Allemagne : stress–tests pour les provisions démantèlement
L’arrêt du nucléaire en Allemagne – prévu pour 2022 avec la fermeture de la dernière centrale – pose la question du financement alloué au démantèlement des installations et à la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.
Les exploitants allemands ont déjà constitué des provisions à hauteur de 36 milliards d’euros. Pourtant, selon un rapport remis au Ministère de l’Economie et de l’Energie, le financement des dépenses futures serait en danger, notamment en cas de faillite d’un exploitant nucléaire.
Le ministre chargé du dossier, Sigmar Gabriel, compte entamer des pourparlers avec les quatre électriciens les plus importants, les « big four », sur leur capacité à financer ces projets dans la durée.
Une somme suffisante ?
Le débat autour du financement des activités « aval » du cycle nucléaire n’est pas nouveau.
En 2013 déjà, l’accord politique de la coalition CDU/CSU (Parti démocrate-chrétien allemand/ Parti social-chrétien en Bavière) et SPD (Parti social-démocrate allemand) prévoyait que des discussions soient menées sur l’application des obligations légales des exploitants nucléaires pour s’assurer de la disponibilité de leurs provisions.
Selon la réglementation en vigueur, les exploitants sont obligés de constituer des provisions pour les dépenses futures liées à l’activité électronucléaire concernant le démantèlement de leurs 23 réacteurs, la gestion des combustibles usés et des déchets y compris leur stockage.
A priori, la somme totale des provisions – y compris les acomptes déjà payés de 38,7 Md€2013 – devrait suffire à couvrir les besoins pour ces 23 réacteurs.
Mais quelques incertitudes
Un rapport du cabinet d’avocats Becker Buettner Held, mandaté par le Ministère de l’Economie et de l’Energie, a examiné le système de provision. Il en résulte que la disponibilité des provisions (qui doivent être dépensées sur une longue, voire très longue période) ne serait pas assurée. Le cabinet émet également des doutes sur le coût réel du démantèlement d’une centrale nucléaire ou des futurs sites d’enfouissement de déchets (aucun site n’est encore en service).
Le financement des dépenses de fin de cycle serait également handicapé en cas de faillite d’un exploitant nucléaire. Dans ce cas, les contribuables allemands pourraient devoir payer des milliards d’euros. Actuellement les énergéticiens allemands voient leur santé financière se dégrader : crise du marché électrique, fermeture et mise sous cocon de certaines unités, concurrence des énergies renouvelables… les marges fondent comme neige au soleil.
Vers un fonds scindé en deux
Le cabinet Becker Buettner Held suggère la création de deux fonds distincts.
Le premier concernerait les obligations à court terme comme le démantèlement. Ce fonds, approvisionné par les grands électriciens, serait séparé du bilan des entreprises et géré par eux selon des critères stricts (comparables au fonds de garantie des dépôts des établissements bancaires).
Le second serait dédié au stockage des déchets radioactifs. Sous le contrôle du gouvernement, ce fonds serait alimenté progressivement par les contributions des exploitants. En 2014, les exploitants avaient proposé une idée similaire : transférer à une fondation contrôlée par l’Etat leurs réacteurs nucléaires, ainsi que les provisions qu’ils ont constituées jusqu’ici. En cas d’insuffisance de ces provisions, l’Etat devrait alors compléter. Jusqu’ici cette idée n’a rencontré que peu d’échos.
Les « stress-tests »
Le ministre Sigmar Gabriel veut maintenant organiser un « stress-test » pour évaluer la capacité financière des exploitants à faire face au démantèlement des installations et à la gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs. Le rapport du cabinet servira de base pour les discussions entre le gouvernement et les big four et à l’éventuelle création de ces deux fonds.