Les 7 conséquences de l’Energiewende - Sfen

Les 7 conséquences de l’Energiewende

Les conséquences du programme « Energiewende », lancé il y a quelques années en Allemagne et qui vise à sortir de manière accélérée du nucléaire et mise sur l’énergie renouvelable, deviennent tangibles. Deux professeurs d’université allemands et un représentant allemand de l’industrie, invités à Bruxelles par le Forum nucléaire belge, analysent aujourd’hui l’impact de la politique énergétique allemande.

L’Energiewende prévoit la sortie du nucléaire et le remplacement progressif des sources conventionnelles d’énergie par le renouvelable, et ce dans presque tous les domaines où interviennent les activités humaines, que ce soit pour le transport, l’industrie, l’éclairage ou encore le chauffage, etc. Les trois experts allemands, Prof. Dr. Colin Vance, Prof. Dr. Gert Brunekreeft et Dr. Stefan Nieβen, ont épinglé sept conséquences majeures de cette nouvelle politique énergétique allemande.

 

Des émissions de CO2 accrues

L’Energiewende a pour objectif de réduire les émissions de CO2 de 40 % (750 millions de tonnes) à l’horizon 2020 par rapport à leur niveau de 1990. À l’heure actuelle, la réduction atteint les 27 %. Entre 2011, année de fermeture des premières centrales nucléaires, et la fin 2013, l’Allemagne a vu ses émissions de gaz à effet de serre augmenter de 3 % (le plus haut niveau atteint depuis 2008). En 2014, celles-ci ont diminué grâce à une réduction des émissions produites par les ménages (15 %). En effet, dans un contexte de crise économique, la hausse des prix a entraîné une baisse de la consommation d’énergie, mais également une baisse de la production énergétique (5 %).

 

Les prix de l’électricité les plus élevés d’Europe, principalement à charge des ménages

Les prix allemands de l’électricité pour les ménages et les industries sont les plus élevés (avec le Danemark) d’Europe. En 2014, la contribution des Allemands à la transition énergétique se montait à 62,4 €/MWh (75 % de plus par rapport à 2012) et la taxe énergie s’élevait à 20,5 €/MWh. En 2014, les consommateurs allemands ont payé 23,6 milliards d’euros pour les énergies renouvelables destinées à la production d’électricité.

Le coût cumulé des objectifs RES (sources d’énergies renouvelables) est estimé à 450 milliards d’euros d’ici 2030. Mais les consommateurs industriels intensifs bénéficient d’une réduction importante de cette contribution, par crainte des conséquences sur la compétitivité des entreprises allemandes.

 

Un mix énergétique majoritairement « fossile »

Mesuré tout au long de l’année 2014, le mix énergétique allemand est avant tout « fossile » et se compose comme suit:

  • combustibles fossiles : 54 % (25,6 % de lignite, 18,0 % de charbon, 9,6 % de gaz naturel et 0,8 % de pétrole);
  • énergies renouvelables : 25,8 % (8,6 % proviennent de l’éolien, 7,0 % de la biomasse, 5,8 % de l’énergie solaire, 3,4 % de l’énergie hydraulique, et 1,0 % de la combustion de déchets);
  • énergie nucléaire : 15,9 %;
  • autres : 4,3 %

     

La sécurité d’approvisionnement est devenue plus précaire

Au cours des 12 derniers mois, 20 % des entreprises allemandes ont rencontré des problèmes relatifs à la sécurité d’approvisionnement. Le développement des énergies renouvelables génère un surplus d’électricité qui doit être exporté. Mais ce surplus ne contribue pas pour autant à la sécurité d’approvisionnement. En outre, les unités de production de gaz sont mises à l’arrêt, ce qui pose également des questions pour l’avenir quant à la sécurité d’approvisionnement.

