1/5 – Prospection d’uranium en Mongolie : découverte majeure dans le désert de Gobi
La longue histoire de la prospection d’uranium mongole
En matière de prospection d’uranium, la Mongolie a une longue histoire. Les premières prospections furent menées juste après la seconde guerre mondiale, des équipes de géologues russes et mongoles ayant joint leurs efforts. Les cibles de prospection étaient principalement concentrées sur le secteur oriental du pays où la présence de lignite uranifère avait déjà été découverte. De 1970 à 1990, la Mongolian Geological Survey a procédé à des relevés géologiques systématiques dans tout le pays pour identifier les zones les plus favorables aux gisements d’uranium et d’autres métaux. Sur la base des résultats de ces relevés, le pays a été « découpé » en quatre provinces uranifères : Mongol-Priargoun, Gobi-Tamsag, Hentei-Daur et Mongolie septentrionale [1].
Chaque province possède un profil géologique distinct avec différents types de gisements ou d’associations de minerais et des âges de minéralisation divers. On y a identifié plus de 1 600 indices uranifères ou anomalies radioactives et environ 100 occurrences uranifères associées à différents types de gisements : volcaniques, enfermés dans les grès, lignites, associés aux phosphates, métasomatiques, intrusifs, filoniens et à contrôle structural. Ces importants travaux d’exploration ont amené à la découverte de plusieurs gisements de type volcanique dans la province de Dornod (est de la Mongolie), du gisement de type enfermé dans les grès de Kharaat (sud du pays) et de plusieurs occurrences dans des bassins sédimentaires proximaux du Crétacé du bassin de Choir (centre du désert de Gobi).
Après les années 1990, des compagnies étrangères ont développé les occurrences prospectives identifiées et investi dans la prospection de nouveaux champs avec de nouveaux concepts amenant à la découverte de nouveaux gisements d’uranium d’importance mondiale.
Prospection novatrice et nouveaux prospects
COGEMA (devenu AREVA Mines) a commencé à prospecter l’uranium en Mongolie en 1997, en ouvrant sa filiale mongole, la COGEGOBI. Après avoir évalué et conduit des recherches générales sur les différents gisements d’uranium, l’objectif s’est rapidement concentré sur la prospection de gisements de type enfermés dans des grès, dans les grands bassins distaux du Crétacé de la zone du Gobi oriental. La plupart des occurrences d’uranium connues jusqu’alors se situaient dans les petits bassins sédimentaires proximaux, inclus dans un socle volcanique et/ou intrusif riche en uranium.
Après plusieurs tentatives sur les occurrences proximales dans la partie peu profonde du bassin de Sainshand (gisement de Nars, secteur d’Inginsky) et sur la frange nord du sous-bassin d’Uneget, situés à proximité de la ville de Sainshand (sud-est d’Oulan Bator), l’attention s’est portée sur des cibles plus éloignées. COGEGOBI a développé une stratégie innovante fondée sur une approche différente du processus de minéralisation. L’idée était de ne pas se concentrer uniquement sur la source d’uranium et chercher un gisement sur la frange des bassins environnants, mais de rechercher des bassins sédimentaires plus vastes et plus distaux qui auraient permis la formation de gisements plus importants, même si ces bassins étaient éloignés des sources d’uranium connues.
Suivant cette nouvelle approche, COGEGOBI a entrepris des travaux de prospection pendant 14 ans dans la province de Dornogovi, (ouest du désert de Gobi), à environ 550 km au sud-est d’Oulan Bator, dans les sous–bassins d’Uneget et de Zuunbayan (figure 1), où la compagnie a découvert deux gisements dans la formation de Sainshand (Crétacé supérieur). Le premier est celui de Dulaan Uul, dans le bassin d’Uneget, gisement de type roll-front1 avec des ressources de 6 500 tonnes d’uranium à 150 ppm U en moyenne, officiellement enregistré par les autorités mongoles en 2011. Le second gisement, à environ 20 km à l’est du bassin de Zuunbayan, est celui de Zoovch Ovoo avec des ressources de 54 500 tonnes d’uranium à 223 ppm U, enregistré en 2013 (tous deux sur la base d’une teneur de coupure de 75 ppm U).
