Débat PPE : les chiffres sont-ils “relatifs” ?
Après trois mois de débats, la consultation publique s’achève sur une note amère. Les chiffres fournis aux membres du « G400 Energie » sur les émissions de CO2 de l’énergie nucléaire laissent craindre un manque préoccupant de neutralité dans le débat.
Les membres du G400 Energie ont eu accès aux contributions des nombreuses parties prenantes. Compte tenu de la complexité pour ce panel citoyen d’appréhender et de s’approprier la totalité de ces informations, quatre fiches sur les enjeux du débat (« comprendre », « agir », choisir » et « gouverner ») ont été rédigées par la CPDP.
La SFEN a découvert avec regret dans ces fiches plusieurs informations qui, à ses yeux, entachent la crédibilité de ces outils et plus largement laissent craindre un manque de neutralité de la CPDP dans le débat. Neutralité qui est pourtant l’une de ses premières valeurs : « la CNDP et les commissions particulières restent neutres en toute circonstance et n’expriment pas leur avis sur le projet » (dossier de presse du 13 février 2018).
Ainsi, la fiche n°3 (« choisir »), dont une partie importante est consacrée à l’énergie nucléaire, détaille dans son Annexe 2 les émissions de carbone sur le cycle de vie des différents outils de production de l’électricité. Cette information est capitale pour le débat, dans la mesure où elle concerne, selon l’expression du gouvernement la « priorité de l’enjeu climatique ».
« G400 Energie » Fiche 3 « Choisir » by SFEN on Scribd
Sur les émissions de CO2 sur le cycle de vie d’une installation, il est écrit le paragraphe suivant :
« ÉMISSIONS DE CARBONE SUR LE CYCLE DE VIE D’UNE CENTRALE (Incluant la construction, le démantèlement, le transport et la gestion des déchets) :
66 g de CO2 par kWh nucléaire. (Source : Wise)
À comparer avec : 1 000 g émis pour un kWh issu de la combustion du charbon 800 g pour le pétrole 600 g pour le gaz 100 g pour le solaire photovoltaïque 15 g pour l’énergie éolienne (Valeurs médianes, source GIEC) ».
Ce paragraphe laisse craindre un sérieux doute sur la neutralité du débat :
- Les données du GIEC constituent une référence et ont été très légitimement utilisées. Ces données font l’objet de revues de pairs et incluent les émissions sur l’ensemble du cycle de vie : de la construction, au démantèlement, en passant par le transport et la gestion des déchets.
- Cependant, pour le nucléaire, et pour lui seul, la source utilisée n’est pas le GIEC, mais le cabinet WISE, présenté dans l’Annexe 4 de ladite fiche comme « opposant » à l’énergie nucléaire.
- Au-delà de la source, le chiffre mentionné dans la fiche est très différent de celui du GIEC. Le GIEC donne pour valeur médiane (voir ci-dessous) le chiffre de 18g de CO2 /kwh, la source citée (WISE) donne 60g/CO2 au kWh, soit trois fois plus.
Ces choix témoignent pour la SFEN d’un réel parti pris, non compatible avec les valeurs de la CNDP. Ils remettent en question la pertinence et l’indépendance des réponses qui sortiront des résultats de ce panel citoyen qui seront présentés lors de la réunion de clôture qui se tient ce jour.
Au-delà, la SFEN a pu relever, dans les mêmes documents, un certain nombre de choix orientés de vocabulaire : le projet Cigéo est ainsi décrit comme un « un scénario d’enfouissement » au lieu de « stockage géologique », terme consacré.
Compte tenu de ces éléments, la SFEN a interpellé la présidente de la Commission nationale du débat public, Madame Chantal Jouano, afin qu’un rectificatif puisse être apporté, eu égard à la crédibilité de ladite institution. Voici la réponse qui a été faite à cette requête :