5/9 – Le cuivre : le nerf de la guerre

La consommation des matières primaires et métaux a cru de manière exponentielle depuis la fin du XIXe siècle et devrait croître encore dans les décennies à venir, au regard de l’augmentation mondiale de la population, du développement des pays émergents et des nouveaux usages dans les pays développés. Le cuivre, qui est utilisé dans bon nombre de domaines, pourrait connaître un pic d’extraction à partir de 2050. Le point sur cette matière première utilisée notamment dans l’énergie et dans le cadre de la transition énergétique.
Le cuivre fait partie de notre quotidien : il est présent presque partout. Ses qualités de conductivité sont sollicitées pour la production d’électricité, les réseaux de transport et de distribution via les câbles de haute tension, mais aussi dans les télécommunications avec les câbles aériens, sous-marins et les produits de consommation courante (appareils électriques, voitures, etc.).
« Si 20 kilogrammes de cuivre sont nécessaires pour une voiture thermique, ce sont (…) 60 à 80 kg pour un véhicule 100 % électrique »
Dans le secteur de l’énergie en particulier, la demande de cuivre devrait croître sensible- ment dans un contexte de transition énergétique et de développement des énergies renouvelables. Dans l’éolien par exemple, le générateur et le mécanisme qui transforment l’énergie des pales rotatives en électricité for- ment de puissants champs magnétiques ; des champs générés par des aimants permanents (en particulier dans l’éolien off-shore), gourmands en terres rares, ou par des bobinages en cuivre pour les éoliennes on-shore. Dans le photovoltaïque, la technologie qui utilise le silicium représente 90 % du marché et nécessite la combinaison d’un certains nombres d’éléments dont une part non négligeable de cuivre. Le solaire thermique, pour chauffer l’eau, nécessite lui aussi du cuivre. Concernant les réseaux électriques, le cuivre y est omniprésent : pour l’Europe uniquement, ce sont 45 000 kilomètres de nouvelles lignes, dont 18 000 de lignes haute tension en courant continu sous-marines (câbles en cuivre), qui doivent être installées d’ici 2030. Selon Olivier Vidal, directeur de recherche au CNRS, pourrait être envisagée « une demande de cuivre de l’ordre de 5 Mt/an pour le seul secteur du transport d’électricité au niveau mondial dans les années à venir, ce qui représenterait 25 % de la production mondiale actuelle ».
S’agissant des voitures, les besoins en cuivre seront spectaculaires dans les prochaines années : si 20 kilogrammes de cuivre sont nécessaires pour une voiture thermique, ce sont 40 kg qui sont requis pour une voiture hybride, et de 60 à 80 kg pour un véhicule 100 % électrique. Bref, les besoins en cuivre ne sont pas prêts de se tarir, sans compter que ses qualités le rendent utiles tous azimuts : le cuivre est même utilisé dans la viticulture comme fongicide.
Une demande croissante au moins jusqu’en 2050
De manière générale, les ressources minérales sont utilisées à un niveau sans précédent avec chaque année, plus de 70 milliards de tonnes de matières extraites du sous-sol1. Les prévisions de consommation de métaux sont telles que d’ici 2050, la production pourrait atteindre 3 à 10 fois les niveaux actuels ; ce qui pose la question de l’approvisionnement. « Si l’on fait une prospective raisonnable de l’évolution des besoins en cuivre, l’augmentation devrait être de l’ordre de 3 % par an, au même rythme observé depuis l’après-guerre et ce, jusqu’au milieu du XXIe siècle au moins », précise Olivier Vidal. « Cette demande croissante s’explique par l’évolution des technologies où les énergies renouvelables, par exemple, nécessitent entre 5 à 10 fois plus de cuivre que les centrales thermiques à combustible fossile ou nucléaire, mais aussi par une émergence économique de pays à forte population. La Chine2 a boosté la consommation de cuivre. C’est le cas aussi de l’Inde aujourd’hui et de l’Afrique demain ». En effet, les pays émergents bâtissent leurs grandes infrastructures de base, de transport, de télécommunications, etc.
« La consommation de métaux augmente très vite tant que le niveau de PIB de 20 000 dollars par an et par habitant n’est pas atteint », repère Olivier Vidal. Dans les pays développés, la consommation de matières premières dont le cuivre se stabilise globalement, les besoins étant surtout liés à l’évolution de la consommation et des nouveaux usages (énergie, transport, numérique, etc.).
Un marché qui se complexifie tourné à terme vers le recyclage
Si une rupture d’approvisionnement n’est pas évoquée pour le cuivre, il n’en demeure pas moins que le prix de ce métal et plus généralement des matières premières ne cesse d’augmenter. « La première raison de cette augmentation relève de l’offre/demande, explique Olivier Vidal. Si la demande croît rapidement et que les capacités de production n’augmentent pas au même rythme par manque d’investissements par exemple, le prix augmente. La deuxième raison est liée à la qualité dégradée des gisements exploités actuellement qui sont, en outre, moins concentrés en cuivre que dans le passé. L’exploitation de ces gisements nécessite donc plus d’énergie avec une conséquence sur les coûts opérationnels et donc sur le prix final ». Le paradoxe ? Ces prix potentiellement trop élevés pourraient inciter les consommateurs à trouver des solutions pour réduire la consommation de cuivre, ce qui conduirait à la réduction de la production et à la baisse des investissements de prospection pour de nouveaux gisements. En tout état de cause, le cuivre devient à proprement parler une matière précieuse. Dans cette perspective, il s’agit de réduire sa consommation, en optimisant par exemple les produits contenant cette matière dès leur conception. La récupération du cuivre dans les produits usagés est elle aussi une nécessité, puisque 40 % seulement du cuivre est actuellement recyclé, et ce facilement. « Si dans quelques années le cuivre était recyclé à 70 % au niveau mondial, pronostique Olivier Vidal, c’est tout le fonctionnement du marché qui en serait changé ».
1. Olivier Vidal, Matières premières et énergie, les enjeux de demain, février 2018.
2. Chaque année, c’est plus d’un million de tonnes de cuivre qui est utilisé par la Chine. Voir « China power transmission », Reuters, 19 mai 2021.
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