La méthodologie de prospection
Éléments préliminaires à une prospection détaillée
Pour la prospection des gisements d’uranium de type roll-front enfermés dans des grès, COGEGOBI utilise des méthodes de prospection relativement conventionnelles. La première étape consiste à dresser une carte exacte et détaillée depuis la surface pour acquérir la meilleure représentation possible de la géologie du bassin, plus particulièrement de ses caractéristiques structurelles. Dans certains cas, une étude radiométrique détaillée du sol est nécessaire pour repérer et délimiter les anomalies radiométriques de surface potentielles.
La seconde étape de prospection consiste principalement en des opérations de forage et des diagraphies en fond de trou, avec l’étude géologique des carottes. Les premières années de prospection, les opérations de forage étaient réalisées avec du matériel russe ZIF, par forage destructif en rotation à la boue ou par carottage à simple tube. Pour améliorer le taux de récupération et la qualité des carottes, les matériels de forage ont été progressivement remplacés par les engins de forage de forage coréens Hanjin© Power Rigs qui utilisent des outils de carottage à triple tube (dimensions HQ). De même, pour améliorer la qualité de la boue et réduire l’impact environnemental (consommation d’eau, empreinte de la plateforme de forage, mouvements des citernes d’eau), toutes les installations de forage sont équipées d’un système de recyclage des boues de forage.
Selon le stade de prospection, le niveau des connaissances géologiques et l’étendue des zones ciblées dans la région prospectée, la grille de forage, le taux de carottage et le type d’études réalisé sur les échantillons sont variables :
le forage de reconnaissance : on réalise des profils grande échelle dans le bassin en utilisant un grand nombre de carottages pour chaque sondage (75 à 100 % du carottage) pour évaluer la présence – ou l’absence – et la profondeur des différents composants de la série stratigraphique de référence, définir la nature des sédiments qui remplissent le bassin, identifier les niveaux perméables et potentiellement, localiser un pôle réduit ;
le stade d’exploration détaillé : une fois les pôles réduit et oxydé identifiés, on place les profils de forage perpendiculairement à l’orientation présumée
du front d’oxydation,
avec un espacement interlignes de 400 m à 3 200 m, en rapprochant les sondages de manière itérative sur les lignes en direction des principaux contrastes d’oxydoréduction jusqu’à ce que le ou les fronts soient atteints. Si une minéralisation est identifiée sur le front d’oxydoréduction, on la recherche aussi sur les lignes avoisinantes. Chaque sondage est échantillonné et les intervalles carottés concentrés sur les niveaux de contraste d’oxydoréduction (de 30 à 75 % du carottage) ;
Enfin, quand on découvre une minéralisation importante et continue, le gisement potentiel entre dans une première phase de développement et la grille de forage est resserrée de 200 x 200 m à 100 x 50 m, et localement 25 m, sur certaines parties des gisements. Les intervalles carottés sont ciblés sur les niveaux minéralisés et sur ceux où l’état d’oxydoréduction de la roche est incertain, et qui pourraient renfermer d’autres sections minéralisées non définies
(10 à 30 % du carottage).
Études géologiques
Entre les phases de forage de reconnaissance et de développement des gisements, chaque puits foré est carotté (sauf dans certaines grilles locales très denses avec espacements de 25 m) et enregistré avec des sondes géophysiques (rayons gamma naturels, verniers, niveau de boue, résistance, polarisation spontanée et mesures de verticalité continues). En plus d’une description géologique des carottes, des prélèvements géochimiques réguliers permettent de définir la qualité chimique de l’uranium et évaluer l’état d’équilibre de la minéralisation, mesurer et préciser la nature du contenu argileux du sable enfermant la minéralisation, et analyser la teneur en d’autres éléments significatifs (Fe, CO2, etc.). On effectue aussi des prélèvements sélectifs pour mener des études pétrographiques et minéralogiques de la minéralisation et des roches hôtes, des analyses de granulométrie et une datation palynologique2. Parallèlement, des études spécifiques sur la sédimentologie, la structure et la géologie du bassin sont menées pour obtenir une compréhension plus générale et conceptuelle du modèle métallogénique3.
