Quelles seront les conséquences de la restructuration de Westinghouse sur les AP1000 ? - Sfen

Quelles seront les conséquences de la restructuration de Westinghouse sur les AP1000 ?

Publié le 22 mai 2017 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Dans un contexte où la concurrence sur le marché mondial des réacteurs nucléaires de génération III est acharnée entre les différents géants nucléaires internationaux, Westinghouse, entreprise américaine fondée il y a plus d’un siècle, ressent aujourd’hui à la fois du chagrin et de la joie. D’une part, elle a demandé son placement sous protection de la loi sur les faillites en raison des difficultés financières liées aux projets AP1000 aux Etats-Unis, et d’autre part, la certification du réacteur AP1000 (GDA) au Royaume-Uni qu’elle attendait depuis 10 ans vient seulement de lui être accordée.

Westinghouse a annoncé le 29 mars dernier qu’elle avait demandé la mise sous protection de l’Article 11 de la loi sur les faillites aux Etats-Unis et qu’elle déclenchait ainsi une procédure de restructuration.

Cette décision a suscité plusieurs questions : la stratégie d’exportation des AP1000 sera-t-elle réajustée ? Les AP1000 construits en Chine seront-ils affectés ? Quel sera le nouvel acquéreur pour Westinghouse après Toshiba ?

La stratégie de déploiement des AP1000 reste inchangée

Selon M. José Emeterio Gutiérrez, Président par intérim de Westinghouse, la demande de la mise sous protection de la loi sur les faillites a pour objectif de faire face aux défis financiers auxquels l’entreprise est confrontée et d’assurer la poursuite de ses activités centrales. Westinghouse cherche à mener une restructuration stratégique pour rester le leader mondial dans le domaine du nucléaire et continue à déployer ses réacteurs AP1000.

Dans cette perspective, il est certain que l’AP1000 restera toujours le fleuron de Westinghouse et jouira d’une protection particulière, quel que soit le résultat de la restructuration.

La certification de l’AP1000 a été accordée le 30 mars par l’autorité de sûreté britannique. A cette occasion, M. José Emeterio Gutiérrez a déclaré que cet événement marquait un jalon important dans l’histoire de Westinghouse car il élargissait l’importance de la conception de l’AP1000 en matière réglementaire et confirmait la technologie innovante et sécurisée de Westinghouse. Le projet de Moorside, doté de la technologie de Westinghouse, produira de l’énergie sûre et propre.

Impliqué dans un métier hors de ses compétences, Westinghouse a assuré aux Etats-Unis la construction des AP1000 sur les sites de Summer et de Vogtle, qui affichaient du retard et des surcoûts. Cependant, ses activités réacteurs et services (étude de conception, maintenance, combustible, fabrication d’équipements, démantèlement et gestion des déchets) présentent peu de risques. Westinghouse compte d’ailleurs « isoler » ses activités régionales pour leur permettre de ne pas être compromises par le dépôt de sa demande de faillite.

Face aux difficultés, Westinghouse est conscient non seulement de l’importance de chercher à sortir de la crise, mais également de s’efforcer de protéger son atout compétitif. L’expérience montre que « tant qu’il y a de la vie il y a de l’espoir ». Il ne serait pas impossible pour Westinghouse de résister aux risques et de sortir de cette situation malheureuse.


La restructuration de Westinghouse n’affectera, de façon substantielle, ni la réalisation des AP1000 en cours, ni la construction en série des CAP1000 dans le futur, ni le projet démonstrateur du CAP1400


Les projets AP1000 en Chine présentent un intérêt primordial pour les acteurs chinois et américain

Il est impossible qu’il n’y ait aucune conséquence sur les AP1000 en Chine suite au placement de Westinghouse sous protection de la loi sur les faillites : le problème clé réside dans l’ampleur des conséquences occasionnées.

Le 29 mars, le jour où l’entreprise américaine a annoncé sa décision sur la mise en faillite, la SPIC et Westinghouse ont déclaré leur intention de poursuivre leurs contrats et de travailler en commun pour assurer la mise en service des réacteurs AP1000 construits en Chine dans les meilleurs délais.

Une réunion a été organisée dans la soirée du 29 mars pour étudier les mesures à prendre face à cette circonstance.

