Canicule 2020, quel impact sur les centrales nucléaires françaises et les autres énergies ?
Si certains sont encore sceptiques sur le réchauffement climatique, ce n’est pas le cas pour l’ensemble des experts du climat. L’été 2020 n’est qu’une redite des années précédentes avec des épisodes caniculaires en juillet et en août, relevés par Météo France. Les fortes températures sur des durées de plusieurs jours ne sont pas sans conséquence sur la production électrique, alors que la consommation peut être légèrement en hausse (climatiseurs etc), bien qu’elle reste en deçà de celle observée en hiver. Mais est-ce un problème pour les centrales nucléaires en France… et dans le monde ? Peut-on observer un impact sur les autres énergies ?
Centrales nucléaires, épisodes caniculaires peu impactants
A mi-août, le réacteur 2 de 1300 MW de la centrale nucléaire de Golfech a été arrêté momentanément le 31 juillet pendant plusieurs jours, en raison de l’évolution de la température des eaux de la Garonne qui affichait alors 27,5°. Cette température, proche du seuil d’autorisation d’exploitation de la centrale qui est de 28 °C, impose alors l’arrêt de production. A noter que le réacteur de cette centrale est refroidi via des tours réfrigérantes et a un rejet très faible, de l’ordre de quelques dixièmes de degrés ; mais suffisamment important pour renforcer l’impact sur l’environnement, déjà touché par la vague de chaleur qui sévit dans la région. D’autres réacteurs ont vu leur production baisser, tels qu’à Cattenom dépendant de la Moselle. Mais au regard de la production électrique annuelle, ces épisodes ont un impact faible. En France, sur les dix dernières années, alors que notre pays a connu plusieurs épisodes caniculaires, en 2003, 2006, 2018 et 2019, l’impact sur la production électrique des centrales n’est que de 0,3 % par an.
Un peu de pédagogie
Si une centrale nucléaire a besoin d’eau pour fonctionner, la température de l’eau peut être chaude. Dans le monde, des centrales nucléaires ont été dimensionnées pour fonctionner au sein de climats arides et chauds. C’est le cas des Emirats arabes unis qui ont mis en service le 31 juillet dernier, le premier réacteur de la centrale de Barakah, dans le nord-ouest du pays. À terme, cette centrale comptera 4 réacteurs et aura la capacité de produire 5 600 MW d’électricité bas carbone, soit environ 25 % des besoins en énergie du pays. Autre exemple de centrale nucléaire « atypique », celle de Palo Verde, implantée dans le désert de l’Arizona aux Etats-Unis qui opère sans avoir à proximité la mer, un lac, un fleuve, mais refroidit le combustible grâce aux eaux usées de la ville voisine, Phoenix. Les centrales chinoises utilisent aussi de l’eau de mer pour leur refroidissement à une température plus élevée que celles rencontrées en Europe, et ce, toute l’année. La température de l’eau extérieure pour refroidir le réacteur n’a pas de conséquence sur le plan de la sûreté si la centrale a été dimensionnée en intégrant ces contraintes environnementales et climatiques dès sa conception. Si en France un arrêté est publié pour l’arrêt de tel ou tel réacteur, c’est pour éviter un impact sur la flore et la faune aquatiques locales, du fait que l’eau qui ressort de la centrale, est plus chaude en aval qu’en amont, ou parce que le débit de la rivière par exemple devient insuffisant.