Modélisation du gisement
Chaque gisement est modélisé en 3D (logiciel Micromine1) en utilisant les données collectées pendant les campagnes successives d’exploration et de -développement. Le modèle indique le type de roche hôte de la minéralisation principale avec des enveloppes spécifiques pour les couches perméables (sable) non perméables (argile, limon, niveaux de ciment carbonaté), le front d’oxydation et la formation de minerai, même à une teneur de coupure donnée. Ce modèle permet de mieux visualiser et comprendre la complexité de la géologie à proximité de la minéralisation, de définir le volume utilisé pour estimer les ressources, et de différencier la minéralisation contenue dans les couches non perméables (non récupérable), la minéralisation contenue dans l’environnement perméable oxydé (avec un déséquilibre négatif) et la minéralisation récupérable dans l’environnement réduit.
Estimation des ressources
L’estimation des ressources en Mongolie a été calculée par MGCE LLC, cabinet de conseil indépendant chargé des études d’estimation aux fins de classification et d’enregistrement officiels par les autorités mongoles. Parallèlement, la direction Géosciences d’AREVA Mines en France fait ses propres estimations. Dans les deux cas, elles sont basées sur des coupes systématiques des gisements réalisées par les géologues conformément au modèle géologique établi, les enveloppes en 3D, des mesures radiométriques in situ systématiques, et des essais chimiques visant à définir de manière empirique les lois de conversion des données radiométriques et/ou l’évaluation de l’impact du déséquilibre local. Les ressources estimées par ces deux entités différentes sont similaires.
Les gisements d’uranium dans la région de Sainshand
Contexte géologique de minéralisation
Historique tectonique des bassins sédimentaires
Les minéralisations uranifères des gisements de Dulaan Uul et de Zoovch Ovoo se situent dans le bassin Jurassique-Crétacé de Sainshand, dans les sous-bassins d’Uneget et de Zuunbayan. Leur évolution structurelle peut se résumer à quatre principaux événements tectoniques : le Rifting du Jurassique (extension et sédimentation syntectonique dans un système graben et semi-graben), le soulèvement du Crétacé inférieur (érosion et altération), la subsidence du Crétacé inférieur au Crétacé supérieur (discordance du bassin et nouvelle sédimentation syntectonique), la fin du Mésozoïque (début de la transpression du Cénozoïque – réactivation tectonique des principales failles, déformation des séries crétacées sur les bords du bassin).
Du fait de leur historique, les bassins sont structurés par un réseau de failles ENE-OSO à NE-SO parallèle aux affleurements du socle constitué de roches intrusives et métasédimentaires jurassique à anté-mésozoïque. Les sous–bassins d’Uneget et de Zuunbayan sont séparés par une faille décrochante gauche régionale NE-SO appelée faille de Zuunbayan.
Stratigraphie et paléo-environnement de la sédimentation
La stratigraphie des principales formations sédimentaires, depuis le socle jusqu’en haut de la partie supérieure des bassins de Sainshand est :
- Tsagantsav (Jurassique, épaisseur 50 à 100 m) : formation syn-rift volcano-sédimentaire composée d’une alternance de brèches, de coulées de basalte et de fines couches de cendres grises ;
- Zuunbayan K1Dz (Crétacé inférieur, épaisseur >150 m) : formation post-rift, composée principalement d’argile et de limon d’origine lacustre à palustre avec de rares filons de sable en position distale ;
- l’extrémité proximale de la formation est composée de brèches correspondant à des éboulis, et des alternances principalement de sable et de limon provenant des systèmes deltaïques lacustres en position intermédiaire ;
- Sainshand K2Ss1 et K2Ss2 (Cénomanien à Turonien, épaisseur 150-300 m) : formation composée de séquences de sédiments fluviaux et lacustres principalement sableux de faible profondeur non consolidés, (conglomérats, sables, limons, argiles) contenant des matières organiques disséminées, de contrastes d’oxydoréduction, et de rares cémentations sulfurées et carbonatées disséminées, séparées de la formation de Zuunbayan par une discordance ;
- Bayanshiree K2Bs (Crétacé supérieur, épaisseur > 200 m) : sables oxydés, grès et argiles (la proportion d’argile augmentant vers le haut de la formation) provenant de systèmes fluviaux en méandres séparés de la formation de Sainshand par une discordance.
