11/11 - 1993 : les conditions du regain du nucléaire déjà sur la table - Sfen

11/11 – 1993 : les conditions du regain du nucléaire déjà sur la table

Publié le 22 mars 2022 - Mis à jour le 24 mars 2022

Il y a près de trente ans, Jean-Claude Leny alors président-directeur général de Framatome, décrivait pour la Revue Générale Nucléaire le projet de l’EPR, le futur réacteur européen. Il y détaillait les conditions d’un regain du nucléaire. Un texte largement transposable à la situation actuelle.

En février 1993, Jean-Claude Leny, président-directeur général de Framatome et ancien président de la Sfen (1975-1977), prenait la plume pour écrire un article intitulé « Le futur réacteur européen ». Le parc nucléaire français
était encore en construction. Toutes les tranches de 900 MW étaient achevées mais la dernière tranche de 1 300 MW, Golfech 2, allait entrer en service au mois de juin. La filière nucléaire engageait désormais la construction
du palier 1 450 MW, dit N4.

Une fois les dernières constructions du parc mises en service à la fin des années 1990, il faudra attendre 2007 pour voir le démarrage d’un nouveau chantier : Flamanville 3.

Dès le début des années 1990, la filière nucléaire était consciente de « l’effet falaise » qui pourrait toucher la France, caractérisé par la fermeture de nombreux réacteurs sur une période courte allant de 2030 à 2050. « Si j’avais été sûr d’avoir durablement la liberté de choix, j’aurais sans doute préféré réaliser quatre tranches par an plutôt que six, mais continuer plus longtemps », confessait en 2010 Marcel Boiteux, directeur général d’EDF de 1967 à 1978 puis président de 1979 à 19871.

Les conditions d’un regain du nucléaire

Jean-Claude Leny décrit ce que devait être le futur EPR, évoquant les notions de sûreté, de compétitivité, de partenariats européens. Mais surtout il met en avant « les conditions d’un regain du nucléaire ». Ces trois conditions,  en plus de témoigner d’une vision d’ensemble claire et réaliste, font écho à la situation que nous connaissons en 2022. Il écrit : « La reprise des programmes nucléaires n’interviendra que sous trois conditions :

une pression économique, lorsque le citoyen européen aura pu constater le prix élevé des énergies dites douces qu’on lui fait miroiter ;

une pression écologique, parce que les énergies fossiles, même si les technologies mises en oeuvre ont été améliorées, porteront une atteinte de plus en plus évidente à notre environnement ;

un choc psychologique qui secoue l’opinion, de même nature que la crise du pétrole en 1974.

Si ces trois conditions préalables à la reprise du nucléaire sont réunies, on peut prévoir que cette reprise sera ample, et se manifestera simultanément dans la plupart des pays industrialisés ; en effet, les problèmes de compétitivité, d’environnement, et d’acceptation se posent en termes très similaires dans tous ces pays. Et le même “mode commun” qui a entraîné l’arrêt des programmes nucléaires pourrait entraîner leur reprise aux États-Unis et en Europe, et leur accélération en Asie ».

À l’heure où la France s’apprête à relancer un programme nucléaire, à l’instar de nombreux pays, cette analyse pourrait être reprise à quelques détails près pour décrire notre réalité.

« Une pression économique, lorsque le citoyen européen aura pu constater le prix élevé des énergies dites douces (renouvelables, ndlr) »

Comme l’a montré, en octobre 2021, le gestionnaire de réseau RTE dans ces scénarios « Futurs énergétiques 2050 », les mix électriques avec une forte composante d’énergies renouvelables sont plus coûteux que ceux intégrant un renouvellement du nucléaire, si l’on prend en compte l’ensemble des coûts systèmes (production, flexibilité, transport et distribution). Le scénario comprenant la plus grande proportion de nucléaire, environ 50 % du mix  électrique, est le moins onéreux. Par ailleurs, la hausse des prix de l’électricité que nous connaissons aujourd’hui en Europe n’est pas le fait du développement des renouvelables, mais plutôt de la dépendance au gaz dont les cours s’envolent. Une dépendance européenne exacerbée par des pays qui, à l’instar de l’Allemagne, souhaitent arrêter la production d’électricité d’origine nucléaire et construire de nouvelles centrales à gaz afin de conserver un socle pilotable pour pallier l’intermittence des énergies solaire et éolienne.

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Par Gaïc Le Gros, Sfen I Photo © Framatome – NPI