Des mesures prises dans les centrales nucléaires françaises
Aujourd’hui et dans les années qui viennent, tous (experts reconnus par la communauté scientifique) s’accordent pour annoncer des épisodes caniculaires plus longs, plus forts encore. En France, EDF étudie déjà ces scénarios vraisemblables en adaptant le fonctionnement des centrales, et ce, depuis le premier épisode de 2003. Dans ce cadre, par exemple, des équipements ont été remplacés par de nouveaux matériels ayant une meilleure tenue à des températures élevées. Les performances des échangeurs thermiques refroidissant l’eau des systèmes de sûreté à l’aide de l’eau de la source froide ont été augmentées, des climatiseurs autonomes ont été installés, des batteries froides ont été ajoutées sur certains systèmes de ventilation, etc. Enfin, comme souligné par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans un communiqué du 31 juillet 2020, « en complément de [toutes] ces dispositions techniques, des règles particulières de conduite des réacteurs sont prévues par EDF en cas de « grands chauds » sur tous les sites pour prévenir, détecter et maîtriser les conséquences de températures élevées de l’air et de l’eau sur le fonctionnement des installations. Ces règles de conduite prévoient la mise en place graduelle de mesures préventives en fonction du risque avéré ou anticipé d’une situation de « grands chauds ».
A noter enfin, pour information, et pour contrer toute ambiguïté ou fausse information, sur la quantité d’eau prélevée par une centrale nucléaire dans l’environnement, 99 % de cette eau est restituée, soit en totalité pour celle qui est en circuit ouvert, soit pour 1/3, sous forme de vapeur d’eau, par les tours réfrigérantes et pour 2/3 sous forme liquide dans la rivière ou la mer.
Fortes chaleurs, un impact sur l’ensemble des énergies
Lors de vagues de canicule, toutes les énergies sont conduites à réduire leur production ou à voir leur production plus ou moins perturbée. C’est vrai en particulier pour l’hydro, dépendant des périodes de grande sécheresse, et comme indiqué, par exemple sur Electricity Map ce 18 août 2020, l’hydro ne produit 8 % de l’électricité en France. L’éolien peut aussi être impacté ; une période caniculaire ou de grande chaleur est souvent liée à la présence d’un anticyclone et donc marquée par une absence de vent. C’est le cas ce 18 août où l’éolien ne représente que 3,6 % de la production électrique en France (et 11 % de sa capacité installée) ; le solaire affiche une production de 11 % (50 % de capacité installée). A noter, bien que les panneaux photovoltaïques profitent de l’ensoleillement, ils peuvent aussi souffrir de la chaleur. Au-dessus de 25°C – température idéale de fonctionnement -, leur rendement faiblit (jusqu’à -25 %). Ces énergies bas carbone et intermittentes peuvent s’appuyer alors, en France, sur le nucléaire, énergie bas carbone mais non variable, qui fournit, à la même date, 64 % des besoins électriques. Au niveau européen, ce 18 août, la France ressort encore comme l’un des grands pays bas carbone ne produisant que 69 gCO₂eq/kWh… grâce au nucléaire en grande partie, contre son voisin l’Allemagne avec 327 gCO₂eq/kWh. Le concernant, la répartition de production électrique est la suivante en ce 18 août 2020 : 11 % de nucléaire (dont les derniers réacteurs doivent fermer d’ici 2022), 27 % de solaire, 26 % de charbon (dont les dernières centrales devraient fermer d’ici 2038), 11 % de gaz (avec la décision d’augmenter cette énergie dans les années à venir pour palier la fermeture des centrales nucléaires…), et seulement 7 % d’éolien utilisant seulement 7 % de sa capacité installée, du fait d’un vent très faible, voire absent sur une grande partie du territoire.
Et info de dernière minute, alors que la météo est moins clémente sur l’ensemble du pays ce mercredi 19 août 2020 à 08h00, le solaire produit 1 % de l’électricité, compensée par 70 % de nucléaire. L’éolien est à 5 %. La France fait partie des rares pays dans le monde à être dans le « vert » toute l’année, avec seulement, encore aujourd’hui 69 gCO₂eq/kWh (Allemagne : 424 gCO₂eq/kWh).
La stratégie énergétique pro-climat voudrait que seules les énergies bas carbone soient solidaires dans un seul but, contribuer à réduire, via un mix, ce réchauffement climatique dont la cause est l’activité humaine et le recours aux énergies fossiles… Ces périodes caniculaires récurrentes n’étant qu’un exemple des effets de ce réchauffement.