L’Allemagne revoit son dispositif d’aide aux renouvelables - Sfen

L’Allemagne revoit son dispositif d’aide aux renouvelables

Publié le 14 juillet 2014 - Mis à jour le 28 septembre 2021

La voie est libre, la réforme de la loi sur les énergies renouvelables (EEG) entrera en vigueur dans quelques semaines, le 1er août 2014. Après six mois de bataille politique, le ministre de l’Economie et de l’Energie Sigmar Gabriel a pu imposer sa réforme de la loi sur les énergies renouvelables. Rarement une loi aura donné lieu à autant d’affrontements entre les différents groupes d´intérêt mais aussi avec les Länder et Bruxelles.

Jusqu’à la dernière minute des modifications ont été apportées au texte. La nouvelle loi réduit de manière substantielle les subventions accordées aux énergies renouvelables – mais n’intègre pas de rétroactivité -, et prévoit que, graduellement, le courant produit se soumette aux mécanismes du marché. Le détail des grands axes de la réforme.  

Une réforme pour freiner la hausse des prix de l’électricité

Avec la loi sur les renouvelables de 2000, l’Allemagne a instauré un régime généreux de subventions des énergies vertes. Un mécanisme qui a porté ses fruits – 25% de l’électricité consommée dans le pays en 2013 étaient issus des renouvelables – mais qui coûte de plus en plus cher. Les subventions prévisionnelles pour 2014 vont dépasser les 23 milliards d’euros. Une reforme était donc nécessaire, afin de ralentir la hausse des coûts des dernières années, supprimer des subventions considérées comme étant trop élevées, éliminer des bonus et réduire graduellement les tarifs d´achat. Actuellement les tarifs d´achat garantis aux renouvelables, toutes filières confondues, s´élèvent à 170€/MWh. Pour les nouvelles installations à partir de 2015 il est prévu de réduire les tarifs à 120€/MWh en moyenne soit une baisse d´environ 30%. Ce but doit être atteint par l’accent mis sur le développement des technologies de renouvelables plus économes, notamment l´éolien et le photovoltaïque.

Compte tenu du maintien des droits acquis pour les installations existantes et du coût déjà très élevé de la surcharge des renouvelables, la hausse des prix pourra être freinée sans que le montant des subventions, lui, ne diminue : pour les installations existantes les subventions cumulées devraient d’ici 2022 dépasser les 300 milliards d’euros. L’estimation de l’évolution de la surcharge et du montant total de subventions reste toutefois incertaine. Le rôle du prix de l’électricité sur le marché au gros est considérable : en cas de baisse, le delta et la surcharge augmentent. Actuellement le financement du développement des renouvelables est majoritairement assuré par les consommateurs privés et les petites entreprises. 

Partant du principe que « le tournant énergétique » (Energiewende) concerne la société allemande toute entière, la réforme prévoit une répartition plus équitable de la charge des subventions entre l’industrie et les ménages, notamment par une évolution du dispositif d´exonérations de la surcharge renouvelables des industries électro-intensives et une nouvelle réglementation pour l´autoconsommation.  

L’exonération des industries électro-intensives est limitée aux branches en butte à la concurrence internationale

Avant la réforme, le gouvernement, soucieux de ne pas mettre en danger la compétitivité des entreprises, avait exonéré de manière complète ou partielle 2 000 industries électro-intensives de la surcharge d’électricité issue des renouvelables. La réforme de l’EEG modifie ce dispositif pour le rendre compatible avec la réglementation européenne. Il est désormais limité aux branches en butte à la concurrence internationale afin que les prix allemands de l’électricité déjà plus élevés qu’à l’étranger ne viennent pas compromettre la compétitivité et donc les emplois dans les industries électro-intensives. 

Concrètement, pour le premier GWh consommé les entreprises paient intégralement la surcharge renouvelables (actuellement 6,24 cent/kWh) et pour leur consommation supplémentaire 15% de la surcharge renouvelables avec toutefois une limite à :

  • 0,5% de la valeur ajoutée brute de l’entreprise dans la mesure où les coûts d´électricité consommée dépassent les 20% de la valeur ajoutée brute
  • 4% de la valeur ajoutée brute de l’entreprise dans la mesure où les coûts d´électricité consommée sont inférieurs à 20% de la valeur ajoutée brute

Ce qui en définitive ne représente qu’une faible augmentation de leurs charges.  

L’électricité autoconommée est désormais soumise à la surcharge renouvelable 

L´autoconsommation était jusqu´à maintenant complètement exonérée de la surcharge renouvelable. Avec la réforme de la loi toute électricité autoconsommée sera soumise à la surcharge renouvelable, avec quelques exceptions, par exemple la consommation d´énergie propre au fonctionnement de la centrale. La nouvelle réglementation ne concerne pas les installations déjà en exploitation et les petites installations (puissance installée de maximum 10 KW, production annuelle maximale de 10 MWh autoconsommée).

Pour les nouvelles installations d’énergie renouvelable et de cogénération une surcharge réduite à 30% est prévue sur l´autoconsommation à partir du 1er août jusqu’au 31 décembre 2015, 35% du 1 janvier 2016 au 31 décembre 2016 et 40% à partir de 2017. Pour l´autoconsommation d´électricité produite par les nouvelles centrales conventionnelles la surcharge s´applique à 100%.   