Occurrences de minéralisation
Les minéralisations d’uranium dans les couches de sable se trouvent plutôt dans la formation de Sainshand K2Ss2 qui se divise en 4 unités stratigraphiques : U1, U2, U3, U4 pour le bassin d’Uneget, et U0, U1, U2, U3 pour le bassin de Zuunbayan. Toutes les unités K2Ss2 contiennent des corps minéralisés dans le gisement de Dulaan Uul. À Zoovch Ovoo, la majorité des corps minéralisés se trouve dans les réservoirs des Unités 2 et 1 et on peut trouver quelques petites occurrences dans l’Unité 0 (figure 3). Jusqu’à présent, aucune corrélation directe n’a été établie entre les unités stratigraphiques décrites dans le bassin d’Uneget et celles décrites dans le bassin de Zuunbayan.
Gisement de Dulaan Uul
En 1982, des géologues russes ont identifié d’importantes anomalies radiométriques aériennes et surfaciques et ont confirmé l’existence de concentrations d’uranium très peu profondes et de sélénium natif visible dans des tranchées et de petits forages réalisés dans la partie méridionale du bassin d’Uneget. À cette époque, les géologues n’ont pas considéré que la zone présentait un intérêt justifiant des recherches plus poussées. Sur la base de ces indications historiques de la présence d’uranium et suite à la reprise par la COGEGOBI des activités de prospection dans la région de Sainshand en 1999, les premières opérations de forage ont eu lieu dans le secteur de Dulaan Uul en 2002 permettant d’identifier rapidement des niveaux de sable réduits et plusieurs anomalies. Dès 2003, les premières grandes minéralisations du gisement de Dulaan Uul étaient recoupées de sondages. La continuité et l’importance de ces minéralisations furent confirmées par la campagne de 2004.
Le gisement de Dulaan Uul est un gisement d’uranium enfermé dans des sédiments de type roll-front, développé sur plusieurs niveaux et de sous-rolls à l’intérieur des quatre unités stratigraphiques locales de la formation de Sainshand supérieure (K2Ss2) au point de contact entre les sables oxydés et réduits.
Les réservoirs de sable des unités stratigraphiques K2Ss2 renfermant la minéralisation s’approfondissent significativement dans la direction sud/nord, le socle de K2Ss2 étant à moins de 150 m de profondeur à l’extrémité sud de la zone de dépôt et à plus de 300 m à l’extrémité nord des fronts occidentaux. L’épaisseur globale de la formation de Sainshand supérieure et celle de chaque unité stratigraphique de K2Ss2 sont très stables dans cette partie du bassin d’Uneget, sauf dans la moitié sud de la zone de dépôt où les unités stratigraphiques supérieures (U4 et U3) sont partiellement ou totalement érodées.
La profondeur de minéralisation va de quelques mètres à 300 m, selon l’unité minéralisée concernée et sa localisation dans le dépôt. Cependant, la profondeur des gisements de minerai centraux condensés ne dépasse pas 120 m.
Les gisements de minerai du dépôt de Dulaan Uul se divisent en deux morphologies principales (figure 4). Des gisements massifs sont situés, du haut vers le bas, dans les unités U4, U3 et dans la partie supérieure d’U2. On a découvert cinq principaux gisements minéralisés : Myagmar, Umnut NO, Umnut SO, Umnut E et Australiens, avec des extensions allant de 1,5 à 2,5 km de long sur 0,3 à 1 km de large. Dans certaines parties des gisements où le contrôle structural est très important (minéralisations suivant des failles filtrant l’écoulement d’eau) et dans les parties les moins profondes où les phénomènes sous–surfaciques ont affecté les niveaux de minéralisation, les morphologies roll-front classiques superposées sont modifiées. Ceci donne des géométries et des schémas de minéralisation détaillés plus complexes et des aspects plus condensés des gisements de minerai centraux.
Des minéralisations en ruban sont dans les unités U2 et U1. Le groupe de gisements minéralisés de type roll-front typique appelé « fronts occidentaux » est composé d’éléments plus étroits par rapport aux minéralisations dans les unités U4 et U3, plus allongés et presque continus sur 20 km de fronts d’oxydation superposés (deux fronts différents dans U1 et quatre dans U2). L’épaisseur de minéralisation varie selon les secteurs et l’unité stratigraphique concernée, de 5 à 15 m en moyenne. La principale orientation du gisement de minerai est N-S sur la moitié septentrionale du dépôt et NE-SO sur la moitié méridionale. Une orientation secondaire NNO-SSE est également visible dans certaines sections des fronts (zone centrale et extrémité sud).
