DEMplus : un logiciel pour le grand carénage
En France et dans le monde, l’industrie nucléaire est confrontée à un double enjeu : rénover les réacteurs pour qu’ils puissent être exploités au-delà de 40 ans et démanteler les installations définitivement arrêtées. Pour mener à bien ces opérations lourdes et complexes, tout en respectant les délais, les investissements et les mesures de sûreté, la start-up gardoise, OREKA Solutions, a mis au point « DEMplus », un logiciel d’aide à la décision.
La 3D pour simuler les opérations de maintenance et de rénovation
Conçu pour les opérations de démantèlement des installations nucléaires, la nouvelle version du logiciel DEMplus présentée cette semaine permet de simuler en trois dimension (3D) les opérations d’arrêt de tranche et celles, plus lourdes, relatives au « Grand carénage ». Le logiciel peut modéliser tous les types d’installations : réacteurs (de recherche, de production d’électricité, UNGG, eau bouillant ou REP), installations du cycle du combustible, laboratoires, etc.
En agrégeant les données techniques, radiologiques et financières, DEMplus peut mener plusieurs études de sensibilité, modéliser un projet étape par étape et identifier le scénario optimum. En moyenne, les gains sur le coût des projets se situent entre 15 et 20 %.
Conçu comme un serious game, « DEMplus est adapté aux besoins opérationnels sur les chantiers », explique Luc Ardellier, Président d’Oreka Solutions. Concrètement, un avatar se déplace dans les moindres recoins d’une installation nucléaire, dont la maquette 3D est importée par le logiciel. L’application calcule ensuite le coût, la durée, l’exposition aux rayonnements ionisants,… le tout en temps réel, à mesure que les utilisateurs construisent leur scénario.
Pour cette start-up située à Bagnols-sur-Cèze près de Marcoule, le Grand carénage est une formidable opportunité. Estimée aux alentours d’un milliard d’euros, la rénovation de chaque réacteur est un défi technique, financier et organisationnel. Une aubaine pour Oreka Solutions. En outre, l’entreprise mise sur les arrêts de tranche, dont la durée peut être de quelques semaines à quelques mois, pour développer son logiciel. « Chaque jour, un arrêt de réacteur représente un manque de production, il faut pouvoir agir vite et bien » précise Luc Ardelier. Le logiciel pourrait aider à optimiser encore ce type d’opérations et, pourquoi pas, permettre d’améliorer l’exploitation des réacteurs.
Démantèlement, un marché à 220 milliards d’euros
Dans les vingt années à venir, 300 à 400 réacteurs seront arrêtés dans le monde. Le nombre de chantiers engagés devrait croître avec des perspectives d’activité très prometteuses pour les entreprises spécialisées dans ce secteur. Les experts prévoient un marché mondial de 220 milliards d’euros jusqu’en 2030. Toutefois, seules les opérations à haute valeur ajoutée, comme la simulation 3D, pourront permettre de s’implanter sur des marchés étrangers dominés par des entreprises locales.
En France, les exploitants chiffrent à 34,4 milliards d’euros le démantèlement des installations civiles (Cour des comptes 2014). Le pays comptait en 2013, 125 installations nucléaires de base (INB), dont une trentaine en cours de démantèlement. Actuellement, 9 réacteurs de différentes générations sont en cours de déconstruction. Pour les INB actuellement ou prochainement mises à l’arrêt, des programmes de démantèlement courant sur plusieurs dizaines d’années sont en cours d’élaboration. Certains de ces chantiers s’avèrent très complexes avec notamment des incertitudes quant à l’état physique et radiologique des installations. « Les problématiques de démantèlement sont compliquées parce qu’avant elles n’avaient pas été prises en compte à la conception ». L’exploitant, responsable de la déconstruction de son installation, est confronté à des risques projets importants (dérive planning et budget) qu’il est important de réduire.
DEMplus intervient actuellement sur les installations les plus anciennes : l’usine de retraitement de Marcoule (Programme UP1), la première usine d’AREVA La Hague et les réacteurs de première génération (UNGG).
La start-up du nucléaire s’exporte et s’implante dans d’autres secteurs
« Il n’existe pas de produit concurrent ni en France, ni à l’international » estime Luc Ardelier. Naviguer dans cet « océan bleu » permet à Oreka Solutions de se projeter à l’international, notamment au Royaume-Uni, aux Etats-Unis et au Japon.
Luc Ardelier souligne que « la problématique du démantèlement intéresse d’autres domaines ». D’où sa volonté que le logiciel se déploie dans l’aéronautique, la chimie ou encore les plateformes pétrolières et gazières offshore.
L’entreprise qui emploie douze personnes, prévoit de recruter deux à trois personnes d’ici la fin de l’année, et quatre à dix collaborateurs supplémentaires en 2016.