Le CESE divisé sur la limitation de la part du nucléaire
Après avoir présenté la première ébauche de son projet de loi à la presse, le Gouvernement a fait plancher le Conseil économique social et environnemental, le CESE, sur le texte. Après plusieurs semaines, la « troisième chambre », sous la houlette de ses deux rapporteurs, Laurence Hézard (section des activités économiques) et Jean Jouzel (section environnement), a présenté son avis. Concernant l’énergie nucléaire, les membres du CESE ont fait part de leur réserve sur la limitation de la capacité de production nucléaire. Une position qui fait écho à celle de la SFEN.
Face aux incertitudes, le CESE recommande « la manœuvrabilité »
Comme la SFEN, les membres du CESE recommandent que la France « se dote de la manœuvrabilité nécessaire dans une période de fortes incertitudes, pour éviter les situations soit de dépendance, soit de coûts prohibitifs. » Le contexte actuel est marqué par les incertitudes.
Incertitudes sur la demande et sur l’offre comme en témoigne la diversité des scénarios énergétiques présentés à l’occasion du débat national sur la transition énergétique. Incertitudes également sur le rythme des baisses des coûts de production des renouvelables, sur le stockage de l’électricité, sur la reprise économique ou sur la consommation d’électricité. Par ailleurs, le marché de l’électricité européen est aujourd’hui en crise profonde.
L’Agence Internationale de l’Energie a sonné l’alarme en juin 2014 soulignant que les rythmes actuels des nouveaux investissements, découragés par la baisse des prix de gros, sont largement insuffisants pour assurer la fiabilité de l’offre d’électricité dans l’Union Européenne à l’horizon 2035. Dans ce contexte instable, le parc nucléaire protège les Français et garantit la sécurité d’approvisionnement en électricité.
Dans ce contexte, il vaut mieux éviter les paris risqués pour rester « manœuvrant ».
Plafonner la production nucléaire, une mesure inconstitutionnelle…
Comme le Conseil national de la transition énergétique (CNTE), plusieurs membres du CESE considèrent qu’une limitation de la production d’électricité nucléaire à son niveau actuel est « contraire à la Constitution ».
Pour les juristes de la Fabrique Ecologique, cela pourrait même ne pas être « compatible » avec le droit de l’Union européenne, « au nom notamment du respect du principe d’égalité entre opérateurs ». Et d’ajouter qu’une « analyse juridique plus détaillée de la mesure dans l’étude d’impact permettrait d’éclairer le débat sur ce point et d’anticiper une éventuelle censure ».
Le Conseil d’Etat, qui s’apprête à rendre son avis, va se prononcer sur la constitutionnalité du projet. S’il reconnait cette mesure comme anticonstitutionnelle, cela pourrait faire quelques remous.
…Et inopportune
Que ladite mesure soit ou non recevable juridiquement n’enlève rien à son inutilité. Alors même que le nucléaire assure une production d’électricité compétitive et très faiblement carbonée, limiter sa production fait peser de lourdes incertitudes sur l’évolution des prix de l’électricité.
Dans une économie mondialisée, le coût de l’énergie est un facteur vital pour la compétitivité industrielle. Ainsi, selon le Conseil d’Analyse Economique, une hausse de 10% du prix de l’électricité réduirait les exportations de 1,9%. En France, grâce au nucléaire, les prix de l’électricité sont parmi les plus faibles d’Europe. Ne dilapidons pas notre héritage et préservons cet avantage compétitif.