La minéralisation de Dulaan Uul est principalement composée de coffinite et d’oxydes d’uranium, combinés à de la pyrite finement cristallisée. La minéralisation la plus riche est liée à des fragments de lignite pyritisés. La minéralisation la plus près de la surface est constituée d’espèces oxydées complexes (produits jaunes).
Estimation des ressources et potentiel géologique
Les ressources des gisements de minerai massifs dans les unités K2Ss2 supérieures ont été estimées en 2011. Les calculs basés sur une grille de forage de 200 x 50 m à 100 x 25 m dans ce secteur ont donné un résultat de 6 260 t d’uranium récupérables dans le sable. 70 % de ces ressources (4 481 tonnes) ont été classés tel qu’indiqué et 30 % (1 779 tonnes) selon les déductions (catégories B et C de la classification mongole). La teneur moyenne de minéralisation est de 233 ppm pour les ressources indiquées et de 201 ppm pour les ressources déduites sur la base d’une teneur de coupure de 75 ppm U.
Les minéralisations des fronts occidentaux n’ont pas encore été estimées car les travaux d’exploration sont toujours en cours sur les gisements correspondants et la zone minéralisée reste ouverte. Selon les résultats déjà obtenus, le potentiel additionnel attendu se situe entre 6 000 et 10 000 tonnes d’uranium.
Gisement de Zoovch Ovoo
Zoovch Ovoo est la seconde découverte majeure de COGEGOBI dans la région. Avant le début des travaux d’exploration en 2008, aucune anomalie chimique ou radiométrique spécifique en surface ne laissait prévoir la présence d’une minéralisation en profondeur. Les travaux ont commencé par le forage de profils de grande échelle dans le bassin de Zuunbayan. Les premiers impacts minéralisés ont été découverts dès 2009. 30 km de front d’oxydoréduction furent alors délimités, la continuité et l’extension substantielle des minéralisations identifiées confirmées en 2010. En 2011 et 2012, une nouvelle campagne d’exploration extensive et de première phase de développement a été menée. Elle portait sur la totalité des gisements minéralisés et couvrait la zone concernée d’une grille de forage de 200 x 200 m à 100 x 100 m, et de quadrillages de sondage locaux espacés de 25 m pour évaluer rapidement le potentiel de ce nouveau filon. En 2013, les travaux de développement ont porté exclusivement sur certaines études spécifiques plus centrées sur la caractérisation des propriétés du minerai et l’analyse des paramètres hydrogéologiques du filon. Depuis l’acquisition de la licence d’exploration de Zoovch Ovoo par COGEGOBI, 1 136 sondages représentant 237 930 m de forage ont été réalisés (figure 5).
Le gisement de Zoovch Ovoo est important, de fort tonnage et faible teneur de type roll-front enfermé dans des sédiments recouverts d’un dépôt. Il est composé d’un système complexe de rolls élémentaires secondaires partiellement superposés et de forme irrégulière formant un gisement de minerai sous–massif tabulaire relativement atypique.
L’épaisseur du réservoir de sable enfermant la minéralisation est d’environ 60 m à 100 m, ce réservoir augmentant légèrement et continuellement vers le nord et le nord-ouest parallèlement au léger approfondissement de toutes les unités stratigraphiques K2Ss2 (le socle de la formation K2Ss2 se trouve à moins de 170 m au sud du gisement et à plus de 230 m à son extrémité nord). Ce réservoir est confiné à sa base par des couches épaisses non perméables (pour la plupart à dominante argile rouge et limon) du Crétacé inférieur non différencié.
La minéralisation reconnue qui comprend les trois principaux blocs enrichis (sud-est, nord et ouest), couvre une zone orientée ONO d’environ 8 km x 3,5 km (figure 6), de 4 m à 40 m d’épaisseur avec une épaisseur moyenne d’environ 15 m de minéralisation continue (figure 7). Elle apparaît à des profondeurs de 100 m à 230 m. La plus grande partie de la minéralisation se trouve dans les unités stratigraphiques U2 et U1 du Sainshand supérieur (K2Ss2).
