Décentraliser la production d’énergie : long chemin ou impasse ? - Sfen

Décentraliser la production d’énergie : long chemin ou impasse ?

Publié le 27 juillet 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021

La SFEN a rencontré Sylvain Vitet, Directeur Stratégie à la Direction des Nouveaux Services et Activités Energétiques d’EDF. Il nous a accordé une interview pour y voir plus clair sur les territoires à énergie positive (TEPOS).  

Quelle définition donner de la décentralisation de la production d’énergie ?

Sylvain Vitet  Aujourd’hui, nous sommes dans un système électrique français qui est hiérarchisé. C’est l’héritage de notre passé. Autrefois, on avait des petits systèmes locaux construits autour de centres de production, comme une centrale hydraulique. Puis, peu à peu, on a interconnecté nos réseaux. Pour des raisons d’économie d’échelle, les investissements dans le domaine de l’électricité sont des investissements de long terme : plus on avait des grosses centrales, plus on pouvait produire de l’électricité à un coût intéressant.

C’est aussi un facteur d’assurance, le réseau permet à tous les Français d’avoir le même tarif électrique. Donc, la bonne maille des réseaux électriques c’est la France a minima, voire l’Europe.

Dans ce contexte, il y a trois évolutions majeures. La première c’est l’apparition des technologies de l’information de la communication. La deuxième évolution majeure est sociétale : les Français ont un intérêt croissant pour les solutions locales. Et enfin, une évolution politique : les collectivités locales ont repris leur destin énergétique en main. La conjonction de ces trois facteurs est favorable à l’émergence de systèmes énergétiques locaux, donc d’une gestion décentralisée de l’énergie.  

La décentralisation est-elle forcément électrique ?

SV – Ce qu’il ne faut jamais oublier c’est que l’énergie, ça n’est pas que l’électricité.

Quand on parle de décentralisation énergétique, on ne parle pas que de décentralisation électrique. La gestion territoriale électrique d’une petite poche de territoire est faisable dans les territoires insulaires, mais cela reste compliqué techniquement et coûteux. Par contre, si l’on regarde l’intérêt d’une gestion couplée d’énergies locales comme la chaleur ou le froid avec l’électricité, des solutions peuvent exister.

L’optimisation locale entre énergies est très certainement un secteur d’avenir. EDF s’est engagé dans cette voie pour bien en évaluer les enjeux techniques et économiques. On est au début du chemin, l’avenir dira si on aura beaucoup de systèmes énergétiques locaux. Ou si on en aura peu.

   

Allons-nous vers une autonomisation des territoires ?

SV – Pour un territoire, prendre en main son destin énergétique, cela ne veut pas nécessairement dire être autonome ou être indépendant. Prendre en main son destin énergétique pour un territoire, c’est agir sur la consommation, réaliser des actions d’efficacité énergétique ou de maîtrise de la demande. Tout cela est possible tout en restant connecté au réseau électrique central. Nous sommes au début d’un chemin. C’est une véritable opportunité que de regarder conjointement avec les collectivités locales comment bâtir de tels projets.

Le groupe EDF regarde avec la communauté de communes de Vitry Champagne et Der atour de Vitry-le-François, dans la Marne. Nous réalisons un premier projet de système énergétique local associant électricité, gaz, chaleur où nous regardons les actions qui pourraient être menées aussi bien sur la consommation que sur les réseaux de chaleur notamment, que sur la production locale. Et nous allons regarder ensemble le potentiel d’optimisation multi-énergies. Ce qu’il ne faut pas oublier dans tous ces projets, c’est l’aspect financement. L’argent est le nerf de la guerre ! Ce qui est important c’est que tous ces projets soient rentables.

On aura de véritable développement des systèmes énergétiques locaux que si l’on est capable de garantir des modèles économiquement efficaces de développement, capables de garantir une énergie compétitive pour nos citoyens et pour nos entreprises, et faiblement carbonée. Et si ces systèmes énergétiques locaux permettent de procurer un gain à tous les usagers.