10. Protéger, réparer : la doctrine française après un accident nucléaire

Au-delà du renforcement des installations nucléaires, l’accident de Fukushima a rappelé la nécessité de rehausser le niveau de préparation à la gestion d’une crise nucléaire. Les principales dispositions de gestion accidentelles et post-accidentelles retenues en France sont pensées pour protéger la population et permettre le redémarrage de la vie économique et sociale.
Un accident nucléaire se compose de deux principales phases : la phase d’urgence et la phase post-accidentelle. Un évènement non maîtrisé susceptible d’avoir des conséquences sur l’environnement marque l’entrée dans une période de menaces, qui sera éventuellement suivie d’une période de rejets radioactifs. Ces deux périodes correspondent à la phase d’urgence, durant laquelle s’applique une réglementation spécifique, correspondant aux situations d’urgence radiologique définies dans le Code de la santé publique (CSP) : « On entend par situation d’urgence radiologique toute situation impliquant une source de rayonnements ionisants et nécessitant une réaction rapide pour atténuer des conséquences négatives graves pour la santé, l’environnement ou les biens, ou un risque qui pourrait entraîner de telles conséquences négatives graves » (CSP L1333-3).
Le retour de l’installation à un état maîtrisé et la fin des rejets radioactifs marquent la fin de la phase d’urgence et l’entrée dans la phase post-accidentelle. Cette seconde phase est marquée par le dépôt de la radioactivité dans l’environnement et son intégration dans les différents compartiments de l’environnement. Il en résulte une exposition de long terme de la population, nécessitant la mise en place d’actions spécifiques de protection, essentiellement contre le risque d’ingestion de produits contaminés. Cette phase est considérée comme une situation d’exposition durable, réglée par l’article R. 1333-93 du CSP qui stipule que « le niveau de référence d’exposition d’une personne à des substances radioactives résultant d’une situation d’urgence radiologique est fixé à 20 mSv en dose efficace au cours de l’année qui suit (…). Ce niveau est réévalué chaque année afin d’atteindre, à terme, 1 mSv en dose efficace… ».
La protection de la population en situation d’urgence radiologique
Les principes de protection de la population en situation d’urgence radiologique sont réglés par les articles R. 1333-81 à 89 du CSP. Ils visent notamment à « réduire aussi bas que raisonnablement possible les expositions » de la population. Ces articles précisent la déclinaison des principes d’optimisation et de justification en situation d’urgence radiologique. L’article R1333-82 fixe notamment un niveau de référence de 100 mSv qui ne doit en aucun cas être dépassé pour la population, sur la durée de la phase d’urgence.
En dessous de ce niveau de référence d’exposition, les principes de justification et d’optimisation s’appliquent. Ils se traduisent par des valeurs repères d’exposition associées à des actions de protection de la population. Ces valeurs repères sont de 10 mSv en dose efficace pour la mise à l’abri, de 50 mSv en dose efficace pour l’évacuation et de 50 mSv en dose équivalente à la thyroïde pour la prise d’iode stable. Ces valeurs ne doivent pas être considérées comme des critères absolus, mais comme des repères autour desquels le déclenchement des actions de protection associées doit être considéré en tenant compte, d’une part, de l’optimisation des doses reçues et, d’autre part, de facteurs autres que la radioprotection.
En effet, les autorités préfectorales peuvent choisir, en fonction des circonstances qui prévalent, de déclencher ces actions de protection à des valeurs d’exposition plus faibles que les valeurs repères. Ainsi, si le territoire soumis aux rejets radioactifs est de taille réduite et peu peuplé (ce qui peut faciliter les opérations d’évacuation), une évacuation à une valeur d’exposition plus faible que 50 mSv pourrait être décidée. À l’inverse, certaines situations peuvent rendre complexes les opérations d’évacuation et il pourra être décidé de ne pas évacuer une structure ou une zone géographique donnée compte tenu des risques que pourraient induire les opérations, notamment pour les publics les plus fragiles. L’exposition de ces personnes pourrait alors dépasser 50 mSv, sans toutefois dépasser la valeur de référence de 100 mSv.
Par ailleurs, il faut rappeler que la prise d’iode stable ne peut être réalisée qu’une seule fois, et que la mise à l’abri perd de son efficacité au-delà d’une demi-journée. Ceci signifie que si l’exposition aux rejets radioactifs se prolonge, il y aura nécessité de transformer la prise d’iode stable et la mise à l’abri en évacuation, de façon à réduire l’exposition de la population dans la durée.
La protection de la population en situation post-accidentelle
La fin des rejets radioactifs et le retour de l’installation à un état stable marquent l’entrée dans la phase post-accidentelle. Cette phase est caractérisée par un changement dans la nature des risques pour la population, avec une prépondérance du risque d’ingestion de produits contaminés, et d’exposition externe plus limité, principalement dans les zones concentrant la radioactivité (les forêts par exemple).
La gestion de la protection de la population dans cette situation est encadrée par l’article R. 1333-93 du CSP qui introduit un niveau de référence de 20 mSv en dose efficace à ne pas dépasser la 1re année. L’article R. 1333-94 stipule que « selon les risques encourus par la population et l’environnement, le représentant de l’État dans le département délimite des zones dans lesquelles peuvent être prescrites des mesures de réduction des expositions aux rayonnements ionisants (…) ».
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