Cigéo, sortez les calculettes - Sfen

Cigéo, sortez les calculettes

Publié le 18 janvier 2016 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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On connaît désormais l’enveloppe qui sera allouée au projet de centre de stockage des déchets hautement radioactifs. L’ensemble des différentes phases du projet Cigéo, de la construction à l’exploitation sur plus d’un siècle, au démantèlement, en passant par le « retour au vert » du site, est évalué à 25 milliards d’euros, soit 300 millions d’euros chaque année. Un montant astronomique ? Pas certain. En tout cas, pas lorsqu’on le compare aux 15 milliards d’euros que coûte chaque année la gestion des ordures ménagères. 

25 milliards d’euros jusqu’en 2144

Après avoir examiné les propositions de l’Andra, de l’ASN et des trois opérateurs (EDF, AREVA et le CEA), le Ministère de l’Energie estime que Cigéo devra coûter 25 milliards d’euros. Il s’agit de la valeur médiane entre le devis de l’Andra (30 milliards) et celui des financeurs du projet, les exploitants des installations nucléaires (20 milliards).

Dans une note de synthèse, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs souligne que cumulées sur une centaine d’années, les différentes visions « peuvent conduire à des différentiels de l’ordre de 30 % à la fin de la phase d’esquisse soit un écart entre un chiffrage d’environ 20 mds€ et un autre, d’environ 30 mds€ ». 

Ces différences sont essentiellement techniques. Par exemple, les opérateurs proposent des alvéoles de l’ordre de 100 m² permettant un empilement des colis de déchets de moyenne activité à vie longue (MAVL) sur 3 niveaux au lieu de 2 aujourd’hui. « Ce choix génèrerait un gain de 17 alvéoles, soit un tiers du nombre total » précise un document de la Commission nationale d’évaluation (CNE). De son côté, l’Andra retient une approche plus prudente (65 m² au départ, quitte à passer ensuite à des alvéoles de plus grande section) et attend que l’ASN valide cette approche avant de l’intégrer dans ses projections. Pour la CNE, « l’enjeu financier est important ».

Reste que l’ensemble des acteurs sont mobilisés pour la réussite du projet. « Les points de vue se sont déjà fortement rapprochés au fil des réunions du groupe de travail « Coûts » mis en place par la DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat) » indique la CNE. Autre signe de ce travail d’équipe, la récente visite de Jean-Bernard Levy, p-dg d’EDF, au Laboratoire souterrain de Bure. Ensemble, avec Pierre-Marie Abadie son homologue de l’Andra, ils rappelaient leur « attachement à renforcer dès 2016 leur coopération afin d’optimiser la conception de ce projet d’envergure ».

Une question de perspective 

En 2005, le coût complet du stockage profond avait été estimé entre 13,5 et 16,5 milliards d’euros sur la base d’un inventaire de déchets correspondant à l’ensemble de la production du parc électronucléaire sur 40 ans. « La nouvelle évaluation des coûts reste cohérente avec la précédente estimation compte-tenu des nouvelles hypothèses prises en compte (durée d’exploitation des réacteurs de 50 ans, évolution du coût des matières premières, études plus approfondies) » explique l’Agence. Cet allongement de la durée d’exploitation des réacteurs entraîne une hausse de la production des déchets à gérer. Une hausse à mettre en perspective : ces déchets représentent toujours un très faible volume au regard des bénéfices que la société française tire de la production d’électronucléaire, à savoir une énergie compétitive et bas-carbone.

Ces 25 milliards de dépenses sont à répartir sur 140 ans d’exploitation, « soit une moyenne de 300 millions d’euros par an. A titre de comparaison, le budget de R&D de Cigéo est de l’ordre de 100 millions d’euros par an » rappelle l’Andra. Toutes choses égales par ailleurs, la gestion des déchets ménagers coûte chaque année aux contribuables 15 milliards d’euros… 

 

Le financement du projet est assuré

Suite à la détermination du coût global du projet, les exploitants – qui consacrent des actifs à la gestion des déchets (actifs sanctuarisés en cas de faillite de l’entreprise) – ont réévalué leurs provisions, de l’ordre de « 800 millions d’euros » pour EDF. De son côté, AREVA a indiqué que le nouveau devis de Cigéo se traduira dans ses comptes 2015 par « un complément de provision de l’ordre de 250 millions d’euros ». Chaque année, la provision des exploitants est augmentée et actualisée en fonction de l’avancée des technologies et des réglementations.

Pour la Cour des comptes, l’impact de Cigéo sur le coût de production nucléaire est infime, et s’établira entre 1 et 2 % du coût de production électronucléaire. Indolore pour le consommateur : le coût de production représente un tiers de la facture d’électricité, composée pour le reste de taxes et de coûts réseau. 

 

Et à l’étranger ?

Les comparaisons à l’international sont difficiles, car le coût des projets est lié à la géologie et aux déchets stockés. Ainsi, la Finlande va stocker des combustibles usés dans du granite et non de l’argile comme en France. D’autres paramètres ont un impact sur le coût : l’ampleur du programme nucléaire du pays concerné (la France est le premier pays au monde en nombre de réacteurs nucléaires par habitant), la nécessité ou non de prévoir une récupérabilité dans la conception du stockage (concept de réversibilité français), etc.

Malgré toutes ces différences, la plupart des estimations concluent que le coût d’un stockage géologique ne représente que quelques pourcents du coût de production électrique.

 

Chiffrer Cigéo : un exercice d’évaluation inédit

Evaluer le coût d’un tel projet est un exercice inédit qui n’est appliqué à aucune autre industrie. Qu’il s’agisse d’une centrale à charbon, d’une usine chimique ou d’une ligne TGV, la grande majorité des constructeurs doit seulement estimer le coût de l’investissement initial. Jamais, dans ces trois exemples, l’exploitant ne doit faire une estimation qui inclue l’exploitation de l’installation, son démantèlement et encore moins la remise en état de l’environnement.

A contrario, le devis de Cigéo doit calculer des dépenses qui s’échelonneront sur plus de 100 ans. Un tel exercice est « délicat » pour l’Andra, puisqu’il faut composer avec des hypothèses qui pour certaines sont extérieures au secteur nucléaire comme la fiscalité, le coût du travail, le coût des matières premières… Par ailleurs, un certain nombre de données ne seront connues qu’au fur et à mesure, comme la durée d’exploitation des centrales nucléaires. En fonction de ces différentes informations et des optimisations possibles, le coût de Cigéo connaîtra encore plusieurs réévaluations.

 

Des innovations sont attendues

Contrairement à une idée reçue, l’Andra précise que « le projet Cigéo est progressif et incrémental ». Dit autrement, il n’est pas figé dans le temps et des innovations sont attendues qui permettront d’améliorer le projet et sa compétitivité au fil du temps.

D’ores et déjà, l’Agence a identifié plusieurs leviers d’actions pour optimiser le coût de l’architecture souterraine : optimiser le linéaire de galeries, les cadences de creusement, la longueur des alvéoles, etc.

Crédit photo : DR

Publié par Boris Le Ngoc (SFEN)

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