6/7 - Chaleur urbaine et industrielle : les promesses de la cogénération - Sfen

6/7 – Chaleur urbaine et industrielle : les promesses de la cogénération

Publié le 19 juillet 2022 - Mis à jour le 7 septembre 2022

Si l’électricité tient une place centrale dans les stratégies nationales de décarbonation des besoins en énergie, le développement d’autres vecteurs  énergétiques, comme la chaleur ou l’hydrogène, est crucial. Plusieurs pays étudient aujourd’hui les atouts du nucléaire pour décarboner la chaleur  industrielle et urbaine.

Le terme de « chaleur » désigne une multitude d’usages, de la chaleur urbaine (eau sanitaire, chauffage) à la fourniture de chaleur (eau chaude,  vapeur) pour les procédés industriels. Alors que pour le secteur résidentiel tertiaire la température nécessaire à atteindre est égale ou inférieure à 110 °C, certains usages industriels réclament eux une vapeur de 200 à 300 °C, parfois davantage. Pour décarboner ces usages, il est envisagé de récupérer  la chaleur dite « fatale » des réacteurs nucléaires.

Le terme « fatal » désigne la chaleur produite lors d’un processus dont la chaleur, en l’occurrence, n’est pas le but principal. C’est le cas en particulier  lors de la combustion des déchets, de l’utilisation de centres de données (datacenters) ou encore du fonctionnement des centrales nucléaires. Ces dernières sont, dans le monde, principalement à finalité électrogène. Or, dans un réacteur à eau pressurisée, il est estimé que seulement un tiers de  l’énergie est transformé en électricité, les deux tiers restants étant dissipés sous forme de chaleur. Grâce à des piquages de tuyauteries, une partie de la vapeur peut être consacrée à un autre usage, cela affectant toutefois le rendement électrique.

Néanmoins, l’urgence climatique, la hausse du prix des énergies fossiles, les nouveaux besoins de chaleur bas carbone et le développement des  petits réacteurs modulaires (SMR) laissent présager un intérêt grandissant pour la chaleur d’origine nucléaire. D’autant plus que la production de  chaleur, notamment urbaine, avec du nucléaire bénéficie d’un important retour d’expérience.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) considère d’ailleurs que la cogénération, soit la production simultanée d’énergie thermique et  électrique dans une même installation, est « un mode de production qui s’est avéré efficace, sûr et simple1 ».

Différentes applications

Le chauffage urbain, les procédés industriels, la désalinisation de l’eau de mer, la production d’hydrogène sont autant d’applications recensées par  l’AIEA.

Le chauffage urbain

Le nucléaire peut en effet, aux côtés de la biomasse et de la géothermie, contribuer à décarboner les réseaux de chaleur grâce à la cogénération. C’est une pratique vieille de plusieurs décennies avec de multiples expériences conduites plutôt à l’est de l’Europe : Bulgarie, Hongrie, République  tchèque, Roumanie, Russie, Slovaquie, Suisse et Ukraine. Au total, l’AIEA a recensé 53 réacteurs nucléaires en cogénération en 2019. La Russie  accumule très certainement la plus grande expérience en la matière. Le pays continue ces développements, comme en témoignent la production simultanée d’électricité et de chauffage urbain de l’unité 1 de Leningrad II mise en service en 2019 ou encore de la barge nucléaire l’Akademik Lomonosov mise en service en 2020.

La Chine compte plusieurs projets de ce type dont un qui est entré en opération en novembre 2020 à Haiyang. Les deux AP1000 (réacteurs GEN III  de design américain) y assurent, en plus de la production d’électricité, le chauffage de 700 000 m2 de logements. En Europe, la Finlande s’intéresse à  cette possibilité bien que le projet de cogénération avec Loviisa 3 (2009) ait été suspendu pour des raisons structurelles liées aux divergences  d’intérêts des acteurs engagés. Les deux unités de la centrale de Beznau en Suisse alimentent quant à elles près de 20 000 personnes en chaleur2 depuis 1983.

Les procédés industriels

Les industries agroalimentaires, papetières, textiles, mais aussi minières et de la métallurgie ont besoin d’eau chaude pour leurs procédés. L’industrie  papetière, pour séparer la cellulose de la lignine et ainsi obtenir la pâte à papier ; l’industrie minière, pour extraire des minerais ou des hydrocarbures,  etc. Le Canada envisage sur ce point l’emploi de petits réacteurs modulaires afin de décarboner l’exploitation de ses mines. La China National Nuclear Corporation (CNNC) a, quant à elle, récemment annoncé la mise en service, en 2023, d’un dispositif permettant de valoriser une partie de la  vapeur produite par les unités 3 et 4 de Tianwan (VVER) dans une usine pétrochimique du Jiangsu, province située au nord de Shanghaï. Certains procédés font appel à l’hydrogène, notamment pour le raffinage du pétrole et la production de fertilisants (voir ci-après).

L’hydrogène

L’hydrogène est produit actuellement à partir du processus du vaporeformage du méthane, un processus à forte intensité énergétique qui rejette  environ 830 millions de tonnes de CO2 par an, soit autant que les émissions de CO2 du Royaume-Uni et de l’Indonésie réunis, selon l’AIE. L’évolution  des technologies doit permettre de décarboner cette production.


1. AIEA, “Guidance on Nuclear Energy Cogeneration”, 2019.
2. Selon Swissnuclear.

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Par Gaïc Legros, Sfen

Photo I © Shutterstock//Stanislav71 – Centrale de production électrique et de désalinisation à Dubaï.