Selon la SNPTC, la restructuration de Westinghouse n’affectera, de façon substantielle, ni la réalisation des AP1000 en cours, ni la construction en série des CAP1000 dans le futur, ni le projet démonstrateur du CAP1400.

Aujourd’hui, les essais complémentaires sur la tranche 1 de Sanmen et de Haiyang sont en cours. Si tout se passe bien, le chargement du premier coeur pourrait avoir lieu pendant le premier semestre de cette année.

En 2007, la Chine a décidé d’importer 4 réacteurs AP1000 de Westinghouse. Il s’agissait du projet importé par la Chine dans le domaine de l’énergie le plus important, bouleversant ainsi l’échiquier du secteur électronucléaire chinois et suscitant la polémique sur le type des réacteurs à privilégier par la Chine. Dans l’ère post-Fukushima, l’AP1000, l’EPR et le Hualong 1 sont considérés comme principaux réacteurs à développer en Chine. Puisque les AP1000 en construction ont accusé des retards, l’autorisation attendue de nouveaux projets équipés de ce type de réacteur se trouve dans une impasse, retardant également l’autorisation du projet CAP1400, dérivé de l’AP1000.

Malgré les difficultés, le compte à rebours a commencé pour la mise en service des AP1000 en construction en Chine. La SNPTC a fait savoir que le transfert des technologies conformément aux 6 contrats signés ont déjà été accomplis à 93 %, et que quasiment tous les équipements qui devaient être fournis par la partie américaine avaient été livrés sur le site.

En ce moment critique, la réalisation de la tête de série des AP1000 est un enjeu global et Westinghouse fait de son mieux pour réussir ce projet. Les projets AP1000 sont importants en Chine en termes de sûreté et de performance opérationnelle du nucléaire. Il est dans l’intérêt de la Chine de faire face efficacement à tous les risques et de les éviter.

Le futur acquéreur de Westinghouse serait décidé par l’Administration américaine

La mise sous la protection de la loi sur les faillites est une action qui permet à l’entreprise Westinghouse de se sortir de cette situation par elle-même, alors que Toshiba souhaite survivre en ayant recours à l’amputation de sa filiale Westinghouse.

Dans ce contexte, quelle sera la situation pour Westinghouse après sa restructuration ? Qui reprendra Westinghouse à la place de Toshiba ?

En premier lieu, bien que la mise en faillite de Westinghouse s’inscrive dans une démarche industrielle, la technologie d’AP1000, les activités de Westinghouse dans le domaine du combustible, de la fabrication de composants nucléaires, de la maintenance de centrales nucléaires et du démantèlement font partie du patrimoine américain. En 2012, l’autorisation de construction des 4 réacteurs AP1000 aux Etats-Unis a été donnée pour permettre notamment à Westinghouse de maintenir ses compétences professionnelles. Aujourd’hui, il ne faudrait pas dilapider cette fortune accumulée depuis de longues années à cause des 2 projets de centrales nucléaires aux Etats-Unis. D’ailleurs, les Etats-Unis essaient de développer des SMR et de nouveaux réacteurs avancés pour se permettre de reprendre la place du leader mondial du nucléaire civil.

En second lieu, l’Administration américaine devrait tenter de conserver ses droits de décision sur le marché international du nucléaire. Les réacteurs de génération III (AP1000, EPR ESBWR, ABWR, APWR, ARP1400, Hualong 1 et CAP1400) se concurrencent de manière acharnée, notamment pour répondre aux besoins des pays émergeants. Aujourd’hui, la Russie est le premier exportateur mondial de centrales nucléaires avec 34 réacteurs commandés par 11 pays.

Le nucléaire est un secteur stratégique, les Etats-Unis ne renonceraient pas facilement à leur participation à la concurrence sur le marché atomique. A cet égard, les considérations de l’Administration américaine sur la stratégie nationale du nucléaire pourraient exercer une influence directe, ou même décider le futur acquéreur de Westinghouse. Que le futur acquéreur soit concurrent ou partenaire de Westinghouse, cette dernière restera indépendante et maîtresse de la technologie AP1000 qu’elle détient.

Cet article est un résumé d’articles parus dans la presse. Il n’engage en aucun cas ni la responsabilité de l’Ambassade de France en Chine, ni celle de son Service nucléaire.

Le chantier de la centrale de Sanmen, où CNNC construit deux réacteurs AP1000. Crédit : DR


Par la rédaction et l’Ambassade de France en Chine

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