La transition énergétique passe aussi par le renforcement des réseaux
RTE vient de dresser le bilan de l’état du réseau électrique dans les territoires. Deux enseignements peuvent être tirés. Le premier est qu’en matière d’électricité, les territoires sont interdépendants ; le second, que le développement des énergies renouvelables implique un renforcement du système électrique. Une tâche compliquée comme le montre l’exemple allemand.
L’interdépendance électrique des territoires
RTE rappelle une réalité parfois oubliée ou négligée : les lieux de production d’électricité et les lieux de sa consommation « sont répartis de manière différenciée d’une région à l’autre ». Ainsi, la Lorraine produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme et inversement pour la Franche-Comté.
Plusieurs facteurs viennent expliquer cette distorsion entre production et consommation d’électricité : la démographie, l’activité économique, la géographie ou encore la présence plus ou moins dense de moyens de production d’électricité (centrales nucléaires, barrages, éoliennes, etc.).
Pour permettre à chacun d’accéder à une électricité de qualité et gommer les déséquilibres entre les territoires, le réseau électrique joue un rôle fondamental en mutualisant l’ensemble des moyens de production d’électricité. Au travers de ces échanges d’électricité, mais également grâce à la péréquation tarifaire – qui permet aux territoires urbains, ruraux et ultramarins de payer l’électricité au même tarif en dépit des hétérogénéités territoriales -, le système électrique français organise de nombreuses solidarités entre territoires.
L’essor des renouvelables rend indispensable le développement du réseau de transport d’électricité
Pour que l’électricité produite par les renouvelables puisse bénéficier au plus grand nombre, il faut nécessairement renforcer le réseau de transport d’électricité.
Variabilité saisonnière, disponibilité de la ressource naturelle (vent, ensoleillement, etc.) et phénomène NIMBY[1] dans une moindre mesure, sont autant de facteurs qui éloignent les lieux de production d’électricité d’origine renouvelable des lieux de leur consommation. C’est pourquoi, en Allemagne, les parcs éoliens sont situés au nord du pays, alors que les grands centres de consommation sont plutôt au sud (grandes villes, industries). L’électricité produite doit donc être transportée à travers le pays pour être consommée.
En l’absence de moyens locaux de stockage de l’électricité, pour éviter de recourir aux moyens de « back-up » (énergies souvent carbonées permettant de palier l’intermittence des renouvelables), et pour tirer pleinement parti des énergies renouvelables, il est nécessaire d’adapter le réseau électrique, seul à même de gérer les contraintes induites par l’intermittence des renouvelables.
Dans ce contexte, les réseaux jouent un rôle clé dans l’intelligence du système, en permettant l’intégration d’initiatives locales par la mutualisation des ressources et une optimisation globale à l’échelle de la France, et au-delà, de l’Europe.
En Allemagne, le renforcement du réseau n’est pas tâche facile
La production d’électricité renouvelable est assurée en partie par les parcs éoliens situés en mer du Nord quand la consommation, elle, se trouve dans le sud de l’Allemagne. Cependant, le renforcement du réseau s’est fait moins vite que le développement des moyens de production renouvelable. Ce décalage entraîne une saturation des réseaux lorsque l’électricité est produite en quantité importante et doit être transportée du nord vers le sud.
Ainsi, selon un rapport du Sénat, en 2011, l’Allemagne a enregistré pas moins de 1 085 arrêts forcés d’éoliennes sur 107 jours, des vents élevés leur faisant produire davantage que ce que le réseau pouvait absorber. Les 8 et 9 décembre 2011, l’incapacité du réseau électrique à transporter l’électricité vers les zones de consommation a même obligé l’Allemagne à importer 1 000 MW d’électricité depuis l’Autriche pour alimenter le sud du pays.
Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), les difficultés devraient « s’accentuer dans les années à venir » avec la montée en puissance des capacités de production renouvelables.
Pour surmonter ces difficultés, 3 600 kilomètres de lignes à très haute tension devront être construites avant 2020 selon l’agence de l’énergie allemande. Ce qui représente, selon la banque d’État KfW, 10 à 29 milliards d’euros d’investissement en renforcement du réseau.
Evolution de la consommation régionale corrigée de 2006 à 2012 – rte 2014
Saint Paul Trois Château – Copyright JAYET STEPHANIE
Ligne életrique très haute tension – Copyright CONTY BRUNO
[1] NIMBY (not in my back yard : “pas dans mon jardin”), terme utilisé pour décrire les opposants à un projet d’intérêt général dont ils estiment qu’ils subiront les conséquences.