Aux Etats-Unis, le gaz de schiste se substitue à l’énergie nucléaire
En dépit du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, de nombreux Etats américains ont continué leur engagement dans des politiques de lutte contre le changement climatique. Ces dernières ne prennent souvent pas en compte le rôle joué par l’énergie nucléaire pour atteindre les objectifs de décarbonation du système électrique.
Pourtant, l’énergie nucléaire représente plus de 56 % de la production d’électricité bas-carbone américaine, trois fois plus que l’hydroélectricité et l’éolien, et près de vingt fois plus que l’énergie solaire.
Le développement du gaz de schiste a permis de diviser le prix du gaz par trois en dix ans aux Etats-Unis. En l’absence d’un prix du CO2, les centrales nucléaires subissent la concurrence très forte des centrales à gaz, fortement émettrices de gaz à effet de serre.
Certains Etats porteurs d’objectifs climatiques ambitieux, comme le Vermont et la Californie, ont laissé fermer leur centrale, tablant que leur production serait compensée par des énergies renouvelables. A l’inverse, d’autres Etats, comme le New Jersey, ont décidé de mettre en place des mécanismes de compensation pour soutenir le nucléaire face à la concurrence du gaz de schiste.
Vermont
Une étude a montré que l’arrêt fin 2014 de la centrale de Vermont Yankee, n’a pas – contrairement à ce qui avait été envisagé – été compensée par une combinaison d’économies d’énergies et d’investissements dans les énergies renouvelables. La consommation d’électricité est finalement restée stable, la consommation de gaz a augmenté de 5 points en Nouvelle Angleterre et les émissions de CO2 ont augmenté de 2 millions de tonnes en 2015, l’année suivant l’arrêt de la centrale.
Californie
Un phénomène similaire a été observé en Californie après la fermeture de la centrale nucléaire de San Onofre en 2012. Le nucléaire a été remplacé principalement par une augmentation de la production de gaz de schiste [1]. Une augmentation des émissions de 9 millions de tonnes de CO2 ont été observés sur les 12 mois suivant l’arrêt de la centrale, équivalentes aux émissions de 2 millions de voitures.
Malgré un programme volontaire de développement des énergies renouvelables, démarré dès 2002, le solaire et l’éolien ne représentaient toujours que moins de 20 % du mix électrique en 2017. La Californie compte 29 centrales à gaz, lesquelles représentent 43 % de sa production d’électricité.
Deux réacteurs nucléaires génèrent près de 9 % de l’électricité. Leur exploitant, l’électricien PG & E a néanmoins annoncé en juin 2016 son intention de fermer les unités en 2024 et 2025, en l’absence d’un mécanisme qui lui permettrait une exploitation rentable face à la concurrence des centrales à gaz. Plusieurs experts se sont depuis alarmés que l’arrêt de la centrale pouvait de nouveau entraîner une hausse des émissions, et rendre les objectifs de décarbonation de l’Etat difficiles voire impossibles à atteindre. L’Etat de Californie a annoncé en août 2018 un objectif de décarbonation totale de son électricité d’ici 2045.
New Jersey
En 2017, l’énergie nucléaire représentait pas moins de 97 % de l’électricité bas-carbone produite dans cet Etat.
La fermeture de la centrale de Oyster Creek, propriété de l’exploitant Exelon, en septembre 2018, s’accompagne là encore d’une prévision à la hausse des émissions. Une nouvelle centrale à gaz vient en effet d’être mise en ligne dans le New Jersey, et une deuxième démarrera avant la fermeture définitive d’une nouvelle centrale nucléaire, celle de Pilgrim, prévue en juin 2019.
A l’échelon du pays dans son ensemble
Sur le plan des émissions de CO2, selon l’ONG Environmental Progress, les arrêts de centrales nucléaires déjà advenus ou à venir ont cannibalisé le développement de l’énergie solaire aux Etats-Unis, comme l’indique le graphe ci-dessous. La production bas-carbone perdue par l’arrêt des centrales nucléaires correspond en effet à l’ensemble de la production solaire du pays. Ainsi les investissements n’auraient pas permis de réduction nette des émissions de CO2.
Le réseau Californien est déjà très saturé en renouvelables pour assurer l’équilibre du système en termes d’offre et demande.