Quand le charbon revient en Europe - Sfen

Quand le charbon revient en Europe

Publié le 13 janvier 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021

Dans sa 15e édition de l’étude annuelle, l’Observatoire Européen des Marchés de l’Energie, Capgemini s’inquiète des tensions sur les marchés de l’électricité et du gaz en Europe. 

La concomitance de trois facteurs est à l’origine de cette situation : la crise économique, l’application du paquet Energie-Climat avec l’essor rapide des énergies renouvelables (ENR) et le fort développement des gaz non-conventionnels aux Etats-Unis. La conjonction de ces facteurs, impactent le fonctionnement des centrales à gaz, des installations pourtant vitales pour la sécurité d’approvisionnement en électricité de l’Europe, et ce notamment lors des périodes de grand froid quand la consommation d’électricité est la plus importante. 

Pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce nouveau contexte, nous avons rencontré Colette Lewiner, fondatrice de WIN (Women In Nuclear) et experte du secteur de l’Energie et des Utilities chez Capgemini. 

 

L’origine des tensions

Les tensions sur les marchés de l’électricité et du gaz sont le fruit de plusieurs éléments. Tout d’abord, le contexte économique. Dans l’actuelle situation de crise, l’activité des acteurs économiques a ralenti et la consommation électrique et gazière a baissé. Capgemini estime ainsi qu’au premier semestre 2013 la consommation électrique totale en Europe a chuté de 1,2 % par rapport la même période de l’année précédente. Elle n’a d’ailleurs toujours pas retrouvé son niveau de 2008.

Selon Capgemini, le deuxième facteur contribuant au déséquilibre des marchés est lié au paquet Energie-Climat adopté par l’Union Européenne en 2008. Ce paquet législatif, a introduit dans un marché qui avait été dérégulé une re-régulation en imposant 20 % d’ENR dans la consommation finale d’énergie en 2020. En effet, alors que les coûts d’investissements élevés des ENR sont subventionnés, leurs coûts d’exploitation sont faibles ce qui leur donne priorité dans l’ordre d’appel (« merit order ») des capacités de production d’électricité. Cela a conduit à une situation très perturbée des marchés d’échanges en gros de l’électricité avec une forte baisse des prix (on assiste même à des prix négatifs !). A l’inverse sur les marchés de détail,  les prix des l’électricité pour les consommateurs ont augmenté car ce sont ces consommateurs qui payent les subventions consenties aux ENR. De plus  les centrales au gaz, dont les coûts d’exploitation sont plus élevés que ceux des ENR, sont de moins en moins sollicitées et elles ferment massivement mettant en péril la sécurité d’approvisionnement.

 

Quelles solutions pour favoriser le développement des énergies décarbonées en Europe?

Selon les estimations de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), avec une croissance annuelle de 2,3 % jusqu’en 2018 le charbon deviendrait d’ici deux ou trois ans la première énergie consommée dans le monde, une mauvaise nouvelle pour l’environnement. Pour ralentir cette expansion, plusieurs solutions existent qui permettraient d’effacer les déséquilibres et les tensions auxquels font face les différents marchés de l’énergie :

  • Faire remonter le prix des certificats d’émission de CO2 en introduisant soit une régulation du système européen d’échanges des quotas d’émission adaptée aux conditions de marché soit un prix plancher pour la tonne de carbone comme cela existe au Royaume-Uni (16 £/t).
  • Prolonger la durée d’exploitation des réacteurs nucléaires actuels avec,  bien sûr, l’accord des Autorités de sûreté. En effet l’énergie nucléaire n’émet pas de CO2, les réacteurs sont programmables (contrairement aux énergies renouvelables) et contribuent ainsi à l’équilibre du réseau et le coût de l’énergie nucléaire est compétitif.
  • Introduire des signaux de prix de long terme pour inciter à des investissements dans des énergies décarbonées. Ainsi, Colette Lewiner du cabinet Capgemini, nous invite à regarder de plus près la politique énergétique britannique où le Gouvernement vient de garantir un prix sur 35 ans, un « strike price », afin de favoriser le développement d’énergies décarbonées comme l’énergie nucléaire répondant ainsi à l’effet final recherché, celui de réduire les émissions de CO2.

     

Publié par Boris Le Ngoc (SFEN)