Climat : pour combler son retard, l’Allemagne prend de nouvelles mesures

Grâce à une production d’électricité décarbonée, la France est le bon élève de l’Union européenne en matière de diminution des émissions de CO2. Selon l’Agence européenne pour l’environnement, en 2020, la France aura même dépassé ses objectifs.
A contrario, l’Allemagne, plombée par le retour du charbon dans son électricité, est en retard. Pour rectifier le tir, le gouvernement d’Angela Merkel a adopté la semaine dernière une série de mesures visant à atteindre l’objectif de réduction de 40 % des émissions de CO2 d’ici à 2020.
L’efficacité énergétique, second pilier de l’Energiewende
Le nouveau plan du gouvernement allemand place l’efficacité énergétique comme second pilier de la transition énergétique après le développement des énergies renouvelables. Un « Plan national d’action pour l’efficacité énergétique », qui fixe les objectifs en la matière et définit la responsabilité des différents acteurs, a été mis en place.
Au total, 3 milliards d’euros sont et seront alloués au renforcement des mesures d’efficacité énergétique. La nouveauté réside dans le déblocage d’un milliard d’euros pour accélérer la rénovation énergétique des bâtiments. Les deux autres milliards proviennent de l’institut de crédit public KfW qui soutient déjà la rénovation énergétique des bâtiments.
Le paradoxe de la transition énergétique allemande
La transition énergétique allemande est actuellement confrontée à un paradoxe : la hausse des émissions de CO2 malgré le développement massif des énergies renouvelables. A l’origine de ces mauvais résultats, la hausse de la production d’énergie à base de charbon et le ralentissement des efforts en matière d’efficacité énergétique. Il en résulte que l’augmentation de la production renouvelable n’arrivera pas d’ici 2022 à compenser la production d’électricité décarbonée issue du nucléaire.
Selon la ministre de l´environnement Barbara Hendricks, sans mesures complémentaires, l’objectif de réduction des émissions de CO2 de 40 % en 2020 serait manqué de 5 à 8 %. Le gouvernement a donc décidé de réagir. Pour atteindre l’objectif, tous les secteurs seront mis à contribution : de l’efficacité énergétique à la construction de nouveaux bâtiments en passant par la réduction des émissions de CO2 dans les secteurs non liés à l’énergie (industrie, artisanat, commerce, service, agriculture, transport).
Des mesures supplémentaires seront également prises dans le secteur de l’électricité. Sigmar Gabriel, numéro 2 du gouvernement, – qui a récemment déclaré qu’ « on ne peut pas sortir en même temps du nucléaire et du charbon » – entend présenter un projet de loi en 2015 visant à contraindre les centrales, notamment au charbon, à diminuer leurs émissions de CO2 d’ici 2020.
La future architecture du marché de l’électricité toujours indécise
Le marché de l’électricité traverse aujourd’hui une crise profonde : l´afflux des énergies renouvelables rémunérées par des tarifs d´achat garantis (donc décorrélés du prix du marché) et prioritaires sur le réseau, et la surcapacité actuelle des centrales fossiles (essentiellement gaz) a conduit à la baisse des prix sur le marché de gros.
Dans ce contexte, les centrales thermiques sont moins sollicitées, perdent de leur rentabilité et sont mises sous cocon. La fermeture de ces centrales fait peser sur l’Europe des risques importants de black-out. Pourtant, comble du paradoxe, celles-ci sont, comme le nucléaire, indispensables pour palier l’intermittence des renouvelables et garantir la sécurité énergétique des Etats de l’Union européenne.
De graves difficultés apparaissent donc pour les producteurs traditionnels d’électricité. En Allemagne, les quatre grands électriciens ont vu leur capitalisation boursière s’effondrer depuis 2010 :
RWE a perdu 2,8 milliards d’euros en 2013, premier exercice négatif pour le groupe depuis soixante ans. Principale raison des pertes : la dépréciation des centrales thermiques.
E. ON a annoncé fin novembre une cession géante, 4,5 milliards d’euros de nouvelles dépréciations au quatrième trimestre 2014, en plus des 700 millions déjà enregistrés entre janvier et septembre et une réorientation stratégique qui le verra tourner le dos à ses activités de production conventionnelle d’électricité au profit des énergies renouvelables, du négoce d’énergie et des solutions clients.
Vattenfall a annoncé réfléchir à mettre en vente ses centrales au lignite d’Allemagne orientale.
Tout en affirmant que les centrales conventionnelles sont indispensables pour le moment à la sécurité d’approvisionnement de l’Allemagne, le gouvernement tergiverse sur les mesures concrètes d’un mécanisme assurant le maintien des capacités conventionnelles nécessaires sur le marché. Le Ministère de l’Energie a publié en octobre un « livre vert » qui définit la future architecture du marché de l’électricité. Cependant aucune application concrète de ces mesures n’est prévue avant 2016-2017.