Japon : le redémarrage sera “progressif” - Sfen

Japon : le redémarrage sera “progressif”

Publié le 11 août 2015 - Mis à jour le 28 septembre 2021

Quatre ans après la catastrophe de Fukushima, Kyushu EPCO redémarre le réacteur Sendai 1, dans le sud-ouest de l’Archipel. Christophe Xerri, conseiller nucléaire à l’Ambassade de France à Tokyo, nous livre son analyse : que signifie ce redémarrage pour les Japonais ? Quelle sera la place du nucléaire dans les prochaines années ? La France jouera-t-elle un rôle ? Entretien. 

 

Comment la presse japonaise traite-t-elle du redémarrage de Sendai ?

Christophe Xerri – Au Japon, le redémarrage de ce premier réacteur est une nouvelle importante reprise par l’ensemble de la presse nationale.

L’accent est mis sur la sûreté bien sûr et sur les atouts économiques du nucléaire. Depuis deux ans et l’arrêt des derniers réacteurs nucléaires, l’Archipel a reporté sa production d’électricité sur les centrales thermiques, charbon, gaz, fioul. Ne disposant pas de ressources locales, le pays a dû importer, ce qui pèse sur la balance commerciale. Les analystes estiment à 100 millions de dollars par jour, le montant alloué à la substitution du nucléaire par les fossiles.

 

Le redémarrage s’inscrit-il dans les « Abenomics » ?

CX – Pleinement.

Depuis plusieurs années, le gouvernement a engagé plusieurs mesures pour relancer la compétitivité du pays, développer l’activité et relancer la consommation des ménages (« les Abenomics »).

Redémarrer des réacteurs aura pour effet de réduire le volume des importations japonaises et devrait permettre de baisser la facture énergétique des ménages, qui depuis l’arrêt du nucléaire a augmenté de 20 à 30 %. L’activité économique des PME du tertiaire, très présente dans l’économie japonaise, devrait elle aussi bénéficier de la baisse des prix de l’électricité. 

 

Quelle sera la place du nucléaire dans les années à venir ?

CX – Les gouvernements successifs ont toujours considéré que le redémarrage immédiat du nucléaire était nécessaire pour l’économie japonaise. Mais leur opinion diverge sur la vision long terme.

Après consultation, le gouvernement de Shinzo Abe a présenté son plan de politique énergétique dans lequel le nucléaire est présenté comme une source énergétique de base indispensable à la stabilité du réseau électrique et à l’économie japonaise. L’objectif est que le nucléaire représente 20 à 22 % de la production électrique du pays en 2030. Nous sommes loin des 30 % d’avant Fukushima. Les énergies renouvelables sont également encouragées avec un objectif de 22 % à 24 %.

 

De nouveaux réacteurs seront-ils construits ?

CX – Le redémarrage des réacteurs, leur raccordement au réseau électrique et la baisse des prix de l’électricité se feront progressivement (NDLR : le système électrique japonais est organisé autour de 10 monopoles régionaux. Les effets du redémarrage dépendront des électriciens et des régions).

Actuellement, cinq réacteurs ont le feu vert principal de l’autorité de sûreté, la NRA, et pourraient redémarrer dans les prochains mois : Sendai 2, Takahama 3 et 4, et Ikata 3. La NRA étudie par ailleurs les dossiers de Genkai 1 et 2, Ohi 3 et 4, Tomari.

La dynamique du redémarrage est lancée. Elle devrait continuer à porter ses fruits.

Selon les estimations, on espère une mise en ligne d’un réacteur tous les deux à trois mois.  

 

Quels sont les autres enjeux du nucléaire au Japon ?

FX – L’extension de la durée d’exploitation des réacteurs est un enjeu fort. La nouvelle réglementation fixe la limite à 40 ans avec une prolongation d’une fois pour un maximum de 20 ans, soit 60 ans.

Trois réacteurs sont déjà concernés : Tahakama 1 et 2 et Mihama 3. L’exploitant a fait une demande d’une extension auprès de la NRA. 

En outre, deux chantiers de nouveaux réacteurs, engagés avant 2011, pourraient être achevés : Shimane 3 et Ohma, ce dernier fonctionnerait avec du combustible 100 % MOX.

Les électriciens ont également décidé de la fermeture de cinq réacteurs de faible puissance.

Tous ces éléments montrent qu’il est possible d’arriver d’ici 3 à 5 ans aux fameux 20 % de  nucléaire, moyennant l’accord des différentes autorités locales. 

 

La France jouera-t-elle un rôle ?

CX – Avant Fukushima, le chiffre d’affaire d’AREVA au Japon était de 600 à 700 millions d’Euros par an. L’activité portait essentiellement sur le cycle du combustible.

La France n’a pas perdu de parts de marché par rapport à d’autres acteurs. Elle devrait donc bénéficier du redémarrage des réacteurs.