3. « Les réacteurs français ont un meilleur niveau de sûreté que lors de leur mise en service » - Sfen

3. « Les réacteurs français ont un meilleur niveau de sûreté que lors de leur mise en service »

Publié le 24 janvier 2023

Alors que les premiers réacteurs nucléaires atteignent les 40 ans d’activité, la question de leur fonctionnement à long terme est de plus en plus importante. C’est l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui sera seule décisionnaire sur ce sujet. Son président Bernard Doroszczuk nous éclaire sur les grands enjeux de cette réflexion.

La question de la prolongation de la durée de vie des réacteurs à 50 ou 60 ans se fait de plus en plus précise. Comment l’ASN s’y prépare-t-elle ?

Bernard Doroszczuk : Tout d’abord, nous ne sommes pas face à un sujet de prolongation de la durée de vie des réacteurs, car celle-ci n’est pas limitée dans les autorisations délivrées en France. Quarante ans ne sont pas une limite absolue pour les réacteurs nucléaires, mais aller au-delà de la durée de vie initialement envisagée reste un sujet sensible qui n’est pas spécifique à la France. Il est déjà en cours d’examen dans plusieurs pays. L’Autorité de sûreté nucléaire peut donc s’inspirer en partie de retours d’expérience à l’étranger dans ce domaine, alors que certains exploitants européens visent déjà des durées de fonctionnement à 50, voire 60 ans. Je pense, en particulier, aux exemples suédois et suisse. Mais le cas le plus intéressant est bien sûr celui des États-Unis qui est en avance sur nous en raison de la plus grande ancienneté de son parc. La Nuclear Regulatory Commission (NRC) y a accordé des licences d’exploitation jusqu’à 60 ans. Et des demandes ont été faites pour atteindre 80 ans.

Quelles sont vos premières réflexions sur ce sujet ?

B. D. : Actuellement, chaque réexamen de sûreté permet de définir à quelles conditions la poursuite d’exploitation pour dix ans maximum est possible. La question fondamentale est bien de savoir jusqu’à quand un réacteur peut fonctionner de manière sûre : il faut donc pouvoir se projeter par anticipation au-delà de cet horizon des dix ans. C’est d’autant plus indispensable que cette perspective s’inscrit dans les travaux de scénarios de mix énergétique élaborés par RTE issus de son rapport « Futurs énergétiques 2050 ». Parmi les options sur la table, il y a l’option de construire de nouveaux réacteurs, tout en poursuivant l’exploitation à 60 ans ou plus des réacteurs actuels. L’ASN ne rejette pas ce scénario ni aucun autre. Mais nous tenons à rappeler qu’à ce stade cette hypothèse n’est pas justifiée du point de vue de la sûreté et que ce type d’option doit être anticipé.

Il faut que les autorités publiques puissent anticiper les conséquences, quelles qu’elles soient, qui résulteraient d’une non-poursuite d’exploitation au-delà de 50 ou 60 ans de certains réacteurs. La poursuite d’exploitation des réacteurs nucléaires ne devrait pas être la variable d’ajustement d’une politique publique qui aurait été mal calibrée. Aussi, il est important que, dans les deux ans qui viennent, le gouvernement demande à EDF de fournir à l’ASN des justifications de sûreté sur la durée de vie des réacteurs nucléaires au-delà du cadre des visites décennales.

D’un point de vue technique, avez-vous déjà identifié des sujets majeurs ?

B. D. : Au-delà de 50 ans, il nous faudra une justification spécifique de sûreté pour les parties des installations les plus sensibles car exposées à des phénomènes de vieillissement.  Nous avons donc démarré avec EDF un dialogue technique approfondi et un partage d’expérience avec nos homologues sur les points sensibles d’une installation de plus de 60 ans. Bien sûr, il y a des points de surveillance connus sur des éléments qui sont irremplaçables comme la cuve ou l’enceinte de confinement. Mais il y a aussi d’autres éléments sensibles pour lesquels nous voudrions voir ce que nos pairs ont identifié et décidé.

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Propos recueillis par Ludovic Dupin, Sfen

Photo légende I Bernard Doroszczuk, président de l’ASN

© ASN