Le gisement est affecté par une déformation de flexion probablement liée à un réseau de failles normales mineures suivant la même orientation N60°- N70° que le système de failles principal qui structure le bassin. Ces failles sont faiblement exprimées dans les carottes étudiées et probablement essentiellement présentes dans les sédiments non consolidés. Ce type de déformation de flexion et de failles diffuses ne semble pas affecter ou contrôler significativement la géométrie et la distribution de la teneur interne des gisements de minerai. Néanmoins, on suspecte qu’il restreint la circulation des flux d’oxydation provenant du sud, contrôlant ainsi la morphologie générale du gisement (figure 6).
La minéralisation se compose d’oxydes d’uranium, de coffinite, de phospho-coffinite et d’uranothorite. Elle peut être associée à de la pyrite automorphe ou framboïdale, de l’ilmenite ou de la magnétite titanifère. Elle est localisée au niveau du contact entre le front d’oxydation et les sables réduits. Les valeurs et la distribution du déséquilibre sont typiques pour un gisement de type roll-front et indiquent un important déséquilibre défavorable à l’uranium dans la zone oxydée et, dans la zone réduite, un état équilibré de la minéralisation à un déséquilibre légèrement favorable à l’uranium. La découverte de ce gisement étant récente, certaines études sont toujours en cours, la nature détaillée et la prépondérance des agents réducteurs piégeant la minéralisation doivent encore être précisées. L’hypothèse prévalente reste la réduction primaire des sédiments K2S due à leur teneur disséminée en matières organiques et aux conditions anoxiques du paléo–environnement fluvio-lacustre. En outre, la migration des fluides réducteurs du bassin profond et des gaz provenant des roches sources d’hydrocarbure pourraient expliquer en partie l’enrichissement massif du gisement de Zoovch Ovoo comparé aux gisements disséminés de Dulaan Uul et les morphologies et distributions de minéralisation de second ordre inexpliquées à l’intérieur du gisement.
L’estimation des ressources réalisée en 2012 a été publiée en 2013. Les calculs étaient basés sur les résultats obtenus à la fin de la campagne de prospection et de développement de 2011. La grille de forage utilisée est de 200 x 200 m à 200 x 100 m. Le processus d’estimation tenait compte d’un quadrillage largement espacé de 50 m entre les sondages, réalisé dans la partie sud-est du gisement pour évaluer la variabilité à court terme de la minéralisation et l’état d’oxydoréduction des sédiments hôtes. Les résultats de ces calculs réalisés à partir de ces données étaient de 54 640 tonnes d’uranium récupérables dans le sable. 70 % de ces ressources (12 510 tonnes) ont été classés tel qu’indiqué et 80 %, (42 130 tonnes), tel que déduit (catégories B et C selon la classification mongole). La teneur moyenne de minéralisation est de 233 ppm, sur la base d’une teneur de coupure de 75 ppm U.
Les résultats de cette estimation sont basés sur les résultats de la campagne de prospection de 2011, mais en 2012 les travaux d’exploration ont permis d’identifier et d’investiguer entièrement les extensions du gisement de l’Unité 2, et de repérer quelques nouvelles minéralisations dans l’unité 1, plus profondes et ouvertes en profondeur vers les secteurs nord et nord-ouest. Les prévisions de ressources géologiques supplémentaires dépassent 10 000 tonnes d’uranium.
Des occurences géologiques aux opérations d’extraction
Premier essai de récupération : Umnut (Dulaan Uul)
Pour évaluer la faisabilité technique de la récupération in situ (ISR) d’uranium dans le contexte des gisements enfermés dans des sédiments de la formation K2Ss2, les paramètres économiques de cette méthodologie d’exploitation et les besoins de remise en état du futur site, un essai d’ISR a été mené sur la partie sud du gisement d’Umnut, représentative du gisement central de Dulaan Uul.
L’essai était conçu sur la base de deux cellules hexagonales combinées composées de deux puits de production, un au centre de chaque cellule, et de 10 puits d’injection (les deux cellules partageant deux puits d’injection). La distance entre les puits d’injection et de production était de 15 m. En plus de cet arrangement, on a placé 12 piézomètres dans et à l’extérieur des cellules, mais aussi sous, dans, sur et en aval de l’aquifère minéralisé pour surveiller l’environnement des cellules et l’évolution des paramètres physiques et chimiques dans et autour de la zone de l’essai, pendant les opérations d’ISR et au cours, moyen et long-terme après la fin des opérations.