Le développement des énergies renouvelables sera soumis à des objectifs précis

Le développement des énergies renouvelables sera mieux encadré et un corridor pour le développement des renouvelables sera fixé par le législateur. La loi fixe que d’ici à 2025 leur part dans la consommation passera de 40 à 45%, d’ici 2035 de 55 à 60%. Ce schéma directeur fiable devrait ainsi faciliter la synchronisation avec le développement du réseau. Pour chaque technologie des objectifs annuels concrets sont prévus :

  • photovoltaïque 2,5 GW/an
  • éolien terrestre : 2,5 GW/an
  • biomasse : 100 MW/an
  • éolien marin : 6,5 GW d´ici 2020 et 15 GW d´ici 2030

Concernant le photovoltaïque, l’éolien terrestre et la biomasse, le pilotage du développement est effectué par réduction progressive des tarifs d´achat garantis. Autrement dit, si le développement annuel dépasse les objectifs fixés ces tarifs seront abaissés pour les nouvelles installations au delà de la capacité fixée. Pour l’éolien marin les objectifs mentionnés ci-dessus sont fixes.    

Les nouvelles installations renouvelables vendront leur électricité directement sur le marché

Jusqu’à présent les exploitants de réseaux achètent le courant aux producteurs de renouvelables à des tarifs d´achat garantis sur 20 ans et le revendent au prix du marché. Ceci quels que soient le prix du marché. Le principe de priorité d´injection des renouvelables au réseau sera maintenu mais un objectif majeur de la nouvelle loi est de soumettre les énergies renouvelables graduellement aux mécanismes du marché, au niveau national et européen. 

Les exploitants des nouvelles installations devront vendre l´électricité produite directement sur le marché (commercialisation directe) :

  • A partir du 1er août 2014 : les nouvelles installations à partir de 500 KW
  • A partir du 1 août 2016 : les nouvelles installations à partir de 100 KW

Pour cela, une prime compensera l’écart par rapport au prix du marché. A compter de 2017, il est prévu de recourir à l´appel d´offre pour déterminer le niveau de la prime aux nouvelles installations. La construction d´un parc éolien ou d´une ferme solaire sera attribuée au moins disant. L´investisseur supportera les aléas des prix du marché.  

La réforme EEG dans le cadre européen

Le 9 juillet, après des mois d’âpres discussions, le gouvernement est parvenu à un accord avec le Commissaire à la concurrence, l’espagnol Joaquin Almunia, pour qui les exonérations faites aux industries électro-intensives relèvent de « l’aide illégale d’Etat« .

Selon cet accord les industries électro-intensives devront rembourser rétroactivement 30 millions d’euros pour 2013 et 2014. Cette décision concerne environ 350 des 2 000 entreprises jusque-là exemptées pour tout ou partie de la surcharge. Modeste si l’on considère que l’ancienne loi EEG avait concédé à ces industries un rabais d’environ 9 milliards d’euros pour ces deux années. Le gouvernement allemand applique la surcharge renouvelable au consommateur également pour l’importation d’électricité, y compris le « courant vert », en provenance d’autres pays européens.

Au début Bruxelles a qualifié cette taxe de barrière douanière incompatible avec le marché libre. Selon l’accord maintenant trouvé entre le Gouvernement et le Commissaire, l’électricité importée de l’Union européenne continuera à être soumise à la surcharge renouvelable. La Commission a critiqué également le fait que les énergies vertes venant de l’étranger ne bénéficient pas des tarifs d´achat garantis allemands. L´Allemagne a concédé que 5% des appels d’offres pour des nouvelles installations d´énergies renouvelables seront ouverts à l’étranger à compter de 2017.

L´Allemagne admet également les objections de la Commission contre le dispositif « Grünstromprivileg » qui permettait aux fournisseurs d´électricité dont le portefeuille d´électricité produite à base d’énergies renouvelables dépassait 50% du portefeuille global de bénéficier d´une réduction de 2 cent/kWh sur la surcharge renouvelable. Dans la réforme de la loi le Grünstromprivileg disparaît et l´Allemagne accepte de payer une pénalité de 50 millions d’euros affectés à un projet européen d’infrastructure.

Le Gouvernement est convaincu que les solutions négociées avec le Commissaire Almunia seront entérinées le 23 juillet par la Commission, permettant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi au 1er août comme prévu.  

La réforme : (seulement) une étape de l’Energiewende

La nouvelle loi sur les énergies renouvelables est une étape importante, mais seulement une étape. « En réalité, la réforme n’est que le début de tout ce que nous devons réaliser durant cette législature », a déclaré le Ministre de l’Economie et de l’Energie Sigmar Gabriel.

En effet, la nouvelle loi ne réglera en rien les problèmes de développement du réseau très en retard par rapport aux objectifs fixés, du mécanisme de soutien pour les centrales conventionnelles en difficulté compte tenu de la chute des prix de gros de l’électricité et des mesures à prendre pour augmenter l´efficacité énergétique.  Sans parler de l’improbabilité croissante de tenir les engagements de protection du climat (l´objectif national de réduction des gaz à effet de serre à l´horizon 2020 étant de 40% par rapport à 1990). Affaire à suivre….

Par Hartmut Lauer, consultant