Faire de la France le pays où s’invente le nucléaire du futur

L’énergie nucléaire est une technologie jeune, qui se trouve dans ses premières vagues d’innovations. Elle présente, grâce aux avancées scientifiques et techniques du XXIe siècle, un grand potentiel d’évolutions et de ruptures technologiques à venir, à la fois en termes d’applications (électricité, chaleur, désalination) et de concepts de réacteurs et de cycle du combustible. Le nucléaire du futur sera plus compétitif et plus flexible, pour opérer dans des systèmes électriques comportant des énergies renouvelables variables. Il présentera des avancées en matière de sûreté intrinsèque et de gestion des matières et des déchets.
On assiste aujourd’hui à un regain d’intérêt mondial autour de nouveaux concepts de réacteurs aux Etats-Unis, où l’on recense maintenant une cinquantaine[1] de start-up, notamment autour du MIT et de l’Université de Berkeley. Ces startup sont financées par des investisseurs privés, comme Bill Gates. On constate aussi une dynamique nouvelle en Russie et en Chine : cette dernière a lancé en parallèle des programmes de recherche sur plusieurs nouveaux concepts. L’enjeu est d’abord la recherche de nouvelles solutions bas carbone contre le réchauffement climatique, mais aussi, d’un point de vue géopolitique, le leadership technologique et l’indépendance technologique sur les infrastructures énergétiques de demain.
La France a tous les atouts pour participer aux initiatives venues des quatre coins du monde et devenir le pays où s’inventera le nucléaire du futur. La filière nucléaire française est engagée dans les programmes d’industrie du futur et investit déjà pour développer les réacteurs de demain. Elle dispose des compétences et infrastructures en matière de R&D, des technologies et savoir-faire industriels pour faire partie des leaders mondiaux du nucléaire du futur.
Comment faire
LANCER UNE MISSION « FRENCH TECH NUCLEAIRE »
Le lancement d’une mission « French Tech Nucléaire », sur le modèle de l’initiative French Tech pilotée par le Ministère de l’Industrie, permettra de fédérer, promouvoir et développer l’écosystème et l’esprit entrepreneurial français autour des systèmes nucléaires du futur.
Renforcer la lisibilité des compétences françaises. Elles portent aussi bien sur les nouveaux concepts de réacteurs (eau pressurisée, SMR, sodium, gaz, sels fondus) que sur les cycles du combustible associés. Elles se trouvent à la fois dans les centres de recherche (CEA, CNRS), dans les établissements d’enseignement, chez les grands industriels (EDF, AREVA NP), mais aussi chez les ETI/PME et des potentielles start-up.
Créer un accélérateur d’innovation sur le nucléaire du futur. Cette entité aurait pour objectif d’identifier et de développer de nouvelles opportunités en matière de propriété intellectuelle et de valorisation de nos savoir-faire, pour des projets futurs à maîtrise d’ouvrage française (ex : ASTRID, EPR nouveau modèle, ATMEA), étrangère, ou multinationale.
Attirer les talents du monde entier. Il faut tirer parti de la dynamique du plateau Paris-Saclay (20 % de la recherche française), de son université et de ses écoles d’ingénieurs (Polytechnique, Centrale-Supélec, ENSTA, ENS, INSTN) et valoriser notre réseau national de formation via l’Institut international de l’énergie nucléaire (I2EN).
Mettre en place un programme d’attractivité internationale à destination des nouveaux capitaux privés. L’investissement privé dans les start-up nucléaire s’élève déjà aux Etats-Unis à 1,6 milliard de dollars[1]. En décembre 2016, des investisseurs privés, réunis dans la « Breakthrough Energy Coalition », annonçaient 1 Md USD[2] d’investissements sur des « solutions radicales » contre le changement climatique, dont l’énergie nucléaire.
INVESTIR DANS LE DEVELOPPEMENT DE BRIQUES TECHNOLOGIQUES
Une grande variété de nouveaux concepts de réacteurs du futur a été identifiée[3], et la France ne pourra pas être chef de file sur chacune d’entre elles. Cependant, un certain nombre de briques technologiques seront nécessaires, à la fois pour améliorer la compétitivité des installations existantes et pour construire les futures gammes de réacteurs, français et étrangers. La France dispose de nombreux atouts technologiques et industriels sur ces briques : nouveaux combustibles[4] et cycle associé (dont le multi-recyclage), nouveaux matériaux encore plus performants, méthodes modulaires de construction, nouveaux procédés de fabrication métallurgique[5].
Il convient de :
- Mobiliser l’investissement public au travers de partenariats public-privé. Les guichets (dont le PIA[6]) doivent permettre de financer des projets complexes à la frontière entre recherche et innovation industrielle, intégrant de plus en plus de numérique.
- Favoriser les nouveaux modèles de collaboration. Au-delà des avancées en matière de collaborations R&D tripartites entre AREVA, le CEA et EDF, il s’agit de rassembler autour des briques identifiées l’ensemble de l’intelligence collective de la filière via des nouveaux modèles d’innovation : open innovation, partage des risques, développement de start-up, etc.
- Tirer parti du potentiel de transformation des technologies numériques. Les outils numériques permettront d’accélérer le développement des solutions et d’augmenter la performance des réacteurs : outils d’imagerie virtuelle et réalité augmentée (exploitation), intelligence artificielle (maintenance) et outils de simulation numérique (conception de réacteurs, jumeaux numériques, etc.).
SOUTENIR NOTRE RECHERCHE PUBLIQUE
Accélérer le développement des partenariats publics internationaux. La recherche française dispose de moyens d’essais au sein des instituts et entreprises qui doivent être partagés et valorisés avec les partenaires internationaux. Le nouveau réacteur de recherche RJH, dont le démarrage est prévu en 2021 à Cadarache (Bouches-du-Rhône), dispose déjà de 6 partenaires, dont l’Inde et le Japon. Les laboratoires du MAI[7] (Seine-et-Marne) qui étudient le comportement des matériaux, rassemblent des financements américains, britanniques, russes, chinois, et japonais.
Réfléchir à de nouveaux modèles de support public à l’innovation. Aux Etats-Unis, l’innovation nucléaire et la conception de nouveaux réacteurs se développent aujourd’hui sous l’impulsion de nouveaux financements privés, mais les installations expérimentales et les outils de simulation, par leur taille, restent de la responsabilité publique. Ainsi l’administration américaine a engagé un programme spécifique, GAIN[8], pour soutenir les start-up nucléaires et leur donner accès aux moyens et à l’expertise des laboratoires publics pour accélérer leur développement.
Investir dans la modernisation des infrastructures nucléaires de recherche. La recherche nucléaire aura besoin de nouveaux outils numériques permettant l’intégration de systèmes complexes et d’installations expérimentales plus précises et plus performantes, afin de qualifier et valider les innovations réalisées par les équipes de recherche et d’ingénierie. Les outils de simulation de demain permettront de mieux intégrer et étudier les interactions entre les différentes disciplines (neutronique, métallurgie, thermodynamique, …) et, en terme de précision, de travailler à plusieurs échelles de la physique. Les installations expérimentales devront permettre de mieux cibler ce qu’on veut mesurer, par exemple en matière de neutronique ou d’examens post-irradiatoires.
Third Way Energy
Breakthrough Energy
Forum international Génération IV
Accident-tolerant fuel
Compaction isostatique à chaud, fabrication additive, etc.
Programme d’Investissement d’Avenir (PIA)
Materials Aging Institute
Gateway for Accelerating Innovation in Nuclear