[Elles ont fait le nucléaire] Ida Noddack, celle qui a pressenti la fission - Sfen

[Elles ont fait le nucléaire] Ida Noddack, celle qui a pressenti la fission

Publié le 12 août 2025 - Mis à jour le 18 août 2025

Elles s’appelaient Lise Meitner, Chien-Shiung Wu ou Harriet Brooks. Physiciennes, ingénieures, chimistes… Elles ont apporté des contributions majeures à la science nucléaire, souvent dans l’ombre de leurs collègues masculins. Cet été, la RGN met en lumière ces femmes essentielles de l’atome. Aujourd’hui, découvrons Ida Noddack, qui a eu l’intuition géniale de la fission de l’atome d’uranium.

Ida Noddack, née en 1896 en Allemagne, a débuté son parcours professionnel en tant que chimiste, en décrochant en 1919, un diplôme d’ingénieur en chimie et métallurgie à l’Université technique de Berlin. Deux ans plus tard, elle y obtiendra son doctorat. Le diplôme en poche, elle rejoint l’Agence de recherche physico-technique de Berlin en 1925. Elle devient alors la première femme chimiste professionnelle dans l’industrie chimique allemande.

La découverte d’éléments

Au sein de l’agence, elle collabora avec les deux physiciens Walter Noddack (son futur mari) et Otto Carl Berg. Ensemble, ils firent la découverte de deux éléments du tableau périodique, encore parsemé d’espaces vides à cette époque : le masurium, de numéro atomique 43, et le rhénium, de numéro atomique 75. Néanmoins, seul le second a pu être confirmé expérimentalement, ayant été le seul à avoir pu être isolé. Le masurium ne fut officialisé que douze ans plus tard grâce à un cyclotron et prit le nom de technétium. La découverte du rhénium lui valut la médaille Liebig de la Société allemande de chimie en 1931.

Les prémisses de la fission

En 1934, Enrico Fermi soutenait l’hypothèse qu’il était possible de former des atomes plus lourds que l’uranium (les transuraniens), grâce à un bombardement par des neutrons. Ida Noddack contredit cette hypothèse et y répond dans un article nommé « Sur l’élément 93 », publié la même année. Selon elle, bombarder l’uranium formerait, au contraire, des atomes plus petits. « Lorsque des noyaux lourds sont bombardés de neutrons, il est concevable que le noyau se brise en plusieurs gros fragments, qui seraient bien sûr des isotopes d’éléments connus, mais non voisins de l’élément irradié », suggéra-t-elle alors. Les premières pierres de la fission nucléaire étaient posées.

Cette hypothèse fut rejetée par une partie de la communauté, faute de démonstration. À peine cinq années plus tard, Otto Hahn et Fritz Strassmann, grâce aux travaux de Lise Meitner, démontrèrent expérimentalement l’hypothèse d’Ida, qu’elle revendiqua aussitôt. Mais les deux chimistes ne lui attribuèrent pas la paternité.

Une reconnaissance jamais éprouvée

Durant sa carrière, Ida Noddack a été de nombreuses fois nominée au prix Nobel de chimie : une fois seule en 1933, pour la découverte du rhénium, et deux autres fois avec son mari, en 1935 et 1937, pour leurs contributions dans la chimie des éléments et sa vision sur la fission. Elle ne l’a jamais remporté, quand bien même aucun candidat n’ait été récompensé en 1933. À contrario, le chimiste Otto Hahn obtiendra lui le prix Nobel de chimie en 1944 « pour sa découverte de la fission des noyaux lourds ». Il rejettera toute sa vie la participation d’Ida Noddack. ■

Par François Terminet, Sfen

Image : Ida Noddack