Déchets nucléaires en Atlantique : la mission Nodssum part faire un état des lieux - Sfen

Déchets nucléaires en Atlantique : la mission Nodssum part faire un état des lieux

Publié le 23 mai 2025 - Mis à jour le 28 mai 2025

Interdite depuis 1993, l’immersion de déchets nucléaires en mer fait aujourd’hui l’objet d’une campagne scientifique inédite. La mission Nodssum, portée par le CNRS et l’Ifremer, s’apprête à cartographier et analyser les anciens sites d’immersion dans l’Atlantique Nord-Est afin d’évaluer les traces laissées par cette pratique abandonnée depuis plus de quarante ans.

Entre les années 1950 et 1982, plusieurs pays européens, dont la France, ont eu recours à une solution aujourd’hui révolue : l’immersion de déchets nucléaires en mer dans les profondeurs de l’Atlantique Nord-Est, à plus de 4 000 mètres sous la surface. Cette pratique a conduit à l’abandon en haute mer de plus de 200 000 fûts, principalement de très faible activité (TFA).

Quarante ans plus tard, la mission Nodssum (North-East Atlantic Dumpsite Site Survey Using Mapping and Monitoring) entend retrouver ces sites d’immersion pour en analyser l’état et les impacts environnementaux, annoncent le CNRS et l’Ifremer dans un communiqué. Cette mission s’inscrit dans le programme interdisciplinaire Radiocean, qui explore les grands enjeux liés à la radioactivité dans les milieux marins.

Une double campagne dans les abysses

La mission Nodssum se déroulera en deux campagnes majeures. La première, prévue en juin 2025, mobilisera le robot autonome UlyX, capable de plonger jusqu’à 6 000 mètres de profondeur pour localiser les fûts et collecter des données géochimiques sur les sédiments et la colonne d’eau.

La deuxième campagne, prévue pour 2026, permettra de réaliser des prélèvements ciblés autour des fûts, afin d’analyser l’éventuelle dispersion de substances radioactives et d’étudier l’impact sur les écosystèmes marins.

Des déchets largement dégradés et en partie disparus

Contrairement à certaines idées reçues, les déchets immergés dans l’Atlantique n’étaient pas de haute activité. Comme l’explique Patrick Chardon, chercheur au Laboratoire de physique de Clermont-Ferrand, dans une interview au Journal du CNRS, ces déchets étaient principalement de très faible activité (TFA). « À notre connaissance, aucun combustible, aucun déchet à haute activité ou à vie longue, n’a été mis à l’eau, précise le physicien. Il s’agit pour ce que l’on en sait de matériel tel que gants, matériaux de laboratoire, échantillons… ». Il ajoute : « Une grande partie de la radioactivité a déjà disparu », précise-t-il, du fait de la courte durée de vie des isotopes concernés, comme le césium-134 ou le fer-55.

Ces constats n’exonèrent pas de vigilance, mais ils remettent en perspective l’impact réel de ces pratiques anciennes, tout en nourrissant les réflexions actuelles sur la gestion à long terme des déchets nucléaires.

Une pratique interdite depuis 1993… et sans équivalent aujourd’hui

Depuis l’entrée en vigueur de la Convention de Londres, en 1993, l’immersion de déchets radioactifs est formellement interdite au niveau international. Aucun pays ne recourt plus à cette méthode, jugée inacceptable sur le plan environnemental et éthique. Aujourd’hui, la solution de référence pour les déchets radioactifs de haute activité à vue longue repose sur le stockage géologique profond, comme le projet français Cigéo à Bure. Outre l’immersion, d’autres solutions ont été imaginé par le passé pour prendre en charge les déchets, rappelle un article de l’Académie 235 : volcans, pôles, espace… ■

Par Ludovic Dupin (Sfen)
Image : Sous-marin Ulyx @CNRS