Le cas de la centrale allemande au gaz d’Irsching illustre bien ce problème : cette centrale est l’une des plus récentes en Europe et sera fermée en avril de l’année prochaine. En cause, la concurrence avec les énergies renouvelables qui pousse à mettre les centrales conventionnelles à l’arrêt. Au total, ce sont 50 centrales électriques en Allemagne qui ont exprimé leur volonté de fermer cette année. On observe par conséquent un affaiblissement rapide de la volonté d’investissement étant donné que même les centrales électriques au gaz les plus efficaces ne peuvent plus être exploitées de manière rentable. C’est la viabilité économique de près de 53 % des projets de construction de centrales électriques en Allemagne d’ici 2025 qui est ainsi remise en question.

 

Les investissements nécessaires à l’adaptation du réseau accusent un très net retard sur le calendrier

Pour effectuer le passage d’une production d’électricité centralisée (grandes centrales au gaz, au charbon ou nucléaires) à un système de production décentralisé (consistant en l’installation d’éoliennes et de panneaux solaires disséminés partout dans le paysage), des modifications doivent être apportées au réseau. A cet effet, le Bundestag, le parlement allemand, a adopté une loi en 2009 visant à étendre le réseau de 1 876 km supplémentaires par l’installation de nouvelles lignes d’ici 2015 afin de rendre possible cette transition énergétique. Cependant, fin 2014, seuls 463 km avaient été installés. Les raisons de ce retard ? Les procès intentés par les riverains opposés à l’installation de ces lignes dans leur quartier ou région et le coût élevé que celles-ci engendrent (le coût estimé pour l’installation de 1 km de lignes à haute tension s’élève à 1 million d’euros).

Pour ce qui est des investissements futurs, l’opérateur allemand du réseau TenneT a calculé que dans le scénario le plus réaliste : 2 300 km de corridors de transmission en courant continu devront être installés dans les dix prochaines années ; de même que 1 300 km de réseau en courant alternatif au cours de la même période et 5 300 km du réseau existant devront faire l’objet de renforcements. Le tout pour un coût total de 23 milliards d’euros.

 

Réaction négative de l’industrie allemande

Une récente étude menée par l’Association des chambres de commerce et d’industrie allemandes indique que seulement 14 % des entreprises allemandes observent un effet positif de l’Energiewende sur leur compétitivité, 34 % estiment que les effets sont négatifs. Ce bilan pousse 24 % des entreprises allemandes à envisager de réduire leur production en Allemagne, 4 % d’entre elles ont même déjà délocalisé leur production en raison de l’Energiewende, et 8 % sont en phase de délocalisation. Enfin, 40 % des entreprises sondées dans le cadre de cette étude soulignent que les prix de l’énergie sont devenus une source de préoccupation plus importante au cours des 12 derniers mois .

 

L’adhésion de l’opinion publique diminue

Selon les derniers sondages, la population allemande soutient l’Energiewende à 57 %. Un chiffre en baisse puisque, entre 2012 et 2015, ce soutien a reculé de 66 à 57 %.

 

Conclusions

L’Energiewende a chamboulé les projets de construction de nouvelles centrales électriques conventionnelles, en particulier celles alimentées au gaz, plus propre, mais aussi plus coûteuses que le charbon. Par conséquent, les centrales au charbon doivent tourner à plein régime. L’année dernière, la production d’électricité par la combustion de lignite, la variété de charbon la plus polluante, a atteint son niveau le plus élevé depuis 1990. A contrario, la production d’électricité au gaz a, quant à elle, décliné.

L’Energiewende a eu pour résultat de faire augmenter les prix de l’énergie en Allemagne et les Allemands se sont retrouvés à émettre plus de dioxyde de carbone en raison d’une consommation plus importante de charbon, ce qui n’est pas vraiment le résultat que les architectes de l’Energiewende avaient en vue.

Le cas allemand nous permet d’entrevoir ce qui pourrait arriver en Belgique d’ici 2025 en cas de fermeture de  nos centrales nucléaires : les prix de l’électricité risqueraient d’augmenter, de même que les émissions de CO2. Nucléaire et renouvelable sont pourtant compatibles. Ces deux sources d’énergie bas carbone constituent une partie de la solution dans la lutte contre les gaz à effet de serre et le changement climatique. L’énergie nucléaire fait donc partie de la solution vers une transition énergétique bas carbone.

 

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Article paru sur forumnucleaire.be

 

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