Vers un déséquilibre de la filière nucléaire chinoise ?
Une filiale de la CNNC cotée en bourse a annoncé en mars dernier qu’une restructuration stratégique entre la CNNC et la CNEC était en cours et que le plan de réorganisation n’était pas encore finalisé et nécessitait une autorisation des institutions compétentes. En cas de validation, la CNNC et la SNPTC, deux géants chinois du nucléaire, fusionneraient chacun de leur côté avec d’autres entités, en laissant la CGN de côté et en l’isolant. Ce changement déséquilibrerait le marché du nucléaire chinois. La fusion entre la CNNC et la CNEC permettrait également d’associer deux métiers du secteur : le développement des réacteurs et la construction de centrales nucléaires.
L’équilibre entre les trois géants du nucléaire chinois commence à se perdre
La CNNC, la CGN et la SNPTC, qui ont chacune leurs points forts, se différencient des autres électriciens nationaux qui ne sont pas habilités pour exploiter des centrales nucléaires. Aujourd’hui l’équilibre des forces entre tous ces acteurs est maintenu par les trois géants.
La CNNC est l’acteur principal de l’industrie nucléaire chinois, couvrant les activités portant sur les réacteurs et le cycle du combustible.
La CGN prend de l’avance dans l’exploitation de centrales nucléaires avec un parc nucléaire de 19 tranches en service (20,38 GW, représentant 61 % du parc national en activité) et de 9 tranches en construction (11,36 GW, soit 47 % du parc national en construction). Les activités de la CGN couvrent également l’amont du cycle (approvisionnement en uranium et en assemblages de combustible).
Filiale de la SPIC, la SNPTC dispose des atouts dans la conception, la construction et le développement d’un réacteur chinois de génération III basé sur l’AP1000, et bénéficie notamment du soutien financier de la SPIC dont les actifs et les chiffres d’affaires sont beaucoup plus importants que ceux de la CNNC et de la CGN.
En cas de fusion avec la CNNC, les activités de la CNEC compléteraient celles de la CNNC, couvrant ainsi l’ensemble des métiers : les réacteurs, la construction de centrales nucléaires et le cycle du combustible. Après la fusion, le nouveau groupe intégré prendrait de l’avance dans le secteur de l’énergie nucléaire par rapport à ses deux concurrents.
La CNEC, l’acteur chinois le plus important dans le domaine de la construction de centrales nucléaires, est capable d’assurer en parallèle la construction d’une quarantaine de réacteurs sur des chantiers déférents. C’est l’acteur qui a été impliqué dans la réalisation de l’îlot nucléaire de toutes les centrales nucléaires chinoises. En outre, la CNEC est très active pour développer des réacteurs HTR en Chine (Fujian, Jiangxi, Shandong, Hunan et Guangdong) et à l’étranger (Emirats arabes unis, Arabie saoudite et Afrique du Sud).
Côté CGN, comment faire face à cette nouvelle situation ?
Selon un fonctionnaire retraité de la NNSA, le regroupement entre la SNPTC et la SPIC pourrait être un schéma à suivre pour la CGN car la mégafusion entre un électronucléaire et un électricien national lui permettrait d’augmenter son importance de manière globale. Cette approche pourrait également aider la CGN à surmonter d’autres difficultés telles que le fonctionnement de réacteurs à régime réduit ou le financement de nouvelles centrales nucléaires.
Aujourd’hui, les 4 électriciens nationaux (Huaneng, Datang, Guodian et Huadian) sont tous actionnaires de centrales nucléaires, mais ne disposent pas d’une habilitation nucléaire. Comme l’apport de centrales nucléaires est plus important que celui de centrales thermiques à flamme, ces électriciens conventionnels s’intéressent à l’énergie nucléaire. La fusion avec un électricien nucléaire leur permettrait d’être habilités et donc de pouvoir exploiter des centrales nucléaires.
A ce sujet, des rumeurs se répandaient au sujet d’une fusion entre la CGN et le Shenhua Group. Selon une information médiatique du 21 juillet 2016, le Shenhua Group cherchait à fusionner avec la CGN. Cette rumeur a été tout de suite démentie, bien que beaucoup d’experts aient jugé complémentaire ce projet de regroupement.
Soumise à des contraintes de financement et d’approvisionnement en combustible, la CGN a pris de nombreuses dispositions pour améliorer sa capacité à se développer de façon autonome.
Aujourd’hui, quatre filiales de la CGN ont été cotées en bourse à Hongkong ou à Shanghai, couvrant quatre domaines : énergie nucléaire, combustible nucléaire, nouvelles énergies et applications de technologie nucléaire.
Dans le domaine du combustible nucléaire, la CGN a réussi à être habilitée à exporter et à importer de l’uranium et à développer au Kazakhstan des activités d’exploitation de gisements d’uranium et de fabrication d’assemblages de combustibles nucléaires.
Dans le domaine des travaux de construction de centrales nucléaires, la fusion possible entre la CNNC et la CNEC fait penser à la mise en place des équipes de constructeurs par la CGN afin d’éviter de nouvelles contraintes possibles du groupe nouvellement fusionné.
Par exemple, la CGN a retenu en 2013 une compagnie classique (CEEC), au lieu de la CNEC, pour lui confier les travaux de montage de l’îlot nucléaire des tranches 5 et 6 de Yangjiang.
Selon plusieurs experts interrogés, la fusion entre la CNNC et la CNEC pourrait conduire la CGN et la SPIC à mettre en place leurs propres équipes de construction. Il sera utile d’observer ce contexte de concurrence complexe afin de vérifier un potentiel double emploi, ou, à l’inverse, une dispersion des compétences.
Cet article est un résumé d’articles parus dans la presse. Il n’engage en aucun cas ni la responsabilité de l’Ambassade de France en Chine, ni celle de son Service nucléaire.