L’essai a été mené de décembre 2010 à juin 2011. La méthode évaluée était une lixiviation4 acide à l’aide d’acide sulfurique (H2SO4) visant à ramener le pH de l’aquifère à 1,5. La quantité totale d’uranium récupérée pendant l’essai était 2 876 kg, qu’on estime représenter un taux de récupération de 79 %.
Préparation de l’avenir de l’extraction d’uranium du gisement de Zoovch Ovoo
En 2013, en première étape de la phase d’étude de pré-faisabilité d’une ISR, 30 sondages dédiés ont été faits selon une grille de 400 x 400 m couvrant tout le gisement pour obtenir des échantillons carottés représentatifs de toutes les caractéristiques des sédiments hôtes (unités stratigraphiques, distribution de granulométrie, condition de rédox) liées aux différentes teneurs de minéralisation d’uranium (des roches stériles aux catégories de teneur en uranium les plus élevées) dans les différents secteurs du gisement. Un total de 6 200 m a été sondé et plus de 1 680 m de carottes récupérés. 1 791 échantillons ont été collectés et 278 échantillons représentatifs (512 kg) envoyés au laboratoire d’essai et de traitement d’AREVA Mines en France pour procéder à des tests de lixiviation dynamique et sur colonne. Ces tests sont toujours en cours. On attend des résultats des tests de lixivation sur colonne de fournir les meilleurs paramètres permettant de réaliser un essai d’ISR pilote pour extraire l’uranium du gisement de Zoovch Ovoo. Les travaux de démarrage de la construction du pilote sont prévus pour 2016.
La Mongolie, nouvel acteur du marché mondial de l’uranium
Les efforts de prospection fondés sur la revue des données historiques et la nouvelle approche géologique de COGEGOBI ont porté leurs fruits. On estime maintenant que les ressources supplémentaires d’uranium des nouveaux gisements atteindront plus de 60 000 tonnes d’uranium, sans tenir compte des 10 000 à 20 000 tonnes de ressources additionnelles attendues et pas encore formellement estimées, dans l’extension des gisements déjà classifiés.
Cette découverte d’importance mondiale a révélé un nouveau district d’uranium enfermé dans des sédiments. Depuis leur classification officielle, les gisements de Dulaan Uul et de Zoovch Ovoo représentent ensemble plus de la moitié des ressources en uranium classifiées du pays, plaçant la Mongolie parmi les dix plus grands pays du monde en termes de ressources d’uranium déduites (fourchette de coût < 130 USD/kgU). Par ailleurs, le succès de ces prospections démontre le potentiel des larges bassins distaux, ce qui permet d’attendre de futures découvertes potentielles dans tous les bassins crétacés sous-prospectés du pays, preuve que le sol renferme des ressources géologiques beaucoup plus vastes.
Entre 1989 et 1995, la Mongolie produisait 535 tonnes d’uranium en provenance de la mine à ciel ouvert de Dornod dans le district de Mardai gol [2]. Il n’y a actuellement aucune mine d’uranium en activité dans le pays. Les travaux réalisés pour convertir les ressources de Dulaan Uul et de Zoovch Ovoo en produit exploitable pourraient amener une production ISR après 2020, avec une capacité de rendement de 2 000 tonnes d’uranium par an pour Zoovch Ovoo uniquement. De ce fait, la Mongolie serait un des principaux fournisseurs d’uranium du monde derrière le Kazakhstan, le Canada, l’Australie, le Niger, la Namibie et la Russie.
Remerciements
Les réalisations décrites ici sont le résultat des travaux de toutes les équipes mongoles et des collaborateurs expatriés de plusieurs nationalités qui ont façonné l’histoire de COGEGOBI, filiale d’AREVA, ces 17 dernières années. Cet article leur est dédié, car leur conviction, leur passion et leurs efforts constants ont permis de trouver la piste, de découvrir, prospecter, développer et classer officiellement les gisements
DAHLKAMP, F.J., Uranium Deposit of the World: Asia, Springer, Berlin (2009).
AGENCE DE L’OCDE POUR L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE, Uranium 2011 : Ressources, production et demandes (Livre rouge), OCDE/AEN, Paris (2012).