1/9 – Comment le nucléaire peut-il accompagner la réinvention engagée dans la société civile ? - Sfen

1/9 – Comment le nucléaire peut-il accompagner la réinvention engagée dans la société civile ?

Publié le 12 mars 2018 - Mis à jour le 28 septembre 2021
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Quelle place pour l’énergie nucléaire dans le monde de demain ? Pour répondre à cette vaste question, la Société française d’énergie nucléaire, en collaboration avec la direction des études d’EDF, a travaillé pendant plusieurs mois avec le cabinet de prospective Sociovision, expert dans la compréhension et l’anticipation des changements de la société. Nous vous livrons ici les éléments de cette étude qui aura permis de comprendre quelles sont les attentes sociétales des Français et aura permis d’imaginer ce que pouvait être le rôle de l’énergie nucléaire dans la transformation engagée dans la société.

Vers une société « transformée »

Chaque année, Sociovision mène une enquête mondiale pour recueillir les aspirations d’un panel de citoyens des quatre coins du globe : de l’Hexagone à l’Empire du Milieu en passant par les États-Unis. Cette étude parle de la façon dont les citoyens voient le monde de demain : leurs peurs et leurs inquiétudes, mais également leurs espoirs, leurs rêves, et ce qui les motive.

Elle révèle que depuis trois ans le mot « transformation » est devenu le mot le plus utilisé dans tous les domaines, quels qu’ils soient. Ce mot a succédé à celui de « transition ». Ce changement de sémantique n’est pas tout à fait neutre : il traduit la volonté de la société d’aller au-delà d’un monde déjà connu ou existant (transition) pour écrire une nouvelle page de son histoire (transformation).

La plupart des opinions publiques de par le monde éprouve le besoin de faire bouger les lignes. Sous l’effet de l’embellie économique, les populations commencent à souffler et souhaitent désormais accorder davantage de place à l’initiative et à la prise de risque. Elles sont prêtes à essayer des choses nouvelles ou à en retenter certaines. Cela se traduit de différentes manières : déménagement, changement de travail, ou création d’entreprises et de projets. Ce mouvement est massif. Il est mondial.

Par ailleurs, consciente que toutes les initiatives lancées n’aboutiront pas, la société tolère de plus en plus l’échec. Ce changement de philosophie est très important surtout dans un pays comme la France où l’échec est souvent perçu comme irrémédiable, ce qui peut parfois entraîner une paralysie de l’action. En somme, les gens sont prêts à être plus indulgents sur l’échec à condition que l’on dise que l’échec peut exister. Parallèlement, les populations sont de plus en plus favorables à un assouplissement du principe de précaution, surtout s’il s’agit de faciliter l’émergence de solutions vraiment innovantes, pas seulement de baisser les prix.

Toutefois, ces changements ne se font pas sans turbulences. Désormais, les populations ne délèguent plus aux experts la mission de mener à bien de grands projets. En cas de désaccord, ils souhaitent se faire entendre et parlent de manière directe.


L’étude Sociovision révèle que depuis trois ans, le mot « transformation » est devenu le mot le plus utilisé dans tous les domaines, quels qu’ils soient.


D’ailleurs, dans la vie privée comme dans la vie professionnelle, le politiquement correct est en perte de vitesse. Les populations estiment que le conflit est sain. Il ne s’agit pas de donner de la légitimité aux contestataires de l’autorité mais d’acter le fait qu’il faut entendre toutes les voix, y compris discordantes, pour forger son opinion. Les gens veulent avoir du choix avant de décider.

Cette société qui donne davantage de place à la parole libre et décomplexée ne censure pas et n’exclut personne. Tout le monde peut parler, y compris les professionnels du nucléaire. L’époque ne leur a jamais été aussi favorable pour porter une parole plus affirmée et assumer la fierté de travailler dans cette industrie. Il s’agit également d’une période propice pour partager ses faiblesses et ses doutes.

Les nouvelles peurs

La société imagine que le monde de demain sera « violent ». La question de la sécurité va donc être majeure. Dans certains secteurs comme l’aéronautique, l’offre technologique s’adapte pour répondre à ces craintes avec la présentation de drones policiers pour réguler les villes de 2040. La société attend que les acteurs (industriels, entreprises, etc.) prennent l’initiative et montrent qu’ils ont compris ce qui les inquiète et qu’ils abordent le débat avant même que le régulateur n’impose de nouvelles normes. Paradoxalement, l’élite économique et politique est la partie de la population qui porte le regard le plus sombre sur les risques de sécurité, tandis que la société civile considère que le monde sera certes violent mais qu’il y aura des solutions. Plus optimiste, la société civile argue le fait que jamais le monde n’a été aussi interconnecté et le champ des possibles aussi ouvert.

 
Et si l’on rebootait le nucléaire ?

Sur le campus de l’Université de Berkeley, les ingénieurs du nucléaire participent à des Bootcamp (Bootcamp comme rebooté, « repartir de zéro »). Les élèves ingénieurs sont invités à se mettre dans la peau d’un créateur de start-up, à pitcher leur projet pour séduire une audience. Berkeley a très longtemps été le siège des revendications écologiques, particulièrement antinucléaires. Rebooter le nucléaire dans ce lieu-là est symbolique : il traduit la volonté de placer à nouveau cette énergie au coeur des attentes de la société.

 

Certains pourraient analyser que ce repli possible des États constituerait une opportunité pour le nucléaire, qui figure parmi les technologies aptes à garantir une souveraineté énergétique. Il ne faudrait cependant pas trop privilégier un contexte dans lequel le nucléaire serait perçu comme « un mal nécessaire » alors que celui-ci pourrait avoir un rôle dans un scénario plus positif dont l’objectif serait de rendre la vie meilleure ou le monde plus intéressant à vivre.

À travers son étude, Sociovision a identifié trois projets de société, trois espoirs, que les populations aimeraient voir émerger dans les années à venir. Il s’agit de projets bâtis sur une vision positive et non sur des peurs. Chacun de ces projets de société est traité dans ce dossier.

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Par Boris Le Ngoc, SFEN