Belgique : Doel 3 et Tihange 2 redémarrent
Ces derniers temps, l’industrie nucléaire belge a connu quelques déboires avec l’arrêt de deux de ses sept réacteurs (Doel 3 et Tihange 2) suite à la découverte de défauts dans la cuve. Le problème a été étudié pendant plusieurs mois par un large panel d’experts. Ces travaux ont permis à l’AFCN, l’autorité de sûreté nucléaire belge, de donner son accord au redémarrage des deux tranches. Détails de la situation avec Marielle Rogie, Directrice du Forum nucléaire belge.
Quelle est la situation du nucléaire en Belgique ?
Marielle Rogie – Aujourd’hui, tous les réacteurs du pays tournent et fournissent de l’électricité. Les centrales nucléaires en Belgique représentent environ 50 % de l’électricité. Le mix est ensuite composé d’environ 10-15 % de renouvelables et d’environ 35-40 % de gaz.
Pourquoi Doel 3 et Tihange 2 ont-ils été arrêtés ?
MR – C’est à l’occasion de la révision décennale de Doel 3 que des défauts ont été détectés dans la cuve. Une inspection similaire a ensuite été réalisée sur la cuve de Tihange 2 dans laquelle les mêmes indications ont été décelées. Electrabel (filiale d’Engie) a fait des analyses approfondies pendant plusieurs mois pour étudier le phénomène et mesurer son éventuel impact sur les cuves des deux réacteurs. Durant toute cette période, les tranches ont cessé de produire de l’électricité.
L’exploitant a conclu que ces défauts provenaient de minuscules bulles d’hydrogène qui étaient restées lors du forgeage. Ce phénomène, qui n’est pas propre à l’industrie nucléaire, est un phénomène bien connu de la métallurgie. Lors du forgeage des cuves de Doel 3 et Tihange 2, c’est donc une partie de l’hydrogène qui est restée piégée dans l’acier. Contrairement à ce qui a pu être dit, il ne s’agit donc pas de fissures !
Quelles ont été les conclusions du rapport ?
MR – Pendant plus d’un an, Electrabel a mené des études. Ce travail colossal a réuni les meilleurs experts belges et internationaux et a permis de produire un rapport de sûreté. Quatre points ressortent de ce rapport.
D’abord, le rapport démontre qu’il s’agit de défauts dus à l’hydrogène apparus lors de la phase de forgeage des cuves.
Deuxièmement, ces défauts ne sont pas « évolutifs ». Ils existent depuis la construction des tranches et n’évolueront pas dans le futur. C’est l’amélioration des techniques d’analyse qui a permis de les détecter.
Troisièmement, ces défauts sont « quasi laminaires », c’est-à-dire qu’ils sont orientés parallèlement à la paroi interne de la cuve. Ils sont donc très peu soumis aux contraintes mécaniques qui se déroulent à l’intérieur de la cuve.
Dernier point, la présence de défauts dus à l’hydrogène n’impacte pas l’évolution de la ténacité de l’acier qui les entoure et l’intégrité structurelle des cuves est garantie en toutes circonstances.
L’exploitant a-t-il travaillé avec des partenaires étrangers ?
MR – Electrabel s’est appuyé sur l’expertise de nombreux acteurs du secteur : Laborelec et le bureau d’études Tractebel, tous deux filiales d’Engie. Et surtout, l’exploitant a collaboré avec différents acteurs et institutions reconnus en Belgique et à l’étranger : le SCK-CEN (Centre d’étude de l’énergie nucléaire belge), AREVA, CEA, des universités et d’autres acteurs américains et japonais.
Plus de 1 500 essais sur les matériaux ont été faits. L’ampleur de ces essais et de ces études est sans commune mesure avec ce qui a été fait ailleurs dans le monde. Sur les plans technique et scientifique, il s’agit d’un travail immense !
Le 17 novembre 2015, l’Agence fédérale de sûreté nucléaire, l’AFCN, a autorisé le redémarrage des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2 sur la base des rapports de sûreté d’Electrabel.
En Allemagne et aux Pays-Bas, certains dénoncent le redémarrage de Doel 3 et Tihange 2. Que leur répondez-vous ?
MR – Soyons clairs. Après avoir consulté des experts internationalement renommés, l’AFCN a estimé qu’Electrabel avait démontré de manière convaincante la sûreté de ses installations.
Ces remarques sont étonnantes d’autant qu’elles proviennent de pays où les centrales nucléaires fonctionneront jusqu’en 2034 pour les Pays-Bas – où la centrale de Borssele a reçu une autorisation d’exploitation supplémentaire de 20 ans – et jusque 2022 pour l’Allemagne…
Les médias parlent toujours beaucoup de nucléaire car c’est un sujet clivant… Notre rôle en tant Forum est de prendre part à ce débat. Mais, rappelons aussi que les événements intervenus lors des redémarrages sont survenus dans les parties non nucléaires. A aucun moment, la sûreté n’a été mise en cause !
Quelle est la politique de la Belgique en matière d’exploitation des réacteurs au-delà de 40 ans ?
MR – Fin 2015, le gouvernement a autorisé les réacteurs de Doel 1 et 2 à fonctionner 10 ans de plus. Le gouvernement précédent avait quant à lui délivré à Tihange 1 une autorisation d’exploitation de 10 ans supplémentaires.
Depuis 2003, la loi prévoit la sortie du nucléaire en 2025. Seulement, aucun gouvernement n’a dit par quels moyens il comptait compenser cette diminution de la production électrique…
Nous pensons que la Belgique doit s’inspirer du Royaume-Uni où la complémentarité nucléaire-renouvelables est devenue la base de leur stratégie énergétique. Ce pays a fixé sur le long terme une véritable vision offrant une énergie décarbonée à des prix abordables et stables, ainsi que des milliers d’emplois locaux.
Crédit photo : Electrabel