1/11 – L’énergie nucléaire, atout maître des territoires

La Convention nationale de la Sfen 2021 portant sur l’essor du nucléaire dans les territoires a été organisée en partenariat avec le GIFEN (Groupement des industriels français de l’énergie nucléaire). Pouvez-vous rappeler la place de l’industrie nucléaire dans les territoires ?
Cécile Arbouille (C.A.) : L’industrie nucléaire, 3e filière industrielle derrière l’automobile et l’aéronautique, tient une place centrale dans les territoires grâce à ses infrastructures, ses entreprises et ses salariés présents dans toutes les régions. L’industrie nucléaire française, ce sont 3 200 entreprises dont 85 % des TPE/PME. Le nucléaire, ce sont aussi 220 000 salariés répartis de manière quasi uniforme sur l’ensemble des régions. La filière nucléaire permet ainsi de dynamiser l’activité économique de nombreux territoires. Et ce n’est pas fini car la filière nucléaire aura recruté plus de 20 000 personnes à la fin de la période 2019-2022 et ce, dans toutes les régions.
À la Convention nationale de la Sfen 2021, il a été beaucoup question d’énergie et d’environnement. En quoi ces domaines sont-ils si importants pour les territoires ?
Valérie Faudon (V.F.) : L’énergie nucléaire est le socle de l’approvisionnement en électricité bas carbone d’une France qui compte 67 millions d’habitants. Le pays couvre 60 unités urbaines de plus de 100 000 habitants, regroupant près de 80 % de la population. Les centrales nucléaires sécurisent l’approvisionnement électrique des territoires en produisant de l’électricité 7j/7, 24h/24. Elles sont, avec l’hydroélectricité, un complément indispensable pour le développement des énergies renouvelables intermittentes : elles peuvent ajuster leur production, à la hausse et à la baisse, en fonction du niveau de la demande d’électricité, et du niveau de la production des énergies solaire et éolienne, elles-mêmes tributaires des conditions de soleil et de vent.
De plus, l’énergie nucléaire est le socle d’un système électrique solidaire. Grâce à un réseau électrique et des centres de production nucléaire répartis à travers le territoire, le modèle français permet de bénéficier du même tarif et de la même qualité de service partout, à la ville comme à la campagne. Par exemple, la Bretagne, qui ne produit que 17 % de sa consommation d’électricité, est alimentée par les centrales nucléaires de la vallée de la Loire et de la Manche. De même, l’Île-de-France ne produit aujourd’hui que 5 % de son électricité. Enfin, l’électricité bas carbone est un atout pour diminuer la consommation d’énergies fossiles dans les territoires, laquelle reste aujourd’hui concentrée dans les transports, l’habitat et l’industrie. Selon une étude de Bloomberg en 2016, la France est le pays où il est le plus intéressant de développer la voiture électrique, compte tenu de la très faible intensité carbone de son électricité. En plus de réduire les émissions de CO2, le développement de l’électromobilité permettrait de lutter contre la pollution atmosphérique, les véhicules électriques n’émettant pas de gaz de combustion ni de particules fines. Aussi, en permettant la production d’hydrogène bas carbone par électrolyse, le nucléaire contribuera à décarboner les industries et les transports lourds.
L’industrie nucléaire française recrute mais certains métiers techniques sont sous tension. Quelles actions le GIFEN met-il en place pour aider la filière sur ce point ?
C.A. : Certains métiers techniques sous tension comme les soudeurs, les chaudronniers ou encore les tuyauteurs sont une problématique commune à l’ensemble de l’industrie, pas seulement au nucléaire. Le GIFEN a, dès sa création, pris à bras-le-corps la question de l’attractivité des métiers en créant une commission « Compétences & Formations ». Réunissant les Grands donneurs d’ordre (GDO) et de nombreuses TPE/PME, elle travaille au quotidien sur ce sujet absolument crucial pour l’avenir de la filière.
Nous avons récemment mis sur pied le programme EDEC (Engagement de développement de l’emploi et des compétences) pour la filière nucléaire française. Il permettra notamment de financer une cartographie très détaillée des compétences présentes sur tout le territoire et ainsi d’établir un programme d’actions ciblées pour anticiper, soutenir et développer l’emploi et les compétences partout en France.
Nous travaillons également sur l’attractivité de la filière en organisant des présentations dans les établissements de l’enseignement supérieur, rencontres qui remportent un franc succès auprès du corps professoral et des étudiants. Nous sommes présents sur les réseaux sociaux ce qui nous permet de toucher un public plus large et nous sommes en train de renforcer notre communication externe. Dès que les conditions le permettront, nous interviendrons sur des grands événements comme l’Usine extraordinaire ou la Semaine de l’industrie.
L’objectif du GIFEN est de travailler main dans la main avec les industriels pour donner envie aux jeunes de nous rejoindre car la filière nucléaire est une filière d’avenir qui recrute en permanence et qui garantit des emplois passionnants !
