7/11 – Ce qui nous attend jusqu’au premier béton
Avant de couler le premier béton du bâtiment réacteur (ou « 1er béton nucléaire ») du premier EPR 2, les équipes d’EDF et la filière ont encore un long chemin à parcourir. Le lancement du processus de débat public en constituera la première étape, très importante, puisqu’elle permettra d’éclairer la décision d’engagement définitive.
Le 10 février dernier, en même temps qu’il annonçait la construction d’au moins trois paires de réacteurs EPR 2, Emmanuel Macron établissait un calendrier clair, avec un objectif fixé à EDF d’une mise en service du 1er réacteur à l’horizon 2035. Une date qui peut sembler lointaine au regard de l’urgence climatique et de la nécessité pour le pays d’anticiper le remplacement de son parc historique… mais qui prend en compte un certain nombre de jalons à franchir dès aujourd’hui. « Une première mise en service à l’horizon 2035 implique un premier béton de l’îlot nucléaire autour de 2028 et donc des travaux préparatoires sur le chantier qui commenceraient dès 2024 », précise ainsi Antoine Ménager, directeur du débat public pour l’EPR 2 chez EDF à l’occasion d’un webinaire organisé par la Sfen1. Cela signifie d’avoir obtenu au préalable le permis de construire, qui nécessite un dépôt de la demande en 2023. « Un planning serré qui explique pourquoi il faudrait pouvoir mener le débat public dès cette année, pour que ses conclusions puissent être intégrées notamment dans la demande du dossier d’autorisation de création (DAC) », détaille le responsable.
Pour respecter le planning ambitieux réclamé par le chef de l’État, le choix des sites d’implantation et la mobilisation du territoire est déterminant. « Ces réacteurs doivent s’inscrire en symbiose avec un territoire, tout comme nos sites nucléaires actuels sont en symbiose avec le leur », assure Antoine Ménager. Deux aspects sont tout à fait essentiels pour choisir le site. Le premier est technique : y-a-t-il suffisamment de place et est-ce que l’urbanisme autour du site permet d’installer de nouveaux réacteurs ? S’ajoute aussi la prise en compte des conditions environnementales au sens large. Il faut étudier le niveau sismique, la capacité d’accès à une source froide et les capacités de connexion au réseau électrique. Le second aspect concerne la mobilisation du territoire, voire « sa désirabilité », explique le responsable d’EDF. « Il y aura de nouveaux réacteurs sur les territoires si l’envie en est exprimée. Les centrales actuelles sont très intégrées dans leur territoire, ce qui est un atout, mais certains territoires l’expriment plus ou moins fortement », témoigne-t-il. La Normandie, par exemple, est extrêmement mobilisée. Elle qui a déjà accueilli l’EPR de Flamanville 3 témoigne de son envie, depuis le président de Région, le député de circonscription, jusqu’aux élus des différentes collectivités qui bordent la centrale et aux acteurs socio-économiques. Les Hauts-de-France et l’Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) sont également des régions particulièrement sensibilisées. Ce sont les deux régions abritant les autres sites choisis par EDF et la filière dans la proposition remise à l’État en avril 2021 : Gravelines (Hauts-de-France) et Bugey ou Tricastin (Aura).
Débat public, un point de départ essentiel
« Pour que les futurs réacteurs EPR 2 soient intégrés et bénéficient pleinement au territoire, la concertation avec le public est essentielle », analyse Antoine Ménager. Au-delà du caractère réglementaire et des enjeux dans le processus d’autorisation, cette concertation est d’abord et surtout l’occasion de présenter le projet aux citoyens, de répondre à leurs questions, et surtout d’enrichir le projet en fonction de leurs demandes. EDF a l’expérience de ces concertations, qu’elle mène depuis longtemps et pas uniquement sur la thématique nucléaire. Pour ce qui relève du domaine nucléaire, l’entreprise a l’expérience de Flamanville 3 ou de Penly 3, ainsi que des examens de sûreté du parc historique. Elle est également impliquée dans des débats comme ceux de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ou celui du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR). Lors de l’opération « Parlons Énergie Chez Vous », plus de 700 salariés volontaires d’EDF sont allés à la rencontre de 3 500 citoyens l’an dernier afin de recueillir leur opinion, leurs attentes sur l’énergie. « Des enseignements très riches ont pu être tirés », pointe le responsable EDF.
Ce débat public, pour EPR 2, est réglementairement placé sous l’égide de la Commission nationale du débat public (CNDP). Quand un maître d’ouvrage a l’intention de créer un nouveau projet d’installation nucléaire de base, le code de l’environnement l’oblige en effet à saisir la commission. Dès le 11 février, EDF a saisi la CNDP pour son « Projet de création d’une première paire de réacteurs EPR 2 sur le site de Penly, dans le cadre de la proposition
d’EDF pour un programme de nouveaux réacteurs nucléaires en France ». La CNDP a décidé, le 2 mars 2022, qu’il y a bien lieu d’organiser un débat public. Elle devra nommer prochainement une commission particulière du débat public, qui aura la charge d’organiser et de préparer le débat, probablement à l’automne 2022.
« C’est une phase essentielle du projet, à laquelle nous allons consacrer du temps et des moyens. Elle est absolument nécessaire pour l’information du public, pour l’appropriation du projet et son enrichissement », explique EDF. Il ne s’agit pas de revoir la conception de l’EPR 2, mais de travailler sur son impact environnemental, sur les enjeux de responsabilité sociale (RSE) et d’aménagement du territoire ou de prendre en compte les questions pratiques des riverains. Avec plusieurs milliers de salariés présents sur le chantier, il est évident que les collectivités doivent s’organiser à tous les niveaux – flux, logements, commerces, etc.
« Il faut saluer l’énergie, le temps et le savoir-faire consacrés à cette concertation, juge Bernard Accoyer, président de PNCFrance. D’aucuns peuvent estimer qu’elle est un peu inutile, mais elle est incontournable, et on peut la considérer sous l’angle de l’efficacité et de la réponse aux problèmes. » L’ancien président de l’Assemblée nationale estime qu’un tel travail de préparation des projets peut avoir un effet positif sur l’appréhension du nucléaire par les populations alors que ces dernières ont davantage été habituées à l’idée de fermer des réacteurs avec la dernière Programmation pluriannuelle de l’énergie. Pour rappel, cette dernière prévoyait la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires !
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