le nucléaire est remplacé par le gaz de schiste
Aux Etats-Unis, l’essor du gaz de schiste, peu cher et facile à extraire, modifie le paysage énergétique et conquiert de nouvelles parts de marché. Certains exploitants nucléaires sont contraints de fermer leurs installations, la production d’électricité n’étant plus suffisamment compétitive.
Dans la grande majorité des cas, les autorités prévoient de compenser la fermeture d’une centrale nucléaire – installations qui n’émet pas de gaz à effet de serre – par le développement d’économies d’énergie et d’énergies renouvelables. Force est de constater que cette volonté n’apporte aucun résultat.
Dans l’Etat du Vermont, où la centrale nucléaire de Vermont Yankee a été fermée fin 2014, la consommation d’électricité est restée stable, la production a augmenté de 5 points et les émissions de CO2 ont bondi de 2 millions de tonnes…
En Californie, même constat. L’Université de Berkeley estime que la fermeture de la centrale de San Onofre en 2012 a principalement été compensée par du gaz (le réseau électrique californien est saturé et ne peut plus accueillir de productions renouvelables supplémentaires). Les émissions de CO2 ont donc augmenté de 9 millions de tonnes, équivalents aux émissions de 2 millions de voitures.
Outre-Rhin : 40 % de l’électricité provient du charbon
Depuis 5 ans, l’Allemagne a engagé une vaste transition énergétique (« Energiewende ») qui s’est traduit par la fermeture de 8 centrales nucléaires dès 2011 et une sortie progressive de l’atome d’ici 2022.
Quatrième pays le plus riche du monde, l’Allemagne a alloué d’importants moyens pour la réussite de sa politique énergétique. À en croire Peter Altmaier, le ministre allemand de l’Environnement, le coût de la transition énergétique atteindra 1 000 milliards d’euros à l’horizon 2040.
Pour quels résultats ? La montée en puissance des énergies renouvelables est une bonne nouvelle qui ne doit pas masquer le fait que le charbon reste le pilier du système électrique allemand (celui-ci représente encore 40 % de la production d’électricité). Le gouvernement peine à réduire cette part, mettant en péril ses engagements climatiques.
A rebours de l’impératif climatique qui appelle à une réduction constante des émissions de CO2, l’Allemagne voit ses émissions augmenter d’année en année : +0,7 % entre 2014 et 2015 selon l’Agence fédérale allemande pour l’environnement (UBA). Ces mauvais résultats font de l’Allemagne le premier émetteur de CO2 de l’Union européenne (le pays compte pour 23 % des émissions de l’UE). Dans leur rapport publié la semaine dernière, le Réseau Action Climat et WWF Europe ont même pointé les impacts sur la santé des Européens de l’exploitation des centrales au charbon allemandes.
Le Japon est sorti du protocole de Kyoto
Après l’accident de Fukushima, l’ensemble des 54 réacteurs a été mis à l’arrêt. La production d’électricité fût largement compensée par des énergies fossiles : principalement le charbon (en 5 ans, sa part dans le mix électrique est passée de 25 à 30 %) et le gaz naturel liquéfié. Et ce, en dépit des efforts engagés par le pays pour développer les renouvelables (10 % du mix).
Conséquences : les émissions globales de CO2 ont augmenté de 10 %, conduisant le Japon à abandonner les objectifs qu’il s’était fixés dans le cadre du Protocole de Kyoto. Ces dernières années, l’engagement climatique du pays était en pleine régression : en 2015, les émissions de gaz à effet de serre étaient revenues au niveau record de 2007.
Lors de la COP21, le Japon a cependant confirmé sa volonté de réduire ses émissions de gaz à effets de serre. Pour y arriver, l’Archipel mise sur une production d’électricité d’origine nucléaire de 20 à 22 %.
La PPE indique que « les décisions de fermeture [de réacteurs] ne devront pas conduire à une augmentation des émissions de CO2 ». Compte-tenu de ce principe et du retour d’expérience des autres pays, la SFEN estime que la diversification du mix électrique doit se faire en temps et en heure, à mesure que les progrès seront réalisés en matière d’efficacité énergétique et de performance des énergies renouvelables.
Avec une production électrique à 94 % bas-carbone[1], la France est l’un des six pays à respecter les recommandations du GIEC[2]. Pour réduire son empreinte carbone, l’Hexagone doit réduire sa consommation d’énergies fossiles dans les transports et la chaleur.
Pour contenir le réchauffement climatique à 2°C, le GIEC appelle les pays à produire lus de 80 % de l’électricité à partir de sources bas-carbone