Plus globalement, quels sont les objectifs prioritaires du GIFEN les prochains mois ?
C.A. : Ils sont nombreux. Tout d’abord, nous souhaitons continuer à faire grandir notre groupement et rassembler autour du GIFEN le plus d’entreprises possible. Nous invitons toutes les TPE/PME ou ETI avec des activités en lien avec le nucléaire civil à nous rejoindre pour construire ensemble l’industrie nucléaire de demain. Ensuite, comme déjà dit, le sujet de l’attractivité est prioritaire pour la filière. Notre syndicat y travaille donc de manière soutenue. L’accélération du numérique est aussi un sujet majeur. Le GIFEN porte ainsi un projet très important de développement d’outils numériques permettant de faciliter et de fluidifier les prestations des fournisseurs pour les GDO ; un contrat de plus de 5 millions d’euros a été signé avec la Banque publique d’investissement (BPI) en janvier 2021 pour accompagner ces projets. Nous travaillons également à donner de la visibilité aux industriels et aux GDO en ce qui concerne les charges des projets à venir et les ressources disponibles dans la filière. Ainsi, la journée Perspectives France qui a eu lieu le 3 juin dernier a vocation à devenir récurrente. Elle permet de réunir les acteurs de la filière pour préparer les projets à venir sur les dix prochaines années. Le rendez-vous est pris avec nos adhérents pour une nouvelle journée en 2022. Autre événement majeur à venir, le World Nuclear Exhibition (WNE), organisé du 30 novembre au 2 décembre 2021.
Nous travaillons en outre à soutenir nos entreprises dans le développement de leurs innovations, nous les aidons dans leur croissance à l’export, nous les accompagnons vers une meilleure prise en compte de la culture sûreté et de la qualité nucléaire. Nous portons enfin la voix de la filière française dans les instances européennes et auprès des principaux décideurs. Comme vous le voyez, ce sont des sujets variés et passionnants portés par nos équipes au quotidien pour contribuer à l’excellence et à la pérennité de la filière.
Les candidats aux élections présidentielles en 2022 seront amenés à parler d’énergie. Selon vous, outre que le nucléaire est une énergie bas carbone, quels sont les éléments à mettre en avant ?
V.F. : La filière nucléaire continue d’investir dans les territoires où elle se trouve, et peut largement contribuer à la réindustrialisation de la France, un des enjeux de la crise sanitaire que nous vivons depuis plus d’un an. Sur le plan industriel, un achat sur trois réalisé pour une centrale nucléaire s’effectue auprès d’entreprises locales. En 2020, cela représentait près de 850 millions d’euros répartis sur plus de 5 000 entreprises. 2021 marquera une nouvelle accélération des investissements de modernisation des installations : l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a rendu en février 2021 un avis générique sur le 4e réexamen de sûreté (à quarante ans) des réacteurs de 900 MW. En termes d’emplois et d’activités industrielles, cette 4e visite décennale représentera cinq fois le volume d’activités de ce qui a été réalisé au passage des trente ans. En mai 2021, EDF a aussi remis une offre au gouvernement sur la construction de six EPR destinés à renouveler une partie du parc nucléaire actuel, avec différentes options d’implantation dans les territoires pour trois paires de tranches. Selon le cabinet PWC, la part des entreprises françaises dans la construction d’un EPR en France atteint 80 % : un projet EPR crée 8 350 emplois (directs, indirects et induits) en moyenne pendant la phase d’études puis de construction (une dizaine d’années en moyenne), dont 4 000 emplois sur place. Un projet EPR crée aussi des emplois sur le long terme : la phase d’exploitation (au moins soixante ans) se traduit par 1 600 emplois pérennes, qualifiés et non délocalisables.
L’énergie nucléaire est aujourd’hui un véritable outil au service de la réindustrialisation des territoires. Elle permet d’abord de fournir aux industriels une électricité de qualité à des prix attractifs. Près de 650 sites industriels sont raccordés directement au réseau de transport d’électricité et bénéficient d’une électricité stable, leur permettant de se prémunir des coupures de courant préjudiciables à leurs cycles de production, et compétitive avec un prix inférieur de 25 % au prix moyen en Europe.
Et puis la filière nucléaire est un vecteur de compétences. Outre son investissement en formation, la filière investit 970 millions d’euros par an en recherche, en particulier dans des domaines comme la mécanique, la résistance des matériaux, les fabrications métallurgiques innovantes et l’instrumentation, des activités qui bénéficient naturellement aux autres filières industrielles. 120 thèses sont lancées chaque année par la Direction des énergies du CEA, la plupart en partenariat avec les universités, partout en France.
Enfin, l’énergie nucléaire permet de réduire l’empreinte carbone des produits et services, alors qu’elle est amenée à devenir un nouveau facteur de compétitivité. Elle permettra également à notre pays de se placer dans la production d’hydrogène bas carbone et de se positionner dans les secteurs de demain, gros consommateurs d’électricité, tels les data centers.
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