« Cigéo est la seule solution qui existe aujourd’hui » M. Abadie (Andra) - Sfen

« Cigéo est la seule solution qui existe aujourd’hui » M. Abadie (Andra)

Publié le 30 janvier 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021

Nommé récemment à la tête de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), Pierre-Marie Abadie explique pour quelles raisons le projet Cigéo est indispensable et pourquoi il est difficile d’appréhender son coût.

Quels sont les défis de l’Andra ?

En prenant la direction de l’Andra, je m’inscris dans la continuité de mes prédécesseurs. D’une part, parce que nous avons à traiter de sujets de très longue durée. Et d’autre part, parce que notre feuille de route a été fixée par le contrat d’objectifs, la loi et le Gouvernement.

En même temps, l’Agence est en profonde évolution. En cela, j’ai trois défis principaux.

Le premier est de renforcer la capacité de projets au sein de l’Agence au travers d’une réforme de l’organisation.

La deuxième chose est de faire évoluer la relation avec les partenaires : les producteurs de déchets et les industriels. C’est un sujet auquel je vais m’attaquer en 2015.

Et enfin, le troisième défis, c’est de continuer à innover dans le dialogue avec la société civile et les territoires pour passer d’un projet « dans » un territoire à un vrai projet « de » territoire.

Cigéo est-il un projet indispensable ?

Qu’on aime ou qu’on n’aime pas le nucléaire, qu’on souhaite en sortir ou y rester, de toute façon il faut traiter les déchets qui sont déjà produits. Et d’ores et déjà, 30 % des déchets de haute activité sont produits et 60 % des déchets de moyenne activité sont déjà là.

Il faut donc trouver des solutions dans la très longue durée, à l’échelle de la centaine de milliers d’années, voir du million d’années, qui permettent de garantir que l’on mette à l’abri les générations futures de la dangerosité des déchets.

C’est pour cela que la seule solution qui existe aujourd’hui, c’est le stockage en grande profondeur, c’est le projet Cigéo.

Bien évidemment, nous devons laisser aussi aux générations suivantes la capacité à revenir en arrière, à avoir d’autres options, c’est ce que l’on appelle la réversibilité. Ce principe de gouvernance permet de laisser aux générations suivantes des options ouvertes.

Toutefois, il n’y aurait pas d’option possible si nous ne mettions pas nous-même en place une solution durable pour les déchets.

Combien coûte Cigéo ?

Appréhender le coût de Cigéo est un exercice complexe qui ne peut pas se résumer en un chiffre. Et ceci pour deux raisons.

La première est que l’on regarde le projet sur l’ensemble de sa durée de vie. Or, par exemple pour le viaduc de Millau, on n’a jamais estimé combien coûterait la refonte du goudron ou du béton dans 150 ans.

La deuxième spécificité du projet est que l’on cherche à répondre à trois questions de nature différentes :

La première : est-ce que le consommateur paye aujourd’hui l’ensemble des coûts des déchets qui seront à stocker ? La Cour des comptes a répondu que « oui » le consommateur payait tout. La Cour a également estimé que les incertitudes résiduelles auraient un impact faible sur le consommateur.

La deuxième : est-ce que l’Andra dispose d’un outil pour piloter le coût du projet ? Aujourd’hui, l’Andra dispose d’une base de données qui comporte des informations sur les coûts d’investissement, les coûts d’exploitation, les coûts de rénovation. Cette base a été partagée avec les producteurs de déchets.

Et puis, il y a une troisième question pour les producteurs : l’impact du projet sur leurs comptes en termes de provision ? L’originalité du projet réside dans le fait qu’il doit être intégralement provisionné par les producteurs. C’est donc un exercice de nature différente de l’exercice technique même s’il utilise la même base de données.

Par exemple, cela revient à se poser la question de la façon dont on traite les risques à court-terme et les risques à long terme. Pour les risques à long terme, l’objectif c’est de ne pas les transférer aux générations suivantes donc on va être très prudents, très exigeants. En revanche, une incertitude qui se lève dans deux ans, on peut décider de la lever aujourd’hui ou d’attendre qu’elle soit définitivement clarifiée dans deux ou trois ans.

Cela est également vrai pour les coûts d’exploitation, comment approche-t-on les coûts d’exploitation dans dix, quinze, vingt ans ? Comment approche-t-on le progrès technique ? Là, il y a des aspects techniques et aussi des aspects de provisionnement, de règles comptable, qui sont d’une nature différente et qui sont de la responsabilité des producteurs.

Comment sont gérés les autres déchets ?

L’originalité de l’Andra est d’être responsable du stockage de l’ensemble des déchets radioactifs. Pour ce faire, nous faisons l’inventaire actuel et prospectif de l’ensemble des déchets produits et à venir. C’est une originalité française.

Nous avons également d’autres centres de stockage déjà actifs qui permettent de traiter 90 % des déchets en volume. Même si, l’essentiel de la radioactivité ira dans le centre de Cigéo.

Depuis 1969 jusqu’à 1994, nous avons exploité un centre dans la Manche. Aujourd’hui, nous exploitons un centre qui s’appelle le « CSA » dans l’Aube, qui traite l’ensemble des déchets d’exploitation dit de faible et de moyenne activité à vie courte (gants, outils, ferrailles, gravats).

Nous exploitons également un centre dit le « Cires » qui accueille les déchets de très faible activité (gravats, éléments de démantèlement à très faible activité).

L’excellence de l’exploitation de ces sites et l’acceptabilité des populations locales sont une vitrine industrielle pour l’Agence à l’international.

Plus généralement, l’Andra travaille sur l’optimisation de l’ensemble de la filière de déchets nucléaires : depuis le démantèlement, jusqu’au stockage et en préparant les filières encore à construire.

Il y a une autre catégorie de déchets sur lesquels nous travaillons : les faibles activités à vie longue. Ils sont essentiellement des déchets historiques (graphites issus de la filière UNGG, radifères issus de l’industrie chimique) pour lesquels une solution appropriée entre le CSA et Cigéo mérite d’être trouvée. Nous ouvrons en 2015 un rapport d’étape suite aux prospections géologiques que nous avons pu mener autour de sites existants notamment dans l’Aube.

Publié par Boris Le Ngoc